Wall Street le claironne haut et fort: le Brésil est entré dans la cour des grands. Le malade chronique d'Amérique latine retrouve rapidement la santé économique et budgétaire. Et il a amassé un butin de 20 milliards US pour partir à la chasse aux aubaines sur la planète.

Wall Street le claironne haut et fort: le Brésil est entré dans la cour des grands. Le malade chronique d'Amérique latine retrouve rapidement la santé économique et budgétaire. Et il a amassé un butin de 20 milliards US pour partir à la chasse aux aubaines sur la planète.

Depuis une semaine, le Tout-Brésil économique baigne dans une douce euphorie après la décision de Standard&Poor's de relever la cote de crédit du pays.

L'agence américaine et pilier de Wall Street a haussé la note de la dette étrangère du Brésil à BBB-, contre BB+ antérieurement. Cela signifie que les dettes du pays sont devenues suffisamment peu risquées pour bénéficier du label «catégorie investissement» (investment grade), selon S&P.

Le Brésil se hisse ainsi aux côtés de l'Inde au plan de la crédibilité financière, mais à deux niveaux de la Russie.

La décision de S&P a été accueillie par une envolée de 6,3% de la Bourse de Sao Paulo en une journée, du jamais vu en quatre ans. Le real, la devise brésilienne, a bondi de 2,5% contre le billet vert américain en quelques heures.

Ironiquement, la bénédiction de Wall Street constitue une revanche pour le président Luiz Inacio Lula da Silva, ancien responsable du Parti des travailleurs, dont l'élection en janvier 2003 avait suscité une grande méfiance dans la communauté financière.

Le président Lula a traduit à sa manière le jargon financier de S&P: «Le Brésil est maintenant considéré comme un pays sérieux.»

Ce n'est pas Wall Street qui va le contredire. pour un investisseur américain, la Bourse de Sao Paulo s'est envolée de 1600% depuis l'arrivée de Lula!

Une performance solide

S&P appuie sa décision sur une économie qui carbure au boom des ressources naturelles et qui devrait croître de 4,5% cette année, après un bond de 5,4% en 2007.

De plus, le Brésil a enregistré un excédent budgétaire au premier trimestre et l'inflation est bien contenue. Si bien que la planète est littéralement tombée en amour avec ce pays.

L'an dernier, les investissements directs étrangers au Brésil ont atteint un record de 35 milliards US. Les Européens n'ont pas hésité à participer à la samba brésilienne, ayant effectué plus de 50% des investissements étrangers au pays.

En comparaison, les États-Unis - principal partenaire commercial du Brésil - ne comptent que pour 17% de ce flux.

Le Brésil, l'endetté chronique et plus important emprunteur des pays émergents, est même devenu un créancier net vis-à-vis de l'étranger en début d'année.

Le Brésil a d'ailleurs amassé des réserves monétaires de 195 milliards US, «tout en maintenant la dette publique sous contrôle», note Alexandre Marinis, économiste spécialisé sur l'Amérique latine et chroniqueur à l'agence Bloomberg.

Mais la vraie surprise est peut-être survenue mercredi dernier: le Brésil va créer en juin un fonds souverain doté initialement de 20 milliards US. Ce fonds, qui est appelé à grossir rapidement, vise à «soutenir les investissements des entreprises brésiliennes à l'étranger», selon le gouvernement.

Autrement dit, le Brésil Inc. pourra jouer au «corporate raider», ciblant avec l'appui de l'État des proies occidentales comme le font les puissants fonds souverains du Moyen-Orient. Qui l'aurait cru?

Les ressources

Certes, le Brésil a fait des progrès énormes au plan économique, lui qui a frôlé la faillite durant les années 90. Mais, comme la Russie, le miracle brésilien repose surtout sur le boom des ressources naturelles.

Les exportations ont triplé depuis cinq ans grâce surtout à l'envolée des prix du soja ou du minerai de fer, dont le Brésil est un important producteur.

L'industrie minière a attiré plus de trois milliards US d'investissements étrangers en 2007, soit six fois plus que l'année précédente. La production d'éthanol, à partir de la canne à sucre, est aussi en forte croissance.

Ce sont donc des progrès fragiles, disent les experts. Néanmoins, l'essor du Brésil et des membres du BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) n'en demeure pas moins impressionnant, spectaculaire.

Les indices en ce sens se multiplient chaque jour. Un exemple récent: le Financial Times, de Londres, vient de publier son Top 500 des entreprises mondiales. Il y a cinq ans, les sociétés du monde non occidental (hors Europe, États-Unis et Canada) représentaient moins de 13% de la capitalisation de ce groupe prestigieux. Aujourd'hui, cette proportion dépasse 28%.

Les pays émergents, avec 2% du total en 1998, en sont désormais à 20%. Quant au Brésil, l'Inde et la Russie, ils ne comptaient que trois entreprises dans le Top 500 en 1998, mais en sont aujourd'hui à 35.

Pour citer le président Lula, le Brésil c'est «sérieux». Et pierre par pierre, le club du BRIC continue de se bâtir une grande forteresse économique.

L'an dernier, les investissements étrangers au Brésil ont atteint un record de 35 milliards US. Plus de la moitié de l'argent est venu d'Europe, mais à peine 17% des États-Unis.