Le Canada est en récession, et les chiffres publiés hier par Statistique Canada sur la population active et le commerce extérieur n'ont rien de rassurant pour la suite des choses.

Or, la récession ne frappe pas de façon uniforme partout au pays. On note même, d'une région à l'autre, des disparités abyssales.

 

À des fins statistiques, le Canada est divisé en 72 «régions économiques». La définition de ces régions a été faite par Statistique Canada, en collaboration avec les provinces. Leur taille peut varier d'un endroit à l'autre. Ainsi, le Québec compte 16 régions économiques, contre 10 pour l'Ontario, pourtant beaucoup plus peuplé. C'est en bonne partie parce qu'en Ontario, la grande région de Toronto est considérée comme une seule entité, alors qu'au Québec, à cause d'un découpage administratif hautement fantaisiste, la région métropolitaine de Montréal est écartelée, dans la banlieue, entre quatre régions économiques distinctes: Laval, Laurentides, Lanaudière et Montérégie.

Toujours est-il qu'en calculant le nombre d'emplois perdus ou gagnés depuis un an dans chacune des régions, on obtient ce qu'on pourrait appeler un véritable portrait géographique de la récession.

Une chose saute aux yeux: malgré la pire récession en près de 30 ans, une bonne vingtaine de régions canadiennes (en vert sur la carte) sont parvenues à créer de l'emploi depuis un an.

Les régions les plus fécondes à ce chapitre sont la Montérégie, au Québec (22 200 nouveaux emplois), Calgary, en Alberta (18 700), Brandon, au Manitoba, et Saskatoon (6500 chacune).

Par contre, les pertes d'emplois (en rouge sur la carte) ont été très lourdes à Vancouver (29 300 emplois supprimés, toujours en un an), à Montréal (17 500), dans les Laurentides (16 900), à Windsor-Sarnia (16 500), Hamilton-Niagara (16 200), London (11 200) et Kitchener-Waterloo (8300).

Les difficultés du secteur manufacturier, et en particulier de l'industrie nord-américaine de l'automobile dont la présence au Canada est massivement concentrée en Ontario, expliquent en bonne partie pourquoi neuf des dix régions ontariennes ont perdu des emplois. La province voisine compte maintenant 627 000 chômeurs.

Au Québec, la situation se présente différemment: sur l'ensemble du territoire, 33 000 emplois ont été supprimés entre février 2008 et février 2009. Mais on observe de fortes variations régionales. Aujourd'hui, six des seize régions québécoises comptent plus d'emplois qu'il a un an. De loin, la région qui se tire le mieux d'affaire est le Bas-Saint-Laurent (encore ici, le découpage administratif québécois nous joue des tours, puisque des municipalités régionales gaspésiennes comme Matane et Matapédia ont été rattachées au Bas-Saint-Laurent). Cette région a connu une croissance de l'emploi de 6,5%, une des plus fortes au Canada. Le contrat des voitures de métro aux installations de Bombardier à La Pocatière, ainsi que le développement de l'éolien, y sont certainement pour quelque chose. Les autres régions québécoises qui réussissent à tirer leur épingle du jeu, jusqu'à maintenant, sont la Montérégie, Québec, l'Abitibi, les Cantons-de-l'Est et la Gaspésie.

On peut être surpris de constater l'hécatombe à Terre-Neuve-et-Labrador, alors que cette province, assise sur ses importantes réserves pétrolières offshore, joue les nouveaux riches. En fait, le pétrole d'Hibernia a surtout profité à la région de la capitale, St.John's, région qui, il est vrai, compte pour plus de la moitié de la population terre-neuvienne. Le reste de la province demeure aux prises avec des pertes d'emplois importantes et un taux de chômage élevé.

Enfin, autre surprise, pourquoi y a-t-il autant de régions peintes en rouge en Alberta, la province la plus riche? La carte, rappelons-le, ne dresse pas un portrait de la situation du marché du travail, mais vise à illustrer les variations de l'emploi depuis un an. Avec un taux de chômage de 5,4% (même si ce chiffre est élevé selon les critères albertains) et un taux d'activité de 74,6%, le marché du travail albertain demeure en très bonne santé. Toutefois, il est clair que l'économie albertaine connaît des ratés dans le secteur des ressources, et que cela se reflète sur l'emploi.