Records successifs des cours des métaux, du pétrole, des céréales La spirale des prix est bien engagée. La prochaine cible de l'inflation pourrait bien être le coton et tout le secteur du vêtement.

Records successifs des cours des métaux, du pétrole, des céréales La spirale des prix est bien engagée. La prochaine cible de l'inflation pourrait bien être le coton et tout le secteur du vêtement.

«L'inflation nous procure enfin la vraie démocratie. Pour la première fois de l'histoire, les biens de première nécessité et les objets de luxe se vendent au même prix.»

Cette citation de l'humoriste américain et auteur politique Robert Orben se veut une réflexion amusante sur le thème universel du coût de la vie. Mais, avec une ironie mordante, ce commentaire illustre les effets pervers de la poussée des prix des ressources naturelles.

La flambée des prix du pétrole et des céréales est en train de créer un effet domino qui menace plusieurs biens de consommation courante. Le marché du coton pourrait bien être l'une des prochaines victimes.

Épargné

Jusqu'à maintenant, le marché du coton a été en partie épargné par la vague spéculative, qui a poussé les cours de plusieurs denrées à des sommets historiques.

Les cours du coton sont en hausse de 16% depuis un an, ce qui est nettement moins que ceux du soja (+71%) ou du riz (+97%).

Le prix du coton a même eu tendance à se replier ces dernières semaines car la demande pour cette fibre semble diminuer. Selon certaines sources, les consommateurs ont tendance à restreindre leurs achats de vêtements en raison du ralentissement de l'économie.

Aux États-Unis et en Europe, les ventes de coton baisseraient de 6,5% cette année par rapport à 2007, alors que la demande européenne chuterait de 11%, prévoit la Economist Intelligence Unit, une firme britannique.

Or, la menace pour le marché du coton se situe du côté de l'offre. L'inflation galopante sur certains marchés agricoles agit comme un aimant, attirant les producteurs vers les secteurs plus lucratifs au détriment des marchés moins payants.

On plante moins

Alléchés par des prix records, les agriculteurs américains prévoient ainsi délaisser le coton cette année au profit du soja et du blé.

Le Département américain de l'Agriculture (USDA) a récemment publié ses estimations de semis pour la saison 2008/2009. Les fermiers américains vont semer 18% de plus de soja que l'an dernier et 8% de plus de blé.

En revanche, les semis de coton diminueront de 13% (à 9,4 millions d'acres) cette année aux États-Unis, le troisième exportateur de cette fibre au monde.

Mais l'International Cotton Advisory Committee (ICAC), un lobby basé à Washington, avance maintenant que la superficie des plantations diminuera de 15% cette année aux États-Unis. En somme, la production va baisser plus que prévu.

«Le coton a beaucoup de mal à concurrencer les autres produits agricoles», explique un analyste de la firme US Commodities, cité la semaine dernière par l'agence Bloomberg.

«Le choix des agriculteurs est principalement financier», renchérit Bill Nelson, analyste de Wachovia Securities, dans une étude diffusée sur l'internet.

Selon l'ICAC, les prix du coton devraient donc augmenter de 8% cette année, à environ 80 cents US la livre (Bourse de Chicago).

Toutefois, les marchés financiers jugent cette prédiction trop modérée: le contrat à terme de décembre touchait déjà les 83 cents US la semaine dernière, contre 71 cents US pour le contrat de mai.

En plus, les coûts croissants de l'énergie viennent jeter de l'huile sur le feu. Les cultivateurs et toute l'industrie du vêtement redoutent de nouvelles hausses des coûts de production, de transformation (en Chine notamment) et du transport. On va donc ajuster les prix en conséquence.

Le syndrome inflationniste

C'est là le syndrome de l'inflation: les acteurs anticipent et amplifient des hausses de prix, même lorsqu'elles ne se sont pas matérialisées.

Les craintes entourant le coton donnent ainsi des munitions aux économistes qui critiquent de plus en plus la décision de la Réserve fédérale américaine et de la Banque du Canada d'abaisser rapidement les taux d'intérêt pour contenir la crise du crédit et prévenir une récession.

Une bonne nouvelle, diront les consommateurs. En ce faisant, toutefois, on alimente la flambée des prix des ressources naturelles.

Tôt ou tard, les banques centrales devront abandonner cette stratégie pour s'attaquer ensuite au cancer inflationniste. Cela signifie qu'il faudra hausser les taux, peut-être brusquement, au risque de provoquer une récession encore plus grave.

Cela fait penser à un commentaire entendu un jour dans un colloque économique. «L'inflation est une maladie curieuse, disait un conférencier. Elle est sans douleur pour beaucoup de gens. Mais le remède fait mal à tout le monde.»