Hydro-Québec ne respecterait pas la Loi canadienne sur l'intérêt, laquelle loi exige la publication du taux d'intérêt annuel que représente l'intérêt mensuel payable sur les factures payées en retard. Sur ses factures, Hydro ne mentionne que le taux mensuel. Conséquemment, la société d'État pourrait faire l'objet d'un recours collectif de la part de tous ses clients (résidentiels, commerciaux, industriels) à qui elle a chargé depuis un an de lourds frais d'intérêt sur les comptes des retardataires

Dans ma chronique de mercredi dernier, «La saignée des consommateurs endettés», j'ai notamment dévoilé qu'Hydro-Québec avait modifié sa facture en omettant depuis un an d'indiquer le coût annuel de l'intérêt mensuel que la société facture à ses clients après un délai de grâce de 21 jours.

 

Voici ce que j'écrivais: «Fait à noter: depuis que la facture a fait peau neuve en 2008, Hydro-Québec se contente d'indiquer sur la facture résidentielle la mise en garde suivante: «Payer en retard entraîne des frais d'administration calculés au taux mensuel de 1,2% à partir de la date de facturation. Hydro a ainsi retiré de sa mise en garde la mention du taux annuel de 15,38% (soit 1,2% par mois, composé). Comme si on ne voulait pas faire peur aux consommateurs!»

Ce passage de la chronique a fait réagir l'experte Pauline Roy, avocate et professeure, à la faculté de droit, de l'Université de Montréal.

«En dévoilant la modification apportée par Hydro-Québec, quant à la façon de dévoiler le taux d'intérêt appliqué dès que le paiement est fait après la date d'échéance, vous démontrez que cette manoeuvre peut faire illusion, rendant ainsi l'avis ou la mise en garde plus rassurante. Comme vous le dites clairement, c'est «Comme si on ne voulait pas faire peur aux consommateurs!» Or, il faut savoir qu'une telle pratique est illégale et que les usagers peuvent invoquer les dispositions légales concernées pour faire valoir leurs droits.»

«Ainsi, explique-t-elle à La Presse Affaires, l'article 4 de la Loi sur l'intérêt exige que si un contrat prévoit un intérêt payable à un taux déterminé pour une période inférieure à un an (soit un taux par jour, par semaine ou par mois), le contrat doit mentionner l'équivalent annuel de ces autres taux d'intérêt ou pourcentage. En d'autres termes, la nouvelle façon utilisée par Hydro-Québec pour mentionner le taux d'intérêt qu'il appliquera sur tout montant payé après l'échéance, contrevient aux exigences de la Loi sur l'intérêt.»

Avant de faire peau neuve en 2008, la facture d'Hydro-Québec indiquait la mise en garde suivante: «Payer en retard entraîne des frais calculés à un taux composé de 1,2% par mois (15,38% par an) à partir de la date de facturation.»

Hydro-Québec a modifié cette mise en garde comme suit: «Payer en retard entraîne des frais d'administration calculés au taux mensuel de 1,2% à partir de la date de facturation.»

En modifiant ainsi sa facture, selon Me Roy, Hydro-Québec contrevient à la Loi sur l'intérêt, et ce, même si la société remplace la référence à un taux d'intérêt par celle de taux applicable à titre des frais d'administration. Les frais exigés sur les montants en souffrance demeurent d'ailleurs identiques.

Si Hydro-Québec a espéré rassurer le consommateur en agissant ainsi, dit-elle, la méthode est pour le moins fort maladroite et elle peut s'avérer plus coûteuse que lucrative.

Pourquoi? Selon la loi, lorsqu'on omet de mentionner le taux annuel, comme c'est le cas avec la facture d'Hydro-Québec, «aucun intérêt supérieur au taux ou pourcentage de cinq pour cent par an (5%) n'est exigible, payable ou recouvrable sur une partie quelconque du principal...

En vertu de l'article 5 de la Loi sur l'intérêt, les clients d'Hydro-Québec pourraient ainsi réclamer, selon Me Roy, un remboursement pour la portion des frais qui a dépassé le taux annuel de 5%.

On parle donc d'un remboursement potentiel pouvant atteindre les deux tiers des frais chargés depuis un an sur les paiements en retard.

Méchante facture!

Par ailleurs, dans la version légale du texte régissant le cadre règlementaire des «Conditions de service d'électricité» approuvé par la Régie de l'énergie, on y explique à la page 148 que le «taux des frais d'administration» est calculé en fonction du «taux d'intérêt préférentiel». Lorsque le taux préférentiel annuel se situe dans la fourchette «7,99% et moins», le taux mensuel des frais d'administration, indique-t-on, est de «1,2 soit 15,38% l'an».

À la lecture de cette version légale, il est encore plus étonnant de constater qu'Hydro ne fasse pas mention du taux annuel de 15,38% sur sa nouvelle facture.

Après plus de 24 heures d'attente, la porte-parole d'Hydro-Québec n'avait pas encore réussi à joindre ses experts de la question des taux d'intérêt.