En dépit des espoirs suscités par le plan de relance de Barack Obama, l'économie américaine peinera à se redresser en 2009 tant que son principal moteur, la consommation, restera en panne. Or, ces temps-ci, les Américains ont tendance à épargner plutôt qu'à dépenser.

En dépit des espoirs suscités par le plan de relance de Barack Obama, l'économie américaine peinera à se redresser en 2009 tant que son principal moteur, la consommation, restera en panne. Or, ces temps-ci, les Américains ont tendance à épargner plutôt qu'à dépenser.

La Chine a beau être un des moteurs de l'économie mondiale, les ménages américains en représentent un plus puissant encore.

Les dépenses des consommateurs américains ont augmenté chaque année pendant près de trois décennies, sauf le temps d'un trimestre en 1991. Cette année, elles devraient excéder les 10 000 milliards US, soit environ 10 fois la consommation de 1,3 milliard de Chinois réunis, selon la Banque mondiale.

Aussi, les États-Unis et le monde entier ont subi tout un choc juste avant Noël: on a appris que la consommation des Américains - responsable de 70% de l'économie - a baissé en novembre pour le cinquième mois consécutif, reculant de 0,6% par rapport à octobre. C'est le recul le plus long depuis 1959.

Du même coup, ces données confirmaient que le comportement des Américains change de façon spectaculaire: de consommateurs boulimiques qu'ils étaient, ils redeviennent peu à peu économes. Avec une prudence inhabituelle, ils préfèrent mettre de l'argent à l'abri en prévision de jours sombres, ainsi qu'en témoigne leur taux d'épargne, qui est passé à 2,8% de leur revenu disponible - un sommet depuis mai 2008.

Or, avec la récession qui s'aggrave et un taux de chômage qui devrait rapidement atteindre 8 ou 9% cette année, cette frugalité nouvelle et soudaine n'est pas vraiment bienvenue.

D'ailleurs, cela effraie au plus haut point le gouvernement américain, qui tentera sous peu de relancer une économie en panne à coups de centaines de milliards.

500 milliards US en moins

Autrefois, les Américains épargnaient de manière aussi constante qu'ils dépensent aujourd'hui. Durant les années 80, ils mettaient de côté 9% de leurs revenus; ce chiffre est tombé à 5% dans les années 90, puis à près de 2% au début des années 2000.

Depuis 2005, ils épargnaient seulement 0,5% de leurs entrées d'argent jusqu'à récemment. Mais la crise financière a tout changé. Le taux d'épargne est monté à 5% en mai 2008 et a été en moyenne de 2,4% au cours des deux mois suivants. Les impôts restitués par Washington durant cette période ont sans doute joué un rôle, une partie de cet argent ayant en effet été mise de côté.

Cela soulève une question: que se passera-t-il si les Américains se remettent à épargner 5% de leurs revenus pour de bon? La réponse des experts est troublante: on ne sortira pas de sitôt de la récession.

Avec un taux d'épargne de 5%, la consommation aux États-Unis diminuerait d'environ 500 milliards US sur l'année, selon des courtiers américains, dont Merrill Lynch. Ce serait un manque à gagner énorme, qui correspond à près des trois quarts de la consommation annuelle des Canadiens.

Goldman Sachs, pour sa part, s'attend au pire: cette firme prévoit que le taux d'épargne américain atteindra de 6 à 10% cette année. Et le monde entier risque d'écoper.

Les industries qui dépendent des dépenses courantes, comme le vêtement, le mobilier ou l'électronique - subiraient de plein fouet le recul de la consommation. Étant donné que la plus grande partie du matériel électronique vendu aux États-Unis vient d'Asie, le choc serait particulièrement douloureux pour ce continent.

L'Asie et l'Europe

Ceux qui misent sur les pays asiatiques pour prendre la relève et soutenir la consommation mondiale risquent donc d'être déçus. Surtout que, en Chine, le taux d'épargne reste très élevé: il oscille bon an mal an de 25 à 30%, même avec le boom économique de la dernière décennie.

Inutile de regarder du côté européen. Le taux d'épargne en France et en Allemagne, par exemple, se maintient autour des 10% depuis au moins 20 ans. La discipline budgétaire est une habitude bien ancrée là-bas aussi.

Après une décennie de folles dépenses, où il s'est offert des maisons et des voitures hors de prix, le consommateur américain veut reprendre son souffle. En soi, il n'y a rien de mal à cela.

Au contraire, les Américains doivent épargner plus pour relancer l'investissement et soutenir une croissance durable. Mais si cela se passe trop rapidement, si bien qu'on passe d'une consommation obsessive à l'abstinence en quelques mois, les États-Unis et le reste du monde resteront en panne pour un bon bout de temps.