Malgré une inflation alarmante, la Réserve fédérale refuse d'augmenter les taux d'intérêt. Aveuglement? Irresponsabilité? En fait, la Fed s'inquiète surtout du marché du travail, qui se détériore plus rapidement qu'il ne semble.

Malgré une inflation alarmante, la Réserve fédérale refuse d'augmenter les taux d'intérêt. Aveuglement? Irresponsabilité? En fait, la Fed s'inquiète surtout du marché du travail, qui se détériore plus rapidement qu'il ne semble.

L'économie américaine ne va toujours pas mieux. Les derniers chiffres de l'emploi l'ont encore montré.

Le taux de chômage aux États-Unis a atteint en juillet un sommet depuis mars 2004, à 5,7%. Quelque 51 000 emplois ont été éliminés le mois dernier.

À première vue, ce bilan ne semble pas catastrophique, car les experts redoutaient la perte de 75 000 emplois. Le chiffre de 51 000 est aussi légèrement inférieur à la moyenne des six mois précédents. Et 5,7%, cest bien loin du taux de chômage de 7,5% enregistré en 1992

Tout cela est vrai. Mais en scrutant les données, on réalise que la saignée est loin d'être contenue. Divers indicateurs pointent vers une détérioration du marché du travail dans les mois à venir.

Parmi les signes inquiétants, on a appris jeudi que les inscriptions au chômage ont augmenté à 450 000 durant la semaine au 2 août, un sommet depuis mars 2002. Les économistes attendaient en moyenne 423 000 inscriptions hebdomadaires au chômage.

De plus, le bilan de l'emploi de juillet démontre que le chômage des moins de 25 ans a subi une hausse notable depuis trois mois. Un triste sort attend donc beaucoup de jeunes diplômés.

Moins d'heures au boulot

Mais ce qui est particulièrement troublant est que les entreprises demandent de plus en plus à leurs employés de travailler moins dans le but de réduire les coûts de production. Or, cette mesure n'est pas reflétée dans les grands titres sur le chômage.

Ainsi, les Américains ont travaillé en moyenne 33 heures et 36 minutes par semaine en juillet, soit six minutes de moins que le mois précédent. C'est la semaine de travail la plus «courte» enregistrée depuis 1964, soit depuis que Washington compile de telles données.

Une diminution de six minutes peut sembler insignifiante, mais elle témoigne d'une économie en perte de vitesse, rétorquent les experts de la Deutsche Bank.

En fait, chaque dixième d'heure travaillé en moins (donc six minutes) correspond à l'équivalent de 300 000 à 350 000 emplois abolis, affirme la banque allemande dans une note économique.

Officiellement, l'économie américaine a perdu 463 000 emplois depuis le 1er janvier. Mais, vu sous l'angle des heures travaillées, ce sont au moins 800 000 emplois qui auraient disparu en réalité.

C'est sans compter les travailleurs à temps partiel, soit les gens qui bossent 10, 15 ou 20 heures par semaine. Leur nombre a augmenté de 1,4 million depuis un an à 5,7 millions en juillet - un sommet depuis 1993.

Au décompte final, ces chiffres indiquent que le temps presse pour les travailleurs américains. Car, à moins que l'économie ne se redresse rapidement, les entreprises devront réduire davantage leurs dépenses et c'est la main-d'oeuvre qui va écoper.

Dans ces conditions, la consommation - le moteur de l'économie américaine puisqu'elle représente plus de 70% du PIB - semble encore plus menacée.

Baisser les taux?

Voilà pourquoi beaucoup d'économistes ont appuyé la décision de la Fed de maintenir son taux directeur à 2%, la semaine dernière, en dépit des pressions inflationnistes élevées. Le mot d'ordre: la croissance doit passer avant l'inflation.

Matières premières et énergie

D'autant plus que les prix des matières premières et de l'énergie sont en baisse. Le pétrole a même chuté de 23% depuis un mois à moins de 118$US (vendredi). Les cours du cuivre, de l'aluminium et de plusieurs denrées alimentaires battent également en retraite Étonnant comme les choses peuvent bouger rapidement sur la planète économique.

Faut-il alors que la Fed abaisse encore les taux pour soutenir l'économie américaine?

Mark Mobius, célèbre gestionnaire de fonds de la firme Templeton, répond oui avec un grand «O».

Il souhaite que la banque centrale profite de l'accalmie sur le marché des ressources naturelles pour ramener le taux directeur à 1%!

Complètement fou? Peut-être. Mais l'état de santé de l'économie américaine inquiète de plus en plus.

Parions que les appels à l'aide vont se multiplier d'ici à la prochaine réunion de la Fed, à la mi-septembre.