Tout ceux qui croyaient que le milieu des affaires était le pire repaire des machos finis devront se raviser.

Tout ceux qui croyaient que le milieu des affaires était le pire repaire des machos finis devront se raviser.

Après avoir lu la chronique de Vincent Marissal sur la place et le traitement qu'on réserve aux femmes dans le merveilleux monde de la politique, on comprend vite qu'il est difficile de rivaliser avec tant de goujaterie.

Il ne faut pas se raconter d'histoire non plus. Ce n'est pas parce que la palme du machisme revient à la politique que le milieu des affaires devient un exemple de bonne conduite.

Quand même! C'est connu et largement documenté, il y a encore un travail énorme à faire pour permettre aux femmes de prendre la place qu'elles méritent, surtout au sein de la grande entreprise. Mais, et cela pour en avoir discuté avec des femmes qui ont accédé à des postes de haute direction, une fois en selle, elles ont le respect de leurs collègues. En affaires, les couteaux semblent voler moins bas qu'en politique. Belinda Stronach pourrait sans doute en témoigner.

Cela dit, le milieu de la grande entreprise est affreusement lent à s'adapter à l'arrivée massive de femmes compétentes. Il est inacceptable qu'au sein des 500 entreprises les plus importantes en Amérique du Nord, les femmes n'aient occupé en 2005 que 16,4% des postes de direction. Le constat est sensiblement le même lorsqu'on s'attarde à la place des femmes dans leurs conseils d'administration.

Résultat d'un complot des hommes? Non. C'est beaucoup plus une question d'insensibilité de la gent masculine aux priorités de leurs collègues féminines. Tant que la grande entreprise, encore largement dirigée par des hommes, ne comprendra pas la nécessité d'offrir un milieu de travail plus flexible, plusieurs femmes n'accepteront pas de sacrifier leur vie de famille uniquement pour gravir les échelons de l'entreprise.

À mon avis, c'est la grande entreprise qui est la plus perdante. Elle passe à côté du talent, du dynamisme et de l'expertise des femmes. Elle se prive d'un bassin potentiel de compétences énorme. Les femmes représentent aujourd'hui 47% de la population active, un nombre croissant d'entre elles détient un ou plusieurs diplômes universitaires et elles sont, d'ordinaire, des travailleuses acharnées.

N'allez surtout pas croire que parce que la grande entreprise tarde à s'ouvrir aux nouvelles réalités du marché du travail, que les femmes se languissent dans leur coin, attendant qu'on veuille bien leur faire une place. C'est bien mal les connaître. De plus en plus de femmes délaissent ce milieu trop rigide pour se tourner vers les plus petites entreprises, ou encore pour démarrer la leur.

Une étude publiée en juillet 2005 par la firme de courtage Marchés mondiaux CIBC nous apprenait que, depuis 1989, le nombre d'entreprises lancées par des femmes avait crû à un rythme de 3,3% par année, un taux 60% plus élevé que celui des entreprises démarrées par des hommes.

À la lecture de cette étude, on s'apercevait que la très grande majorité des femmes qui se lançaient en affaires le faisait par choix et non parce qu'elles ne pouvaient pas se trouver un emploi. Plusieurs d'entre elles voyaient dans la création d'une entreprise le moyen de s'accomplir sur le plan professionnel, tout en conciliant le travail et la vie familiale.

Avant que la grande entreprise puisse compter un nombre important de hauts dirigeants féminins, elle devra d'abord changer. Cela dit, ce ne sera peut-être pas si long. Ce n'est pas une question de grandeur d'âme, mais de nécessité qui, comme le dit le dicton, fait loi.

Alors que le talent se fait plus rare et qu'il sera de plus en plus difficile de le retenir, toutes les entreprises, grandes ou petites, devront offrir un milieu de travail qui favorise la conciliation travail-famille. Celles qui résisteront éprouveront de la difficulté à recruter, surtout chez les plus jeunes.

Selon les experts, les jeunes de la génération Y, celle qui fait actuellement son entrée sur le marché du travail, refusent de laisser leur emploi empiéter sur leur vie personnelle.

L'alignement des astres est donc favorable. Arrivera un jour où la nomination d'une femme à la tête d'une grande entreprise ne sera plus l'exception. Ça n'enlèvera rien aux hommes. Ça ne fera que donner aux femmes la place qui leur revient.