Le dollar américain a fortement chuté par rapport aux autres grandes devises depuis un an. Mais le billet vert a surmonté d'autres crises dans le passé.

Le dollar américain a fortement chuté par rapport aux autres grandes devises depuis un an. Mais le billet vert a surmonté d'autres crises dans le passé.

Le billet vert américain est certainement la devise que tout le monde aime le plus détester et malmener, ces temps-ci.

Même le rapper américain Jay-Z y est allé d'un petit jab, dans une récente vidéo, en se dandinant avec une poignée d'euros à la main.... question d'afficher sa véritable richesse.

De la part d'un gars né à Brooklyn, à quelques stations de métro de Wall Street, c'est une gifle humiliante au naguère mighty dollar, lequel ressemble de plus en plus à un vieux boxeur mal en point.

Cible de plusieurs agressions, la monnaie de l'Oncle Sam titube dangereusement. Depuis son sommet en 2002, elle a chuté de 42% par rapport à l'euro, de 30% contre la livre sterling et d'environ 40% face au huard à son sommet.

Cette glissade s'est accélérée avec la crise du crédit: le dollar américain a reculé de 8% sur l'euro depuis le mois d'août.

Aussi, de gros parieurs sont en train de perdre patience. La Banque de Chine - qui détient 1430 milliards US en devises étrangères, surtout américaines - s'interroge sur la place qu'occupe le billet vert dans ses réserves monétaires.

Les Émirats arabes unis songent à couper le lien qui unit le dirham au dollar. Certains doutent même de la capacité du dollar américain de servir de monnaie d'échange dans le commerce mondial.

Bien connues, les causes de cette débâcle peuvent se résumer ainsi: les Américains vivent au-dessus de leurs moyens depuis des années - ils importent plus de biens qu'ils n'en vendent à l'étranger (le déficit commercial).

Combiné au déficit budgétaire colossal de Washington, cela oblige les États-Unis à emprunter massivement auprès de leurs partenaires.

Ajoutez à l'équation l'endettement élevé des ménages, la crise du subprime et la menace d'une récession. Si bien que les investisseurs ont perdu confiance et larguent le billet vert, qui est sérieusement secoué.

Mais est-il vraiment K.-O.? Divers facteurs laissent croire que non, même si le dollar américain risque de souffrir davantage à court terme, passant au-dessus des 1,50 $ US/euro (contre 1,46 $ US ces jours-ci).

Un regain de vie?

Au moins cinq raisons militent en faveur d'un regain de vie de la monnaie américaine dans un avenir plus ou moins lointain:

1 - Le billet vert a vécu d'autres crises dans le passé. Durant les périodes 1977-1979, 1985-1988 et 1993-1995, le dollar américain a subi de douloureuses culbutes, si bien que sa part des réserves monétaires internationales est passée de 79% en 1977 à 49% en 1992. Or, elle est actuellement d'environ 65%, selon l'agence Bloomberg;

2 - Le dollar américain demeure «LA» monnaie de refuge en cas de crises politique et économique. On l'a vu lors des attentats à New York, Londres et Madrid. L'été dernier, puis encore la semaine dernière, le billet vert a repris brièvement des forces pendant qu'une tempête balayait les Bourses mondiales;

3 - Et l'euro? La devise européenne est encore jeune et vulnérable. Certes, les 13 pays qui l'utilisent forment une grande puissance, avec un PIB cumulatif d'environ 10 000 milliards US. Mais ce club n'inclut pas le Royaume-Uni, un acteur majeur au plan financier.

Et on se dispute souvent dans la grande famille européenne. L'Italie et de futurs membres ont déjà menacé d'abandonner l'euro, trop fort à leur goût pour stimuler les exportations;

4 - Les Américains, faut-il le rappeler, sont les plus grands consommateurs au monde. Ils forment donc le plus gros client de la Chine, du Japon et de l'Europe. Lorsque le dollar américain baisse, les exportations des fabricants étrangers en souffrent.

John Connally, ancien trésorier dans le gouvernement Richard Nixon, rappelait un jour cette petite règle à des financiers européens: «Le dollar américain est notre devise, mais il est votre problème.» Autrement dit, pensez-y à deux fois avant de nous river les épaules au tapis;

5 - Enfin, l'économie américaine est encore solide. La croissance se poursuit (+3,9% au troisième trimestre), la productivité des entreprises grimpe (+4,9%) et le revenu réel des particuliers augmente (+4%).

Qui plus est, avec un dollar américain faible, les exportations augmentent... ce qui nous rappelle comment le huard à 63 cents US a ravivé l'économie canadienne il n'y a pas si longtemps.

En somme, il est trop tôt pour retirer à l'Aigle américain sa ceinture de champion économique mondial.

Le pays des Microsoft, Boeing et General Electric continue de démontrer une formidable capacité de produire, de s'adapter et d'innover. Ce que lui envient plusieurs rivaux.

Un jour, peut-être, l'euro ou le yuan chinois s'empareront du titre de monnaie de référence de la planète. Mais d'ici là, le dollar américain peut encore livrer quelques bons combats.