Que les détracteurs de la Caisse de dépôt et placement du Québec se calment. Le gigantesque portefeuille de la Caisse ne serait pas en si mauvais état que le laissent présager les pertes de 39,8 milliards de dollars rapportées. Plus de la moitié de ces pertes seraient récupérables...

Tel est le message que l'ancien président de la Caisse, Henri-Paul Rousseau, a essayé de transmettre aux Québécois lors de la conférence qu'il a prononcée lundi devant le gratin de la finance montréalaise.

 

«En fait, la majorité de la baisse de valeur (des portefeuilles de la Caisse), soit 22 milliards sur les 39,8 milliards, est constituée de provisions, essentiellement dues à la tempête parfaite de l'automne dernier et dues à l'impact des règles comptables applicables à la Caisse», a déclaré M. Rousseau. Le reste des pertes est attribuable aux pertes subies à la revente des placements en cours d'année.

Qu'entend-il par «provisions»? M. Rousseau fait allusion ici à ce que la Caisse qualifie dans ses états financiers de «moins-values non matérialisées des placements». Ce sont à vrai dire les pertes sur papier que la Caisse a accumulées sur les placements conservés dans ses divers portefeuilles. Le montant de ces pertes sur papier équivaut à la dévaluation des placements en question. En qualifiant ces pertes ou moins-values de «provisions», M. Rousseau laisse entendre que la Caisse réussira au fil des années à effacer ces pertes grâce à une augmentation de valeur desdits placements dévalués.

Selon les états financiers du 31 décembre 2008, voici la liste des moins-values non matérialisées des placements que la Caisse a conservés dans son portefeuille:

> Actions: -13,7 milliards

> Immeubles: -1,3 milliard

> Instruments financiers dérivés: -11,7 milliards

> PCAA de tiers: -3,4 milliards

Si vous faites l'addition, les moins-values (ou pertes sur papier) s'élèvent à 30,1 milliards. De ce chiffre, il faut soustraire la somme de 7,7 milliards, laquelle représente les plus-values non matérialisés accumulées (ou gains sur papier) sur les autres placements conservés en portefeuille.

Décompte final au 31 décembre: la Caisse se retrouve avec 22,4 milliards de moins-values accumulées (30,1 milliards - 7,7 milliards) dans les placements conservés dans les portefeuilles de la Caisse. Une parenthèse: le montant des moins-value en actions, immeubles et instruments dérivés tient compte du taux de change.

Que la Caisse réussisse au fil des années à récupérer une partie des pertes sur papier qu'elle a accumulées au 31 décembre dernier sur les placements conservés... cela ne fait pas de doute. Mais récupérer la totalité des immenses pertes (25 milliards) accumulées dans ses portefeuilles d'actions et d'instruments dérivés, je ne miserais pas là-dessus. Ça prendrait une méchante bulle spéculative. Pas sûr que la nouvelle direction de la Caisse voudrait courir le risque d'y participer...

Par ailleurs, pour expliquer en partie la contre-performance de la Caisse en 2008, l'ancien grand patron de la Caisse, à l'instar de son successeur intérimaire (Fernand Perreault), a évoqué les coûts élevés de la politique de couverture de change de la Caisse sur ses placements étrangers.

La Caisse se protège contre les fluctuations du dollar canadien par rapport aux monnaies étrangères, dollar US, yen, euro. D'ailleurs, la couverture contre le risque de change couvre notamment 100% des placements privés et immobiliers hors Canada de la Caisse et une partie (29%) des portefeuilles d'actions américaines et étrangères.

Une précision s'impose ici: dans un article publié récemment, mon confrère Francis Vailles a démontré noir sur blanc que la Caisse avait en 2008 engrangé non pas une perte mais un profit de 2,4 milliards grâce à la dévaluation du dollar canadien. Grâce à la dévaluation de notre dollar, l'appréciation (en dollars canadiens) des placements étrangers de la Caisse a nettement surpassé le coût de la couverture de change.

En raison de la taille de son portefeuille de placements étrangers, la Caisse a une politique de protection contre le risque de change plus onéreuse que celle de ses rivaux. Mais cela ne l'a pas empêché en 2008 de tirer elle aussi profit de la dévaluation du dollar canadien...