Arrêts de production, chômage, émeutes... Même la Banque mondiale s'inquiète et entrevoit des jours difficiles pour la Chine. L'«usine du monde» est-elle en panne pour longtemps?

La semaine dernière, 500 ouvriers en colère ont saccagé les locaux de l'usine de jouets Kaida Toy, à Zhongtang (province du Guangdong). Ils protestaient contre le licenciement d'une partie des 2000 employés de l'entreprise.

Cette émeute n'est pas un cas isolé. Elle s'inscrit dans une série de protestations populaires provoquées par le fort ralentissement de l'économie chinoise. La situation devient inquiétante, car les mauvaises nouvelles s'accumulent depuis quelques jours dans l'empire du Milieu.

Selon des sources européennes, la moitié des usines exportatrices de jouets ont fermé leurs portes en Chine depuis le début de l'année.

Le recul des exportations touche tout autant le secteur textile, l'industrie lourde (acier et ciment) et l'immobilier puisque les prix des logements ont reculé de 3,5% par rapport au sommet de 2007, estime l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

En première page de son cahier économique, mercredi dernier, le New York Times a illustré l'étendue de la crise: une photo prise dans une aciérie flambant neuve de 3 milliards US, implantée à Ma'anshan (au bord de la rivière Yangtze), montre une salle remplie des stocks invendus. Cette immense usine, longue de 2km, a stoppé la production pour une durée indéterminée.

«C'est la vitesse de la décélération (économique) qui effraie les gens», notait la firme Goldman Sachs dans une note économique.

Des exportateurs de coton des États-Unis et du reste de l'Asie déplorent, entre-temps, que des clients chinois annulent des commandes. Huit compagnies chinoises ont refusé de payer leurs fournisseurs récemment, selon l'agence Bloomberg. Les manufacturiers chinois de vêtements se disent victimes de la baisse de la demande mondiale et certaines n'ont plus un yuan dans leur caisse.

La Banque mondiale

À court terme, les perspectives économiques sont mauvaises en Chine, plus personne n'en doute.

La Banque mondiale vient, une nouvelle fois, d'abaisser ses prévisions de croissance, qui a culminé en 2007 à 11,7% et qui reviendra à 9,4% cette année.

En juin, elle avait prédit que l'année 2009 verrait une croissance de 9,2% du PIB chinois; elle ne table plus que sur 7,5% - la pire performance en 19 ans. Avec une croissance sous la barre des 8%, des experts estiment que la Chine ne peut donner du travail aux millions de migrants qui se déplacent des campagnes vers les zones littorales.

«Les six prochains mois seront difficiles», écrit Louis Kuijs, économiste à la Banque mondiale.

L'Europe et les États-Unis sont naturellement les deux grands responsables de cette situation puisqu'ils sont les premiers clients de la Chine, dont ils absorbent respectivement 20% et 19% des ventes à l'étranger. Le tsunami financier déclenché par la crise des subprimes aux États-Unis risque de créer une tempête économique et sociale en Chine.

Jeudi dernier, un haut responsable chinois a même admis que l'économie du géant asiatique continuait de se dégrader.

«En novembre, des indicateurs économiques montrent un déclin accéléré. Certaines entreprises ont éprouvé des difficultés de production, surtout celles qui sont axées sur l'exportation», a déclaré Zhang Ping, ministre chargé de la Commission nationale pour la réforme et le développement.

La relance s'en vient

À long terme, cependant, on aurait tort d'annoncer la fin du miracle chinois.

Les mesures de relance annoncées par plusieurs gouvernements, en Chine mais aussi aux États-Unis et en Europe, vont contribuer à remettre en marche la grosse machine chinoise, estiment les experts.

Pékin, pour sa part, a annoncé mercredi une baisse substantielle de ses taux d'intérêt, assortie d'une réduction du taux de réserve des banques, pour faciliter le crédit. Ces mesures vont libérer 110 milliards de dollars pour l'industrie et les consommateurs, estime la Société générale.

À cela, il faut ajouter le gigantesque plan de relance de 700 milliards de dollars annoncé le 9 novembre, qui sera consacré aux infrastructures du pays. Cette somme colossale correspond à 16% du produit intérieur brut (PIB) de la Chine.

La Banque mondiale se fait d'ailleurs rassurante. On estime que la situation devrait s'améliorer pour la Chine au cours du second semestre de 2009. «Les fortes dépenses d'investissement vont jouer un rôle clé en 2009», explique l'institution.

Reste à savoir si les chômeurs chinois, dont le nombre grandit chaque jour, vont patienter d'ici là.