Les experts en finances personnelles sont d'accord sur un point: pour maintenir son niveau de vie, un ménage à la retraite doit avoir des revenus équivalant au moins à 70% de ce qu'il gagnait sur le marché du travail.

Les experts en finances personnelles sont d'accord sur un point: pour maintenir son niveau de vie, un ménage à la retraite doit avoir des revenus équivalant au moins à 70% de ce qu'il gagnait sur le marché du travail.

Jusqu'à maintenant, il était difficile de savoir dans quelle mesure les retraités canadiens parviennent à atteindre cet objectif. Cette lacune a été comblée, lundi, par Statistique Canada, avec la publication de l'étude la plus complète jamais réalisée sur le sujet.

Les auteurs ont suivi à la trace les revenus d'une cohorte de 69 000 travailleurs, âgés de 55 ans en 1983, pendant une période de 20 ans, jusqu'à l'âge de 75 ans.

Pour savoir comment les choses évoluent avec le temps, on y a ajouté cinq autres cohortes, en augmentant le nombre chaque fois. Au total, cela donne un gigantesque échantillon de 480 000 personnes.

La cohorte la plus récente, celle de 1998, permettra de mieux connaître la condition de ceux qui auront 75 ans en 2018.

La conclusion de l'enquête est rassurante: en moyenne, les retraités canadiens âgés de 75 ans ont un revenu familial équivalent à 80% du revenu qu'ils avaient à 55 ans, lorsqu'ils étaient sur le marché du travail.

Autrement dit, l'objectif de 70%, dans l'ensemble, est largement atteint.

Mais le chiffre que nous venons de voir est une moyenne, et les moyennes, c'est bien connu, peuvent être trompeuses.

On note en effet d'importantes variations selon les tranches de revenus. Grâce aux programmes sociaux, plus vos revenus sont faibles sur le marché du travail, plus vous avez de chances de maintenir votre pouvoir d'achat à la retraite.

En revanche, plus vos gains sont élevés pendant votre vie active, plus vous risquez de prendre une plonge à la retraite, à cause des impôts.

Les auteurs ont divisé leur échantillon en cinq quintiles, chacun représentant 20% de la cohorte.

Chez le quintile inférieur, c'est-à-dire les 20% les plus pauvres, on note un revenu moyen avant impôt de 23 800$ en 2004. Il s'agit de retraités âgés de 75 à 77 ans.

Ces mêmes personnes, lorsqu'elles étaient sur le marché du travail en 1983, gagnaient en moyenne 22 900$ (tous les montants sont ajustés pour tenir compte de l'inflation).

Une fois les impôts payés, leur taux de remplacement (le montant qui correspond au pourcentage de leurs revenus sur le marché du travail) atteint 92%. C'est donc dire qu'en termes réels, ils ont préservé leur pouvoir d'achat.

En 1983, les travailleurs de ce groupe retiraient 84% de leurs revenus du marché du travail. Vingt ans plus tard, les régimes publics de retraite leur fournissent 61% de leurs revenus, contre seulement 18% pour les régimes privés (incluant les REER); plusieurs d'entre eux sont toujours sur le marché du travail et leurs salaires représentent, en moyenne, 11% de leurs revenus.

Autrement dit, pour les retraités à faibles revenus, ce sont les pensions de vieillesse, le supplément de revenu garanti et les prestations du Régime des rentes qui font toute la différence. Sans ces régimes publics, ce serait la misère noire.

Le portrait change radicalement lorsqu'on grimpe dans les niveaux de revenus.

Ainsi, dans le quintile du milieu, on observe un revenu avant impôts de 35 100$ à l'âge de 75 ans, contre 46 600$ à l'âge de 55 ans.

Les travailleurs de ce groupe parviennent donc, à la retraite, à gagner 75% des revenus qu'ils touchaient sur le marché du travail, proportion considérée comme très confortable par les spécialistes en finances personnelles.

Une fois les impôts payés, toutefois, ce taux de remplacement passe à 65%.

Si ces retraités parviennent à se tirer d'affaire, c'est parce qu'ils ont contribué à des régimes privés de retraite, à des REER, et parce qu'ils ont mis des épargnes de côté.

Les régimes publics de pension ne représentent plus que 44% des revenus de ce groupe, contre 37% pour les régimes privés et les REER, et une tranche non négligeable de 11% pour les revenus de placement et les gains en capital.

Les retraités du quintile supérieur sont relativement pénalisés, parce que leurs revenus élevés les placent au sommet des fourchettes d'imposition.

Les 20% de retraités les plus riches avaient en moyenne un revenu avant impôts de 85 200$ (toujours en 2004, à 75 ans), contre 101 000$ 20 ans plus tôt, pour un taux de remplacement de 84%.

Mais une fois les impôts payés, ce taux passe à 60%.

Sans surprise, on constate que les régimes publics de retraite ne représentent plus que 18% des revenus de ce groupe de retraités, contre 40% pour les régimes privés et 29% pour les revenus de placement et les gains en capital.

L'étude comporte une note inquiétante. Les cohortes les plus récentes ont des niveaux de revenus plus élevés que les anciennes, principalement à cause de meilleures caisses de retraite.

Or, il n'est «pas sûr», notent les auteurs, «que ces hausses de revenus persisteront dans les cohortes futures, étant donné que la protection en matière de pensions chez les jeunes travailleurs est à la baisse».