Riche en argent mais pauvre en ressources, la Chine multiplie les investissements et les accords commerciaux pour subvenir à ses besoins futurs en énergie et en métaux. Au diable la crise! L'empire du Milieu pousse ses pions tous azimuts.

Mexique, Venezuela, Brésil, Arabie Saoudite, Mali, Tanzanie... les leaders de la Chine font le tour de la planète ces temps-ci. Et ils ont apporté leur carnet de chèques.

 

Pendant que le reste du monde semble paralysé par la crise économique, les Chinois ont parcouru récemment l'Afrique et l'Amérique latine. En fin de semaine, ils visitaient le Vieux Continent.

Les Européens ont cru voir débarquer les célèbres guerriers de Xian: 300 chefs d'entreprises de tous les horizons (automobile, électronique, agroalimentaire, etc.) et de gros canons politiques. Un déploiement impressionnant.

Au programme: l'Allemagne, la Suisse, l'Espagne et la Grande-Bretagne. La France a été écartée, Pékin ne lui pardonnant pas la rencontre du président Nicolas Sarkozy avec le dalaï-lama, en décembre.

Les visiteurs de l'Orient ne sont pas venus les mains vides: des ententes de 12 à 15 milliards d'euros ont été annoncées dans divers domaines, dont plusieurs touchant les métaux et l'énergie.

Des ressources, S.V.P.

Il s'agit là de la dernière étape d'une vaste offensive à l'étranger orchestrée par le président chinois, Hu Jintao. La crise économique n'a pas coupé l'appétit des Chinois pour les ressources naturelles, elle l'a aiguisé.

Les groupes chinois ont multiplié les acquisitions, les accords commerciaux et les projets d'investissement: du Pérou à l'Australie, ils se livrent à une razzia sur les entreprises et les ressources naturelles. Résultat: depuis le début de l'année, la Chine a investi 22 milliards US à l'étranger, soit une hausse de 40% par rapport à 2008, selon des données gouvernementales.

Dans le secteur de l'énergie, l'État chinois a signé trois accords majeurs en moins de deux semaines. Pour 40 milliards US de prêts, il s'est assuré de livraisons de plusieurs centaines de milliers de barils de brut en provenance de la Russie, du Brésil et du Venezuela.

Ce ne sont pas les occasions qui manquent, face à des entreprises étrangères assoiffées d'argent et dont les cours boursiers sont déprimés.

En Australie, la récente décision de Chinalco d'investir 19,5 milliards US pour prendre jusqu'à 18% du groupe minier anglo-australien Rio Tinto, criblé de dettes, fait encore jaser. Surtout parce que, juste avant, un autre géant chinois, Minmetals, venait de mettre sa grosse patte sur l'australien OZ Minerals.

Les poches pleines

La Chine, elle-même atteinte par la crise mondiale, joue sur l'échiquier international avec des moyens inégalés. Ses banques ont des liquidités abondantes. Et les réserves de change du pays sont colossales : 2000 milliards US au dernier décompte officiel.

Pékin a tout mis en branle pour relancer son économie, qui croîtra à un rythme enviable mais insuffisant de 6,7% en 2008, estime le Fonds monétaire international. Un plan de relance de 4000 milliards de yuans (700 milliards CAN), visant notamment à étendre et à rénover les infrastructures, a été annoncé avant Noël et celui-ci augmentera les besoins pour les métaux communs.

Si bien que, selon le spécialiste européen du secteur minier Trafigura Beheer BV, la demande chinoise pour le cuivre devrait bondir de 37% cette année. Du vrai bonbon pour les producteurs du monde entier en ces temps de disette.

D'ailleurs, les importations de cuivre par l'empire du Milieu étaient en hausse de 41% en janvier, rapporte la China Metal Industry Association. Encore un signe que le Dragon chinois n'est pas entré en hibernation, au contraire.

Les Chinois veulent assurer leur approvisionnement. En énergie, ils songent à investir une partie de leurs énormes réserves de change dans un fonds consacré au développement à l'étranger. Plus concrètement, on réfléchit aux moyens d'aider les entreprises locales à investir dans des compagnies étrangères, rapportait jeudi le quotidien China Oil, propriété de CNPC - le plus gros producteur pétrolier du pays.

En ces temps difficiles, les groupes surendettés, comme l'est aujourd'hui Rio Tinto (propriétaire d'Alcan), n'ont pas le choix de se jeter dans les bras des plus fortunés. C'est l'une des principales caractéristiques de la crise actuelle. Or, ces poches profondes se trouvent dans les pays émergents, en Chine surtout.