La flambée des prix des aliments a atteint des proportions alarmantes, provoquant la grogne et des manifestations monstres en Asie, en Amérique latine et en Afrique ces derniers jours.

La flambée des prix des aliments a atteint des proportions alarmantes, provoquant la grogne et des manifestations monstres en Asie, en Amérique latine et en Afrique ces derniers jours.

Aperçu d'une crise aux origines économiques mais que des spéculateurs sans scrupule ont exacerbé.

L'envolée des prix alimentaires ne provoque pas de grands remous chez nous, du moins pas jusqu'à maintenant. Mais, ailleurs sur la planète, c'est une autre histoire:

> En Égypte, les menaces de grèves et les manifestations sur le thème de la «vie chère» sont quotidiennes, y compris parmi les médecins, rapportent des agences de presse.

Les bousculades dans les files d'attente devant les boulangeries - où il faut parfois attendre six heures pour acheter un maximum 20 galettes de pain subventionné - ont déjà fait quatre morts;

> Durant 20 jours, des milliers d'agriculteurs en Argentine se sont mis en grève, bloquant routes et ports jusqu'à la trêve fragile conclue mercredi dernier. Ce qui a mis le feu aux poudres: la hausse d'une taxe sur l'exportation du soja, décrétée par le gouvernement qui espère ainsi renflouer les stocks du pays, contenir les prix et regarnir ses coffres;

> L'Inde, l'Égypte, le Vietnam et le Cambodge, entres autres pays, viennent de suspendre leurs exportations de riz, dont les prix ont atteint un record jeudi à Chicago;

> Le coût élevé des aliments provoque des tensions en Afrique. Après le Cameroun, le Burkina Faso et le Sénégal, des manifestations ont opposé, lundi dernier à Abidjan (Côte d'Ivoire), des centaines de personnes aux forces anti-émeutes

Une crise

Ces turbulences ne sont pas dénudées de fondement si on regarde les hausses de prix depuis un an: maïs (+45%); soja (+50%); blé (+100%); riz (+80%).

Or, l'envolée des cours n'est pas qu'un simple sursaut des marchés causé par des intempéries ou des déséquilibres passagers. On est plutôt devant une crise sérieuse et profonde à l'échelle planétaire.

«Les stocks alimentaires sont à des niveaux critiques. Aux États-Unis, les stocks de blé sont à leur plus bas depuis 1947 (...). Il y a une possibilité que Washington stoppe les exportations de soja», a déclaré vendredi John Clemmow, analyste pour la firme UBS sur le réseau de télévision Bloomberg.

Les experts blâment ce phénomène sur la nouvelle dynamique mondiale. La croissance explosive des pays émergents, notamment de l'Inde et de la Chine, très consommatrices de matières premières et de denrées alimentaires, vient en effet gonfler la demande que la production mondiale peine à satisfaire.

Sauf que les marchés dérapent de façon inquiétante. On réalise maintenant que des hedge funds et d'autres spéculateurs ont exacerbé la crise en sautant sur l'occasion, comme pour le cas du pétrole, pour augmenter les prix qui fluctuent aussi brutalement.

Qui plus est, des gens d'affaires peu scrupuleux feraient monter les prix en stockant des denrées temporairement afin de créer une pénurie artificielle. De telles tactiques ont été rapportées par les médias ces derniers jours au Bangladesh, aux Philippines, en Inde, en Argentine et en Chine notamment.

Si bien que l'Espagne a annoncé mardi dernier l'ouverture de plusieurs enquêtes sur le secteur alimentaire. Des associations locales de consommateurs soupçonnent l'existence d'accords explicites entre producteurs et distributeurs pour augmenter les prix.

Un "new deal"

Évidemment, tout cela est troublant. Surtout pour des régions comme l'Asie, où chaque habitant consomme annuellement 60 kg de riz - l'aliment de base de trois milliards de personnes dans le monde.

Ce qui n'est guère rassurant, c'est que les gouvernements ont été pris de court par cette crise. On doit recourir à des moyens drastiques pour contenir la révolte populaire. Cependant, tout le monde sait que ces interventions ne sont pas une solution à long terme.

Pour contrer la hausse des prix des denrées agricoles qui menace surtout les pays pauvres, la Banque mondiale recommandait la semaine dernière un effort massif et concerté à l'échelle internationale. Une sorte de "new deal" agricole, inspiré du plan de relance mis en place aux États-Unis après la Grande Dépression de 1929.

«Nous avons besoin d'une nouvelle donne pour la politique alimentaire mondiale», affirme le président de l'institution, Robert Zoellick.

La Banque et les experts font une analyse complexe et inquiétante des causes de cette crise. Mais on peut la résumer ainsi: l'augmentation de la population mondiale, la diminution des ressources en eau et en terres et la mondialisation sont des courants de fond, qui sont là pour de bon. La solution: il est grand temps de faire de l'agriculture une priorité stratégique pour tout le monde.