Parole d'Albert Einstein: «Deux choses sont infinies: l'univers et la bêtise humaine. Pour l'univers, je n'en ai pas acquis la certitude absolue.»

L'économiste en chef de Desjardins, François Dupuis, avait utilisé cette citation d'Einstein pour coiffer sa préface du «Dossier spécial sur les crises financières» qu'il avait publié en septembre 2001 à la suite de l'éclatement de la précédente bulle spéculative des technos.

 

«Cette citation d'Einstein, peut paraître exagérée, voire prétentieuse, mais elle illustre néanmoins un des volets de la nature humaine. Ce comportement a malheureusement été constaté à trop de reprises sur la scène économique, ajoute M. Dupuis, particulièrement lors de périodes d'euphorie et de formation de bulles spéculatives.»

Convenons ensemble qu'il en a fallu de la bêtise financière, et ce, à très grande échelle, pour créer de toutes pièces la fabuleuse crise qui frappe actuellement la planète. Les financiers ont notamment réussi le tour de force de créer et de vendre une panoplie de produits structurés, dont la valeur artificielle dépassait de 35 fois l'actif réel sur lequel il était basé. De façon simpliste, c'est comme si vous réussissiez à hypothéquer une maison de 100 000$ pour 3,5 millions de dollars.

Mais avant de revenir sur l'ampleur de la présente crise financière, voici un petit rappel historique des précédentes crises financières qui, selon Desjardins, ont marqué l'histoire de la... bêtise humaine.

- 1634: en Hollande, une vague de spéculation gonfle le prix des bulbes de tulipes jusqu'à, en dollars d'aujourd'hui, 25 000$ pour un des bulbes exotiques de l'époque. L'enthousiasme de la «tulipomanie» se fana et les premiers spéculateurs perdirent leur fortune.

- 1720: des spéculateurs perdent des fortunes avec la crise du Mississippi Bubble (France) et celle de la South Sea Compagny (Angleterre). Ces deux entreprises devaient exploiter les ressources aurifères qu'elles découvraient dans le Nouveau Monde. Quand les actionnaires ont voulu échanger leurs actions contre l'or promis, les entreprises se sont effondrées, faute de réserves... d'or!

- XIXe siècle: les États-Unis prennent le leadership des crises financières. Des banques et des entreprises américaines réussissent à attirer des capitaux étrangers (surtout anglais) pour spéculer sur l'immobilier, l'achat de terres, les canaux, les chemins de fer. Et un beau jour, les entreprises disparaissaient de la circulation ou tombaient carrément en faillite.

- 1929: le krach boursier entraîne le monde dans la Grande dépression des années 30. Le Dow Jones chutera de 86% entre son sommet de 1929 et son creux de 1932. Le taux de chômage se maintiendra dans les 30%.

- 1966, 1970, 1974: trois crises de crédit viennent frapper d'aplomb l'économie américaine et Wall Street. Des faillites retentissantes surviennent, dont celle de la compagnie de chemins de fer Penn Central (1970) et celle de la banque Franklin National (1974).

- 1980: on assiste à l'éclatement de la bulle spéculative sur l'or et l'argent que les frères Hunt avaient créée en y investissant à partir de 1973 des sommes colossales. Le prix de l'or et de l'argent s'est écroulé à la suite d'une forte hausse du taux directeur de la Réserve fédérale américaine.

- 1987: Wall Street est en folie alors que le Dow Jones enregistre depuis 1984 une hausse moyenne de 33% par année. Arrive octobre: bang! Le Dow Jones s'écroule de 22,6% lors de la séance de 19 octobre. Du jamais vu! C'est la panique mondiale.

- 1989-1990: la Bourse japonaise a perdu la boule. Fin décembre 1989, elle touche son sommet historique en frôlant la barre des 39 000 points, grâce à la manipulation financière. Arrive janvier et elle commence à se dégonfler. Le Nikkei se dégonflera de 63% au cours des années de déprime qui ont suivi.

- 1997: juillet, une crise touche cette fois les «tigres» asiatiques: Thaïlande, Indonésie, Malaisie, Philippines.

- 2000: la bulle des technos éclate et assomme le monde entier, entraînant Wall Street et les autres grandes places boursières dans une chute de 50% de valeur. La chute se terminera au début octobre 2002. La bulle des technos a généré de juteux scandales financiers: Enron, WorldCom, Nortel, Tyco. ImClone, Adelphia, etc.

Inspirés comme jamais, les grands magiciens de la haute finance se sont retroussés les manches et cinq ans plus tard, grâce à cupidité de leur entourage (banquiers, courtiers, gestionnaires de portefeuille) et des spéculateurs du monde entier, ils réussirent à gonfler une nouvelle bulle boursière jusqu'à hauteur cette fois de 63 000 milliards US.

Entre le creux d'octobre 2002 de la crise des technos et le sommet d'octobre 2007 de la dernière bulle financière, la valeur boursière des 46 000 compagnies inscrites à la cote des Bourses mondiales avait triplé. Pour réussir un tel exploit, il a fallu que les financiers convainquent la masse des petits investisseurs de monter à bord du bateau, par l'entremise des fonds communs de placement, des caisses de retraite, de leurs portefeuilles individuels.

Aujourd'hui, un an et demi plus tard, la capitalisation boursière mondiale s'est dégonflée de quelque 33 000 milliards US. C'est la somme globale que nous avons collectivement perdue en Bourse. Je vous ferais remarquer que les pertes boursières dans le cadre de la présente crise sont deux fois plus élevées que lors de l'éclatement de la précédente bulle des technos.

Mais, on va s'en sortir. Quand ils sont sous haute surveillance, les financiers sont capables de grandes réalisations. Malheureusement, ça va se gâter de nouveau. Et la prochaine bulle spéculative sera encore plus grosse et plus désastreuse.

Sur ce, bon week-end!