Statistique Canada nous apprenait hier que l'économie canadienne a subi au quatrième trimestre une contraction de 3,4 % en rythme annuel, du jamais vu depuis la récession de 1990-1991. On enregistre des reculs sur presque tous les fronts : ventes au détail, exportations, bâtiment, bénéfices des entreprises.

Certes, on peut toujours se consoler en pensant que ces résultats, toutes proportions gardées, sont moins désastreux qu'aux États-Unis, en Europe ou au Japon. Il n'en demeure pas moins que la situation est très sombre. Pour plus de détails, je vous invite à lire le reportage de mon collègue Stéphane Paquet, ci-contre.

 

Mais il y a encore plus inquiétant.

L'enquête trimestrielle de Statistique Canada nous dresse un portrait de l'économie pour une période donnée. Elle nous apprend que les Canadiens viennent de vivre trois mois difficiles.

Mais qu'en est-il de l'avenir? Qu'est-ce qui nous attend en 2009?

Il ne manque pas de spécialistes pour émettre des prévisions, mais celles-ci sont souvent contradictoires. Il y a les optimistes qui pensent que la crise sera relativement courte, et les pessimistes qui s'attendent à une longue période de morosité. Le hic, c'est que les deux camps avancent d'excellents arguments, et qu'il n'est pas toujours facile de s'y retrouver dans cette question qui prend souvent des allures hautement techniques.

L'Association des économistes québécois (ASDEQ), un organisme fondé il y a 33 ans et qui possède une solide crédibilité, vient d'apporter une contribution majeure au dossier. L'ASDEQ, en collaboration avec la maison Léger Marketing, a décidé récemment de mener un sondage trimestriel sur la situation économique auprès de ses quelque 500 membres.

L'avantage de cette approche saute aux yeux. Les membres de l'ASDEQ sont par définition des économistes de formation, et on les retrouve dans de nombreux secteurs : enseignement universitaire, services de recherche économique des institutions financières, associations professionnelles, ministères et agences gouvernementales, entreprises privées.

Les médias accordent généralement beaucoup d'importance à telle ou telle étude économique provenant de telle ou telle organisation. C'est très bien : la plupart du temps, il s'agit d'études rigoureuses qui apportent des points de vue éclairants.

En revanche, un sondage réalisé auprès de centaines d'économistes provenant d'horizons différents fournit un baromètre difficile à battre. Le premier sondage a été réalisé il y a trois mois. Les résultats du deuxième sondage ont été publiés hier, et arrivent particulièrement à point : au moment où Statistique Canada nous annonce d'aussi mauvaises nouvelles, comment les économistes québécois entrevoient-ils l'avenir?

Hélas, plutôt mal, et même très mal.

Pas moins de 82 % des économistes qui ont participé au sondage pensent que la situation économique du Québec va se détériorer au cours des trois prochains mois. C'est énorme : un «avis presque unanime», souligne un communiqué de l'ASDEQ. Venant d'un tel échantillon de spécialistes, ce résultat a de quoi inquiéter.

Ce n'est pas tout. Ce pessimisme généralisé arrive en dépit du plan de relance annoncé par le gouvernement Harper fin janvier. Le sondage a été mené du 17 au 24 février. Les répondants avaient eu tout le temps de prendre connaissance du budget Flaherty. Malgré des dépenses publiques additionnelles de 40 milliards, plus de quatre répondants sur cinq affichent leur pessimisme.

En fait, une claire majorité d'économistes (62 %) approuvent l'ampleur des mesures budgétaires, contre 21 % qui trouvent que ce n'est pas assez, et 13 % qui trouvent que c'est trop.

Le problème n'est pas là.

Les économistes québécois critiquent plutôt la façon dont l'argent sera dépensé. Ainsi, 68 % des répondants auraient souhaité une enveloppe budgétaire plus importante pour les programmes d'infrastructures, d'aide aux travailleurs mis à pied, et de formation de la main-d'oeuvre. En revanche, 73 % d'entre eux pensent que les baisses d'impôts et autres allègements fiscaux ne sont pas une bonne idée dans le contexte actuel. En clair, cela signifie que les premiers spécialistes de l'économie sont nombreux à croire que le plan de relance du gouvernement ne marchera pas.

De la même façon, quand on leur demande de se prononcer sur les plans de relance des États-Unis, du Japon ou de l'Europe, 69 % des économistes doutent de la capacité de ces gouvernements de revenir à un équilibre budgétaire. Autrement dit, une fois surmontée la crise économique, les pays industrialisés risquent de se retrouver avec une crise des finances publiques sur les bras. Aux États-Unis, c'est d'ailleurs clairement le cas. Ça promet!

Enfin, dans un autre ordre d'idées, le sondage voulait prendre le pouls des répondants sur le projet controversé d'une commission pancanadienne des valeurs mobilières. Les économistes québécois sont divisés sur la question : 44 % sont en faveur d'un organisme unique de réglementation, 39 % penchent pour le système actuel.