L'autre jour, lorsque mon collègue Stéphane Paquet, chef de division à La Presse Affaires, a parlé de son projet d'interroger les chefs des trois grands partis sur les grands dossiers économiques de l'heure, il était assez sceptique.

L'autre jour, lorsque mon collègue Stéphane Paquet, chef de division à La Presse Affaires, a parlé de son projet d'interroger les chefs des trois grands partis sur les grands dossiers économiques de l'heure, il était assez sceptique.

À vrai dire, moi aussi.

Les dirigeants politiques, toutes formations confondues, nous ont habitués depuis si longtemps aux cassettes vides que nous n'attendions pas grand-chose de l'exercice.

Eh bien, les sceptiques ont été confondus!

Les réponses fournies par Jean Charest, Mario Dumont et Pauline Marois (et que l'on peut lire ici sur le site) comportent certes une part de verbiage partisan.

Mais dans l'ensemble, les chefs ont répondu de façon concise, claire, parfois même surprenante. Autrement dit, on y apprend plus de choses qu'au cours d'un débat télévisé...

Chacun a choisi une approche différente.

Le premier ministre Charest s'affaire en bonne partie à vanter les réalisations de son gouvernement. Pour cela, il offre une avalanche de chiffres. Or, il ne s'agit pas que de pétage de bretelles. Son approche est rigoureuse, chaque statistique est vérifiable.

Il est exact que la taxe sur le capital a été réduite (même si Yves Séguin, ministre des Finances dans le premier gouvernement Charest, avait suspendu la réduction annoncée par Pauline Marois, qui l'avait précédé).

Il est exact que le taux de chômage est à son plus bas niveau en 33 ans. Il est exact (de peu, il est vrai, mais exact tout de même) que les Québécois ne sont plus les contribuables les plus taxés au Canada.

Une des réponses les plus intéressantes de M. Charest concerne le libre-échange interprovincial.

Le Canada, bien qu'il ait signé un accord de libre-échange avec les États-Unis, conserve à l'intérieur de ses propres frontières une foule d'entraves au commerce; il est souvent plus facile, pour une entreprise québécoise, de vendre ses produits aux États-Unis plutôt qu'en Ontario.

Deux provinces, l'Alberta et la Colombie-Britannique, ont déjà signé un accord qui prévoit la suppression de toutes leurs entraves protectionnistes sur une période de deux ans.

M. Charest a déjà évoqué la possibililté de conclure un accord semblable avec l'Ontario. Qu'il prenne l'engagement d'y arriver "dans un proche avenir" entrouvre d'énormes possibilités pour les entreprises des deux provinces.

Le chef de l'opposition, Mario Dumont, est le plus direct des trois. Le Québec compte 72 000 fonctionnaires et 200 sociétés d'État. «Est-ce trop, correct ou insuffisant?» a-t-on demandé aux trois chefs. M. Dumont est le seul qui répond sans s'enfarger dans les fleurs du tapis: «C'est trop.»

Même franchise quand on parle de l'utilisation d'éventuels surplus. M. Dumont ne cache pas son intention d'importer la formule fédérale (mettre les surplus sur la dette, et utiliser les épargnes d'intérêts pour financer des baisses d'impôts). Sans surprise, le chef adéquiste se fait le champion du libre-échange interprovincial et incite les entreprises à augmenter leur compétitivité.

Il devait aussi faire face à une question piège: le gouvernement devrait-il intervenir pour éviter que le contrôle d'entreprises comme Alcan ou BCE passe à des intérêts étrangers?

Question piège, parce que cette situation s'est effectivement produite, et que M. Dumont s'est signalé en suggérant que la Caisse de dépôt aurait pu intervenir pour bloquer la transaction, ce qui lui a valu une volée de bois vert des libéraux, des péquistes (les uns et les autres assez mal placés pour parler compte tenu de leurs feuilles de route) et de la plupart des commentateurs.

Il persiste et signe: «Le gouvernement du Québec a le devoir de protéger les fleurons de notre économie contre des prises de contrôle hostiles.»

On peut être d'accord ou non avec les réponses de M. Dumont, mais elles ont le mérite d'être claires.

Au premier coup d'oeil, Mme Marois, la leader péquiste, semble plus vaseuse que les deux autres. Une lecture plus attentive montre que c'est sans doute elle qui fournit les réponses les plus intéressantes.

Elle fait preuve, en tout cas, d'une grande souplesse quand on connaît la fougue des éléments les plus radicaux de son propre parti. Mme Marois n'a jamais renié ses convictions social-démocrates.

Mais elle a aussi une expérience ministérielle incomparable, ce qui lui permet de garder les deux pieds sur terre. Ainsi, elle est ouvertement en faveur de mesures fiscales pour soutenir les entreprises; il ne s'agit pas ici de paroles en l'air.

C'est elle, aux Finances, qui a été la première à baisser la taxe sur le capital (elle a aussi annoncé des baisses d'impôts pour les particuliers).

Dans ses réponses, elle revient sur la nécessité de créer de la richesse. Pour cela, oberve-t-elle, «le gouvernement doit créer un environnement d'affaires plus attrayant et propice aux investissements».

Propos courageux: les songe-creux du SPQ libre en ont crucifié pour moins que cela.

Une déception, par contre: sur le libre-échange interprovincial, elle commence par un oui enthousiaste, mais ajoute aussitôt que cela «ne doit pas se faire aux dépens de certains secteurs d'activités ou de corps d'emplois plus vulnérables qui sont actuellement bien servis par l'encadrement actuel». Autrement dit, noui...