La crise financière aura l'effet d'un ouragan en Amérique latine, dont la forte croissance économique risque de s'arrêter brusquement. Même le président vénézuélien, Hugo Chavez, a soudainement perdu de sa belle assurance.

La crise financière aura l'effet d'un ouragan en Amérique latine, dont la forte croissance économique risque de s'arrêter brusquement. Même le président vénézuélien, Hugo Chavez, a soudainement perdu de sa belle assurance.

La nouvelle a probablement eu l'effet d'une bombe pour des milliers de familles au Mexique, mais aussi ailleurs en Amérique latine.

La semaine dernière, on apprenait que les virements envoyés à leurs familles par les travailleurs mexicains émigrés aux États-Unis ont chuté de 12,2% en août. C'est la baisse la plus forte en 13 ans, a annoncé mercredi la Banque centrale du Mexique.

Les transferts d'argent constituent un marché énorme à l'échelle mondiale: en 2006, les migrants des pays pauvres ont expédié chez eux environ 300 milliards US, selon le géant américain des virements de fonds Western Union. Cela représente près de trois fois l'aide des gouvernements au tiers-monde.

Au Mexique, les virements de fonds représentent ni plus ni moins que la deuxième source de devises du pays après le pétrole.

«La décélération (économique) prolongée» aux États-Unis «a eu un impact négatif sur les possibilités d'emplois», d'autant que la crise a été «plus aiguë dans des secteurs où la présence des travailleurs mexicains est plus grande, comme la construction», a expliqué Banco de Mexico.

Or, les transferts de fonds déclinants ne sont qu'un indicateur des dégâts que la tempête financière va causer sur les économies d'Amérique latine.

Ralentissement

La situation est à ce point troublante que même le frondeur président du Venezuela, Hugo Chavez, a perdu de sa superbe et semble bien vulnérable vis-à-vis «l'empire» américain.

La semaine dernière, il a déclaré que la crise financière aura l'effet de «cent ouragans», qui pourraient faire chuter le pétrole aux environs de 80$US le baril. Il a aussi réclamé des actions concrètes de Washington. Comme les ventes de brut à l'étranger représentent 90% des exportations du Venezuela, on comprend les soudaines craintes de M. Chavez... L'Amérique latine vient de connaître deux décennies de croissance économique accélérée, avec des taux frôlant les 6% ces dernières années dans plusieurs pays, notamment au Brésil.

Toutefois, une étude de la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes vient de mettre fin à la fiesta. L'économie de la région se dirige vers une croissance de 4% en 2009, contre 4,7% cette année et 5,7% en 2007. L'Amérique centrale et le Mexique accuseront le coup avec une hausse du PIB d'à peine 2,8% en 2008.

Fait inquiétant, cette étude a été diffusée juste avant la déroute accélérée des marchés financiers qui s'est amorcée à la mi-septembre. De toute évidence, il faudra revoir ces chiffres à la baisse.

«Nous sommes dans une crise économique sérieuse», a admis jeudi le vice-président de la Colombie, Francisco Santos, dans une entrevue avec l'agence Bloomberg. «Le financement va devenir de plus en plus rare, ce qui veut dire que nous aurons de la difficulté à attirer des investissements.»

Signe de l'inquiétude actuelle: la Bourse de São Paulo a dû suspendre ses opérations lundi dernier après une chute de 10% de la Bourse brésilienne en quelques heures.

L'Association des exportateurs du Brésil est aussi fort pessimiste: «65% des exportations du Brésil sont constituées de matières premières». Selon l'organisme, «en 2009, toutes les matières premières seront touchées» par la baisse de la demande des pays développés.

Moins vulnérable

Petite consolation, les pays d'Amérique latine sont mieux préparés à faire face à cette tempête qu'ils ne l'étaient lors de la crise des devises de 1997-98.

Aujourd'hui, face au retournement de la conjoncture mondiale, les économies d'Amérique latine sont plus fortes. Elles sont moins endettées (33% du PIB en 2007 contre 36% l'année précédente), parfois plus diversifiées, et même mieux protégées. Le Brésil, par exemple, dispose de réserves monétaires de plus de 200 milliards US et il est moins dépendant des exportations aux États-Unis qu'il y a 20 ans.

Le milliardaire mexicain Carlos Slim, troisième fortune mondiale, faisait cette remarque encourageante ces derniers jours.

L'Amérique latine va devenir «de plus en plus importante» pour les pays riches, selon lui, car ceux-ci voudront diminuer leur dépendance envers la Chine et le Moyen-Orient.

L'avenir, à plus ou moins long terme, demeure donc prometteur malgré la crise actuelle. Quelque 600 millions de personnes vivant dans cette région du monde, qui a beaucoup souffert durant les années 80, espèrent que senor Slim a raison.