Vous vous demandez pourquoi les marchés boursiers actuels sont si déprimés? Une partie de la réponse réside sûrement dans le constat suivant: la tolérance des investisseurs au risque a atteint son niveau le plus bas des 25 dernières années.

Vous vous demandez pourquoi les marchés boursiers actuels sont si déprimés? Une partie de la réponse réside sûrement dans le constat suivant: la tolérance des investisseurs au risque a atteint son niveau le plus bas des 25 dernières années.

Le niveau actuel est pire que celui atteint lors du krach d'octobre 1987. C'est ce qu'affirment les deux stratèges de la Financière Banque Nationale (FBN), Clément Gignac et son collègue adjoint, Pierre Lapointe. «L'indice FBN de l'aversion pour le risque financier... vient d'atteindre son paroxysme, du moins depuis un quart de siècle, en s'éloignant de plus de cinq écarts types de la moyenne à long terme.»

C'est ce qui expliquerait, selon eux, pourquoi le fonctionnement des marchés financiers mondiaux a été loin de la normale ces deux derniers mois. Il faut dire que les marchés du crédit ont été victimes d'une turbulence sans précédent.

Quand les deux stratèges de la Financière parlent de «La pire aversion pour le risque en plus d'un quart de siècle», ils font référence à qui? Aux investisseurs institutionnels, aux gestionnaires de portefeuilles, aux analystes, au commun des petits investisseurs?

Réponse de Pierre Lapointe à la question de La Presse Affaires: "Nous parlons des investisseurs en général sur les marchés financiers. Cela inclut donc tous les types d'investisseurs. Nos calculs sont basés sur l'évolution des Bourses, des marchés obligataires. Il est donc impossible de distinguer les groupes d'investisseurs."

'«Lorsque nous parlons de la pire aversion pour le risque depuis au moins un quart de siècle, ajoute-t-il, nous faisons référence à la tolérance au risque des investisseurs, c'est-à-dire le niveau de risque qu'un épargnant est prêt à accepter. Ces jours-ci, les investisseurs ont une très faible tolérance pour le risque. Selon la relation risque-rendement, plus le niveau de risque sera jugé élevé par l'investisseur, plus l'investisseur rationnel exigera un rendement supérieur. C'est ce qui explique pourquoi les écarts avec les obligations du Trésor sont si élevés. Cela explique aussi pourquoi les investisseurs se départent de leurs actions: le risque de baisse des profits en période de récession étant plus grand, l'investisseur voudra être compensé par un rendement potentiel plus grand. Si le prix est jugé trop cher, il vendra.»

Devant un niveau de tolérance au risque si faible, on comprend pourquoi les stratèges de la Financière viennent de réviser une fois de plus à la baisse leurs cibles indicielles pour les 12 prochains mois. Pour l'indice S&P 500 de la Bourse de New York, la cible est révisée à 1150 points (au lieu de 1325) et pour l'indice de S&P/TSX Composite de la Bourse de Toronto, la cible a été abaissée à 10 800 points (au lieu de 12 200).

En octobre dernier, le S&P 500 a touché un creux de 839,8 points et le S&P/TSX un plancher de 8537,4 points. En termes de hausse boursière potentielle d'ici les 12 prochains mois, les stratèges de la Financière anticipent donc, par rapport à ce creux, une hausse de 36,9% pour le principal indice de Wall Street et une augmentation de 26,5% pour le baromètre de la Bourse canadienne.

Les augmentations anticipées peuvent paraître élevées... Cependant, sur une base historique, ce n'est absolument pas le cas lorsqu'on se réfère aux phases haussières qui suivent les grandes déprimes boursières.

Se basant sur un document de recherche du FMI (Fonds monétaire international) qui a analysé les 113 périodes de difficultés financières, survenues dans 17 pays au cours des 30 dernières années, les stratèges de la Financière se sont particulièrement intéressés aux six périodes de turbulence financière liées plus spécifiquement au secteur bancaire. Ces six périodes ont engendré des crises économiques, comme c'est présentement le cas.

Lors de ces six périodes de tourmente financière majeure, la Bourse avait baissé en moyenne de 43,5% entre son pic de bull market et son creux de bear market. Un an après le creux, la Bourse avait grimpé en moyenne de 86%...

Entre son dernier pic de marché haussier et son récent creux d'octobre dernier, le S&P 500 a perdu 46,7% et le S&P/TSX Composite 43,7%.

Comme vous pouvez le constater, les baisses boursières enregistrées dans le cadre de la présente crise financière sont de la même ampleur que la moyenne des six périodes similaires de référence.

Mais pas question pour les stratèges de la Financière de se montrer optimistes et d'anticiper une hausse boursière d'ici les 12 prochains mois de la même ampleur que la moyenne historique de 86%.

Pour eux, une hausse de quelque 37% pour le S&P 500 et une augmentation de 26% pour l'indice canadien... cela leur apparaît plus réaliste.

Fidèles à leur marque de commerce, les stratèges de la Financière demeurent conservateurs par rapport à leurs collègues des autres grandes maisons de courtage.

Pour quelle raison?

«En ce qui a trait aux bénéfices, nous réévaluons nos chiffres tous les mois. Je peux vous dire par contre que nous allons demeurer très conservateurs comparativement au consensus (des stratèges) qui prévoit une croissance des bénéfices de 8,5% au Canada en 2009 et de 11,5% aux États-Unis. Lors de récessions, les profits baissent, pas l'inverse...» tient à préciser le stratège adjoint de la Financière, Pierre Lapointe.