Pendant, disons, une fraction de seconde, on y a cru. Wow, enfin un train à grande vitesse dans le couloir Toronto-Windsor. Et pourquoi pas un autre entre Calgary et Edmonton, un coup parti? De quoi faire rêver un Canada en panne d'imagination!

Pendant, disons, une fraction de seconde, on y a cru. Wow, enfin un train à grande vitesse dans le couloir Toronto-Windsor. Et pourquoi pas un autre entre Calgary et Edmonton, un coup parti? De quoi faire rêver un Canada en panne d'imagination!

Spontanément, c'est le premier projet que le leader parlementaire du Bloc québécois, Pierre Paquette, a donné en exemple pour remettre le pays au travail, selon l'engagement de la coalition des partis d'opposition d'accélérer les travaux d'infrastructures.

Deux heures 18 minutes du centre-ville de Montréal au centre-ville de Toronto, sans avoir à passer son sac à main aux rayons X ou à enlever ses chaussures, cela fait des miracles sur la productivité d'un pays.

On en parle depuis 25 ans. En fait, les premières études de faisabilité remontent à 1981. Pourtant, jamais les astres n'ont semblé aussi bien alignés.

Même si le prix de l'essence s'est affaissé devant cette récession mondiale qui point à l'horizon, sa récente flambée a rappelé à toute la planète que les réserves de pétrole ne sont pas infinies. Et puis, réduire les émissions de gaz à effet de serre n'est plus une bonne pensée mais une nécessité.

Alors que les gouvernements comptent débloquer des milliards pour relancer des économies en manque de carburant, quel meilleur projet?

«Il y a une volonté au Canada d'investir dans le rail, alors il y a certainement plus de probabilités que cela se fasse aujourd'hui qu'il y a quelques années. Mais, il est encore trop tôt pour dire quand», a prudemment commenté André Navarri, président de Bombardier Transport, au cours d'une téléconférence tenue hier.

André Navarri parle de «volonté». Mais dans le cas de Montréal et de Toronto, il serait beaucoup plus juste de parler de nécessité. Les autorités publiques investissent actuellement pour remettre à niveau des systèmes de transport qui tombent en ruine. Pour la volonté, il faudra repasser.

C'est bien pourquoi Bombardier ne cède pas à l'enthousiasme. L'entreprise a déjà donné. Le projet de train grande vitesse entre Québec et Toronto, que l'entreprise avait monté au cours des années 90 avec Alstom et SNC-Lavalin, est tombé à l'eau en 1999. Avec une facture estimée à 11,1 milliards de dollars, le gouvernement fédéral l'avait jugé trop cher.

Même le beaucoup plus modeste projet de train rapide que VIA Rail comptait faire rouler sur des voies ferrées existantes, d'un coût projeté à 2,6 milliards de dollars en 2002, est resté dans les cartons, faute de fonds.

Bien sûr, la facture d'un train grande vitesse entre Québec est Windsor est monstrueuse. En 1995, les trois gouvernements concernés (Québec, Ontario, Ottawa) avaient estimé le coût de ce projet à 18,3 milliards de dollars. Et il n'y a aucune raison de croire que la note a diminué, bien au contraire. Interrogé à ce sujet, André Navarri ne s'est d'ailleurs pas aventuré à donner quelque ordre de grandeur que ce soit.

Le gros de la facture vient de la construction d'une nouvelle voie réservée au trafic passager. (En Amérique du Nord, comme les passagers de VIA le savent trop bien, ce sont les trains de marchandises qui ont la priorité.) Cet investissement non récurrent représente un formidable héritage à laisser aux générations futures.

Le Canada en a parfaitement les moyens. Si le gouvernement fédéral se borne à accélérer ses investissements en infrastructure, sans même augmenter l'enveloppe budgétaire déjà prévue pour ces travaux, comme le réclamait mercredi le gestionnaire de fonds Stephen Jarislowsky, il dispose de 27 milliards. C'est sans parler des contributions qui viendraient du Québec ou de l'Ontario.

Le problème en est un de volonté. Les élus s'entredéchirent dans un parlement dysfonctionnel, soi-disant parce qu'ils ont à coeur la relance économique du pays. Et même si les chroniqueurs politiques ne boiront pas du egg nog dans un autobus de campagne, d'autres psychodrames et élections nous pendent au bout du nez, de l'autre côté des Fêtes. Ce sont autant de distractions qui éloignent les élus des décisions qui comptent et qui urgent.

Les dirigeants de Bombardier se faisaient fort hier de dire à quel point le fabricant d'équipement de transport de Montréal est bien placé pour passer au travers de la crise économique, puisque les dépenses en infrastructures des gouvernements vont gonfler son carnet de commandes à plus ou moins brève échéance.

André Navarri a souvent parlé du plan de relance économique de la Chine, d'une valeur de 4 billions de yuans (586 milliards US). Cela équivaut à ajouter 1% de croissance au produit intérieur brut du pays! De cette somme, 45% ira aux infrastructures de transport et aux réseaux de transport d'électricité. Ce dirigeant européen a aussi évoqué les plans de relance de la Grande-Bretagne et de la France, dévoilés hier par le président Nicolas Sarkozy.

Jamais il n'a parlé du Canada. Parce qu'ici, petit train ne va pas loin.