L'été, cela saute aux yeux, a été particulièrement éprouvant sur la scène économique et financière.

L'été, cela saute aux yeux, a été particulièrement éprouvant sur la scène économique et financière.

Pendant mes vacances, lorsque je regardais les infos à la télé (y compris les bulletins de TVA et TQS, M. Bouchard me pardonnera), je n'en revenais pas de voir la mine des chefs d'antenne s'allonger de soir en soir devant LA crise.

La crise des prêts hypothécaires à haut risque, chez nos voisins américains, a atteint une ampleur extraordinaire.

Des milliers de propriétaires ont perdu leur maison. Les grandes institutions financières ont été ébranlées, pas seulement aux États-Unis, mais partout dans le monde, y compris au Canada.

Les marchés boursiers ont dérapé. Les spécialistes ont multiplié les appels au calme et supplié les petits investisseurs de ne pas céder à la panique. La catastrophe intégrale, quoi!

Normalement, en temps de crise, les ménages deviennent nerveux. On s'inquiète pour son emploi, on remet à plus tard les achats importants. C'est, en principe, ce qui aurait dû se passer au cours des dernières semaines.

Eh bien non! pas du tout. Au contraire: l'indice de confiance des consommateurs canadiens, en août, non seulement n'a pas chuté comme on aurait pu s'y attendre, mais a même augmenté.

Cela signifie que les ménages, faisant fi des manchettes apocalyptiques, se croient largement à l'abri de la crise, et ils ont sans doute raison.

Depuis 1960, le Conference Board mesure régulièrement la confiance des consommateurs à l'égard de l'économie. Pour cela, elle fait un sondage auprès de 2000 ménages, échantillon largement suffisant pour garantir la fiabilité des résultats.

Cette enquête permet d'établir un indice de confiance des consommateurs. Cet indice a été établi à 100 en 2002; plus il est élevé, mieux c'est. Au cours des sept dernières années, il a fluctué entre 105 et 87 points (ce creux exceptionnel est survenu lors de l'ouragan Katrina, à l'automne 2005, et il n'a fallu que quelques mois pour récupérer le terrain perdu).

Avec le temps, l'indice du Conference Board s'est taillé une solide réputation. Il se compare à l'indice de l'Université du Michigan, aux États-Unis.

Si les résultats reçoivent généralement une couverture médiatique assez sommaire, ils sont en revanche scrutés à la loupe par les économistes des institutions financières, des administrations publiques et des associations de constructeurs d'habitations, de manufacturiers et de commerces de détail.

Jusqu'en 2001, l'indice était calculé et publié aux trois mois. Depuis 2001, les sondages sont menés chaque mois, généralement pendant la deuxième semaine du mois, et les résultats sont connus à la fin du mois.

Ainsi, hier, le Conference Board a publié les résultats du sondage réalisé entre le 9 et le 15 août.

Pendant cette période, la crise américaine des hypothèques, y compris les ondes de choc qu'elle a provoquées sur les marchés financiers internationaux, était déjà amplement connue et documentée.

À moins de vivre sur une autre planète, les répondants avaient donc toutes les chances d'être au courant.

Or, au début de juillet, avant la crise, l'indice de confiance des consommateurs canadiens se situait à 98,6 points. En août, en pleine crise, il grimpait à 99,5 points.

Voila pourquoi les résultats de ce mois sont si importants; les gens gardent confiance, ce qui est au fond une excellente nouvelle quand on sait que les dépenses des consommateurs constituent le principal moteur de l'économie.

On peut penser, finalement, qu'au delà de la tourmente qui a balayé les marchés et qui a entraîné des manchettes spectaculaires, les consommateurs réalisent que la crise des hypothèques américaines a des chances d'être de courte durée.

L'indice est d'autant plus fiable qu'il s'appuie sur une méthodologie rigoureuse. Les répondants sont appelés à se prononcer non pas sur une, mais sur quatre questions. Ils doivent d'abord établir si, tout bien considéré, la situation financière de leur ménage s'est améliorée ou détériorée au cours des six derniers mois.

Dans le cas qui nous occupe, en août, 24% des ménages constatent une amélioration, alors que seulement 13% ont subi une détérioration.

Ensuite, les gens doivent dire s'ils prévoient une amélioration ou une détérioration dans les six prochains mois.

Les résultats traduisent un optimisme certain: 32% des répondants s'attendent à une amélioration, et 9% prévoient une détérioration.

La plupart des ménages sont assez au fait de leur situation financière pour répondre sans problème à ces deux questions.

En principe, ces résultats devraient suffire aux enquêteurs. Mais le sondage va plus loin en posant deux autres questions qui permettent de raffiner les données.

D'abord, les participants doivent dire si les perspectives d'emploi dans leur région seront meilleures ou pires dans six mois. Ensuite, ils doivent établir si le moment est propice à un achat important, comme une maison ou une voiture.

C'est en faisant la différence entre le pourcentage de réponses optimistes et celui des pessimistes que l'on peut calculer les variations de l'indice.

Tout cela, bien sûr, est question de perception. Mais, justement, l'enquête du Conference Board ne prétend aucunement recueillir des prévisions d'experts (qui souvent valent ce qu'elles valent). Il se borne à sonder les reins et les coeurs des consommateurs.

Au fond, il n'y a pas de «bonnes» ou de «mauvaises» réponses. Même si une majorité de répondants estime que la situation du marché du travail va s'améliorer au cours des six prochains mois, ils se peut fort bien que le contraire se produise.

L'important, c'est de dresser un portrait fidèle des perceptions des ménages à un moment donné.

Les spécialistes du Conference Board peuvent ensuite établir des indices de confiance en fonction de l'âge, du sexe, de l'état matrimonial et de la province de résidence des répondants.

Ainsi, en août, la confiance augmente partout au Canada sauf dans deux provinces: la Colombie-Britannique et le Québec, où on observe un recul de 2,6 points.

En principe, un recul de l'indice de confiance n'est pas une bonne nouvelle. Mais, dans le cas du Québec, la chute de 2,6 points est beaucoup moins dramatique qu'il n'y paraît à première vue.

Il faut d'abord savoir que, au Québec, l'indice est chroniquement plus bas que la moyenne canadienne. Ainsi, l'indice mensuel moyen québécois, en 2006, s'est situé à 90 points (alors qu'il n'est jamais descendu en bas de 97 pour le Canada).

Or, pendant les cinq premiers mois de 2007, en partie sous l'effet de la forte injection d'argent provenant du règlement de l'équité salariale, l'indice québécois a grimpé jusqu'à 96,6 points (en juillet), comparativement une moyenne canadienne de 98,6.

La baisse du mois d'août ramène l'indice québécois à 94 points, ce qui demeure largement supérieur à la moyenne de 2006.

Il faut donc interpréter le recul du mois d'août davantage comme un retour à la normale que comme un soudain accès de méfiance des consommateurs québécois.