Avez-vous eu la chance de regarder le Fox Business Network, cette nouvelle chaîne d'info continue qui vient de partir à la poursuite de CNBC, la reine de la nouvelle économique et financière?

Avez-vous eu la chance de regarder le Fox Business Network, cette nouvelle chaîne d'info continue qui vient de partir à la poursuite de CNBC, la reine de la nouvelle économique et financière?

N'ayant pas eu l'occasion de me rendre aux États-Unis depuis son lancement, le 15 octobre, et ne voulant pas attendre davantage, je me suis rabattue sur le site internet du dernier rejeton de l'empire Murdoch. On y trouve une sélection de reportages et d'entrevues qui ont été diffusés sur cette chaîne.

Imaginez un croisement entre CNBC et The Simple Life, ce show de téléréalité où les fashionistas Paris Hilton et Nicole Richie apprenaient à traire une vache en talons aiguilles, et vous avez une petite idée de ce à quoi ressemble le Fox Business Network. La chaîne veut faire de la nouvelle économique terre à terre, arrosée d'un grand trait de célébrité.

On y voit par exemple une entrevue avec Larry Flynt. Avec sa voix éraillée, l'éditeur de la revue porno Hustler invite les Américains à boycotter les prochaines élections américaines tellement il est déçu par les candidats républicains comme démocrates.

Autre entrevue, cette fois avec Jack Nicklaus. L'ancien champion de golf reconverti en homme d'affaires vient de se trouver un partenaire financier pour assurer la pérennité de son entreprise de vêtements. Rien de bien transcendant, mais c'est le «Golden Bear» en personne.

La chaîne a tout de même lancé un débat sur Gap, qui vient de se départir d'un fournisseur de New Delhi qui faisait travailler 16 heures par jour des gamins de 10 ans. Notons au passage que le commerce de détail reste plus glam et accessible que la fabrication de circuits imprimés.

Rupert Murdoch fait le pari qu'il expliquera les enjeux d'affaires pour que monsieur, madame Tout-le-Monde comprenne ce qui se passe sur la planète. Il pourra compter sur l'expertise et la crédibilité du Wall Street Journal, qu'il vient d'acquérir de haute lutte de la famille Bancroft. Mais pas tout de suite, puisque CNBC a un accès exclusif au contenu de Dow Jones, la société éditrice du Journal, jusqu'en 2012...

L'émission Happy Hour, filmée à la fermeture des marchés en direct du bar Bull & Bear de l'hôtel Waldorf-Astoria de New York, est un bon exemple de ce souci de vulgarisation.

L'un de ses animateurs, Cody Willard, met 2$ dans le verre à pourboires du bar chaque fois qu'il erre et s'exprime dans le jargon. Les expressions «points de base» ou «EBIDTA» (le BAIIA ou bénéfice d'exploitation) lui coûteraient 4$!

Aussi, j'ai été épatée de la simplicité avec laquelle Jonathan Hoenig, gestionnaire du CapitalistPig Hedge Fund (pas de farce), parlait de différents indices boursiers mondiaux.

«Ce n'est pas que nous soyons nuls, disaient-ils des marchés américains, c'est que toute l'action se passe outre-mer.» Simple et efficace.

Évidemment, son sujet n'était pas aussi complexe que le papier commercial adossé à des actifs d'origine non bancaire, dont la valeur s'est effondrée en août en raison de la crise des prêts immobiliers à haut risque aux États-Unis.

Et c'est là que cela se corse pour les journalistes qui veulent informer leurs lecteurs dans un média grand public.

Il y a des enjeux de plus en plus complexes qui nous touchent directement. Or, il est souvent difficile de les expliquer de façon simple, avec des mots que tous comprennent. En plus, l'espace et le temps d'antenne sont limités.

Le dilemme: en mettre plus pour les gens qui s'y connaissent, puisque ceux qui ne s'intéressent pas à l'économie ne liront pas de toute façon. Ou bien vulgariser le plus possible, au risque d'écrire des évidences, voire des banalités aux yeux des lecteurs avertis. J'ai toujours préféré cette dernière avenue, mais cela tient parfois de la mission impossible.

Surtout que les architectes financiers ont créé des instruments tellement complexes que les journalistes économiques n'arrivent plus à les cerner.

Cette semaine, tiens, je suis allée rencontrer Purdy Crawford, l'avocat qui dirige le «comité de Montréal» qui est censé redonner vie à ce fameux papier commercial dont plus personne ne veut - il y en a pour 34 milliards au Canada.

Le quart de cette somme repose sur des portefeuilles de cartes de crédit, de prêts immobiliers ou de prêts auto.

Jusqu'ici, cela va. Mais le reste! Des swaps de défaut de crédit? Ajoutez de l'effet de levier, et mes trois collègues et moi-même étions perdus dans cet univers de produits dérivés archi-complexes...

Expliquez-moi cela pour que je puisse le raconter à ma mère, ai-je demandé à un whiz kid de J.P. Morgan de New York. Et le Warfield - c'est vraiment ainsi qu'il se prénomme - de poursuivre dans son charabia. J'aurais dû lui parler de ma fille de 5 ans...

Ce serait sans importance si on pouvait s'en ficher. Mais voilà, ce n'est pas le cas. La Caisse aurait investi quelque 13 milliards de dollars dans ce type de papier commercial.

La Banque Nationale en a refilé pour des dizaines de millions à ses clients comme le Groupe Jean Coutu et Transat A.T. Visiblement, ces entreprises ne comprenaient pas mieux que vous et moi les instruments financiers opaques dans lesquels elles avaient investi.

Bref, je serais bien curieuse de voir comment le Fox Business Network s'y prendrait pour expliquer cela de façon simple. Parce que moi, je n'ai pas encore trouvé.