À compter d'aujourd'hui, plus personne ne peut se rentrer la tête dans le sable. Le Canada tel qu'on le connaît est en train de se faire emporter par la vague de fusions et d'acquisitions qui déferle sur toute la planète.

À compter d'aujourd'hui, plus personne ne peut se rentrer la tête dans le sable. Le Canada tel qu'on le connaît est en train de se faire emporter par la vague de fusions et d'acquisitions qui déferle sur toute la planète.

Une à une, les multinationales qui faisaient la fierté du pays sont en train de passer en des mains étrangères.

Le Québec avait été relativement épargné par le phénomène, remarquait récemment un chroniqueur torontois. Ce n'est plus le cas. Après le géant des télécommunications BCE, dont l'avenir est incertain, c'est au tour d'Alcan d'être pris pour cible.

En fait, au rythme où vont les choses, les seules grandes entreprises qui resteront intactes sont celles qui sont encore protégées par des lois, comme les banques ou les entreprises culturelles - encore que certains ont trouvé le moyen de contourner les limites de propriétés étrangères.

Ou les entreprises qui sont contrôlées par des familles au moyen d'actions à droit de vote multiple, comme Bombardier, Groupe Jean Coutu ou Magna International.

Bref, le Canada ressemble de plus en plus à une économie trou de beigne. Peut-il faire quelque chose ou est-il condamné à être un pays de filiales? Et si oui, quoi?

Le gouvernement du Québec pensait peut-être avoir trouvé une solution, car les rumeurs d'une offre publique d'achat sur Alcan ne datent pas d'hier. Québec avait lié l'accès à des blocs d'énergie supplémentaire et le maintien de contrats d'électricité à un tarif préférentiel à la préservation d'un siège social décisionnel à Montréal.

Ce siège social ne devait d'ailleurs pas être une coquille vide, puisque Québec avait tenu à un plancher d'emplois, explique ma collègue Hélène Baril. Or, l'électricité à bas prix, c'est le nerf de la guerre dans la production d'aluminium.

Dick Evans, le grand patron d'Alcan, avait fait allusion à ces conditions lorsque des rumeurs au sujet d'une offre d'achat hostile du géant minier brésilien CVRD avaient fait surface il y a quelques semaines. Mais interrogé plus récemment à ce sujet lors d'une téléconférence avec des analystes, il avait refusé d'en discuter plus longuement.

Clairement, toutefois, ces clauses ne sont pas suffisantes pour prévenir une prise de contrôle.

Alcoa l'a démontré de belle façon, lundi.

En achetant Alcan, l'entreprise américaine propose de créer deux sièges sociaux, l'un à Montréal et l'autre à New York. Montréal chapeauterait toutes les activités de production d'aluminium, soit le bauxite, le raffinage de l'alumine, l'aluminium, l'énergie et la R&D.

Mais comme tout le monde le sait, une entreprise à deux têtes, cela n'existe pas. Il n'y a qu'un vrai siège social. Et c'est là où se prennent les décisions quant à l'avenir de l'entreprise. Montréal est bien placé pour le savoir. Le cas de la brasserie Molson est patent à cet égard.

Les postes de direction sont maintenant concentrés au Colorado, là où sont établis les anciens dirigeants de Coors.

Peut-être qu'Alcoa ne l'emportera pas. C'est ce que le marché boursier suppose, à en juger par sa réaction enthousiaste à la perspective d'une surenchère. Il faut dire que la saga Inco-Falconbridge de l'année dernière est encore fraîche en mémoire.

Une véritable vedette canadienne aurait pu voir le jour. Mais à la place, Inco a fini dans les bras de CVRD, alors que Falconbridge s'est retrouvée avec le groupe suisse Xstrata.

Une fois qu'une entreprise se trouve mise en jeu, bien malin qui peut prédire comment l'histoire se terminera. C'est comme la pâte à dentifrice. Une fois qu'on a pesé sur le tube de dentifrice, il est à peu près impossible de la remettre dedans.