Mettons les choses au clair. Tous les stratèges, analystes et gestionnaires de portefeuille travaillent actuellement très fort pour essayer de nous convaincre de rembarquer graduellement dans le bateau de la Bourse.

Mettons les choses au clair. Tous les stratèges, analystes et gestionnaires de portefeuille travaillent actuellement très fort pour essayer de nous convaincre de rembarquer graduellement dans le bateau de la Bourse.

À l'unanimité, ils nous rappellent avec statistiques à l'appui que le gros de la hausse boursière qui suit un creux de marché se produit dans les premières semaines, voire au pire, dans les premiers mois. Le message? Soyez présent dans le marché lorsqu'il repartira à la hausse... sinon vous risquez de rater votre coup! C'est ce qui explique d'ailleurs pourquoi des investisseurs «optimistes» achètent les actions que les investisseurs déprimés liquident.

Le problème? Cela fait déjà deux mois, que d'une semaine à l'autre ou presque, les marchés boursiers s'enfoncent de plus en plus. Cela laisse présager que les «optimistes» continuent d'accumuler de plus en plus de pertes...

Personne ne conteste la véracité des statistiques qui nous montrent la vigueur avec laquelle la Bourse se redresse après avoir atteint le creux d'un cycle baissier (bear market). Mais encore faut-il toucher ledit creux pour pouvoir par la suite valider la théorie de la rapide reprise boursière.

Cette semaine, la Bourse s'est enfoncée encore davantage et un autre creux a été touché sur plusieurs grandes places boursières nord-américaines. Les reculs par rapport aux récents pics atteignent maintenant un niveau dramatique.

> S&P 500 de New York: -52,6%

> Dow Jones: -47,1%

> Nasdaq: -54,0%

> S&P/TSX Composite de Toronto: -49,1%

> S&P/TSX Croissance: -78,5%

Les grandes Bourses européennes et asiatiques ont également chuté cette semaine mais sans «réussir» à défoncer les planchers de la fin octobre. Entre le pic et le creux d'octobre, le Nikkei de Tokyo accuse une chute de 56,6%; le Hang Seng de Hong Kong une débandade de 64,4%; la Bourse de Londres une baisse de 44,8% et la Bourse allemande une diminution de 54,5%.

Tenez-vous bien. La capitalisation boursière mondiale, c'est-à-dire la valeur totale des actions des quelque 46 000 compagnies inscrites à la cote de la cinquantaine de bourses à travers le monde, a fondu de 54% depuis son sommet historique d'octobre 2007.

La capitalisation boursière mondiale s'est dégonflée en l'espace d'une année d'environ 34 000 milliards de dollars US, passant de 63 000 à seulement 29 000 milliards, selon l'évaluation de La Presse Affaires en date du creux de la séance de jeudi.

Pour vous montrer l'ampleur de cette déconfiture boursière de 34 000 milliards, sachez que ce chiffre représente 2,3 fois le PIB (valeur des biens et services) des États-Unis.

Théoriquement, devant une telle débandade boursière, le moment serait arrivé de mettre la pédale au tapis et d'investir massivement en Bourse.

Le hic: les traditionnels indicateurs qui servent habituellement de repère pour déterminer les moments opportuns d'augmenter ses positions en Bourse semblent eux-mêmes déboussolés par l'ampleur de l'actuelle crise financière. Les indicateurs en question: la sous-évaluation des titres (faible ratio cours/bénéfices) à la suite de l'effondrement des Bourses; la grande déprime des investisseurs; la forte volatilité des marchés boursiers; la hausse marquée des transactions d'achat d'actions des initiés (dirigeants et administrateurs des sociétés); le niveau élevé des liquidités dans les portefeuilles des fonds communs et des caisses de retraite; la politique monétaire très accommodante avec grande baisse des taux directeurs partout dans le monde; la chute des profits de 45% aux États-Unis...

Ajoutons à cela les interventions financières massives des gouvernements des grands pays industriels et l'élection souhaitée de Barack Obama.

Eh bien, malgré tant de gestes et de signaux positifs, l'actuel bear market n'en continue pas moins de tester d'une semaine à l'autre de nouveaux creux.

Pourquoi les indicateurs boursiers traditionnels se font-ils déjouer par la dépression boursière? Comme explication, le stratège d'une société de gestion de fonds (il veut garder l'anonymat) avance les trois raisons suivantes.

Un: à l'exception de la crise de 1929, les autres crises boursières limitaient les pertes à la Bourse alors que la présente crise financière frappe la Bourse et l'immobilier. La situation est particulièrement alarmante aux États-Unis, happés par une baisse de l'ordre de 20% de la valeur des maisons et par une chute boursière de 50%.

Deux: l'actuelle dette totale des Américains (51 000 milliards US) est 3,6 fois plus élevée que le PIB des États-Unis. À titre comparatif, la dette totale des Américains s'élevait à 1,7 fois le PIB au début des années 80. En somme, l'endettement actuel des États-Unis étouffe radicalement les Américains, entreprises et consommateurs.

Trois: comme la plupart des grandes banques de par le monde se sont fait contaminer par le papier commercial issu des subprimes , c'est tout le système bancaire mondial qui est en crise financière, en plus de voir dépérir sa valeur boursière.

Conséquemment, risquons-nous de revivre la dépression de 1929-32 alors que la Bourse avait chuté de 86% et que la décroissance économique avait atteint les 27%?

Non! À l'époque, les gens avaient massivement retiré leurs dépôts bancaires, les faillites bancaires se multipliaient, le crédit était inexistant, etc. Aujourd'hui, les gouvernements garantissent les dépôts bancaires; ils soutiennent financièrement les grandes institutions financières éclopées; et ils assouplissent comme jamais leurs politiques monétaires et fiscales.

Espérons que le niveau plancher de l'actuelle destruction boursière soit tout près...