La crise asiatique de 1997 n'avait même pas effleuré I'Inde. Onze ans plus tard, le nouveau poids lourd asiatique est ébranlé par la tempête financière mais il devrait éviter la récession.

La crise asiatique de 1997 n'avait même pas effleuré I'Inde. Onze ans plus tard, le nouveau poids lourd asiatique est ébranlé par la tempête financière mais il devrait éviter la récession.

Jusqu'à récemment, les leaders foncièrement optimistes de l'Inde, rêvant de hisser leur pays au rang de superpuissance, martelaient que la troisième économie d'Asie était à «l'abri» de la crise financière grâce à des «fondements économiques et à des banques solides».

De plus en plus d'experts jugent cependant que le «miracle» indien a pris fin sous l'effet du ralentissement aux États-Unis et dans les autres pays occidentaux. Les scénarios pour l'avenir immédiat deviennent plus sombres. Mais ce pays de 1,1 milliard d'habitants est-il pour autant au bord d'une récession qui détruirait tous les progrès accomplis jusqu'ici?

Dégradation

Certes, les signes de dégradation de l'économie indienne se multiplient. Les secteurs les plus dépendants des exportations, telles l'informatique et l'aéronautique, souffrent du ralentissement mondial. Les prévisions de bénéfices des fleurons indiens comme Tata et Arcelor Mittal sont révisées à la baisse. De plus en plus de sociétés connaissent des difficultés à se refinancer.

Le premier ministre Manmohan Singh vient d'ailleurs d'admettre que la phénoménale croissance de l'Inde souffrait de la pire crise financière depuis 1929.

Après une croissance moyenne de 9% depuis quatre ans - le deuxième au monde après la Chine - le colosse indien ne ferait pas mieux que 7% ou 7,5% en 2008-2009 (exercice terminé à la fin mars), selon le gouvernement.

Les étrangers sont plus pessimistes: pas plus de 6,7% de croissance cette année et un timide 5,8% pour 2009-2010, pronostique l'américain Goldman Sachs.

Bien sûr, ces chiffres font rêver chez nous. Mais en Inde, ils seront trop faibles pour tirer de la pauvreté les 500 à 600 millions de personnes vivant chacune avec moins de 1,25$US par jour (chiffres de la Banque mondiale).

Chaque semaine apporte son lot de mauvaises nouvelles.

«Le choc du crédit, bien plus fort que prévu sur le secteur financier, a eu un effet domino sur les demandes extérieure et intérieure», explique Goldman Sachs dans une note économique.

D'abord, la Bourse de Bombay plonge et a perdu plus de la moitié de sa valeur depuis janvier. On assiste à une sortie de capitaux, les fonds étrangers ayant vendu pour 12 milliards US d'actions après en avoir acheté pour 18 milliards US en 2007, selon l'agence Bloomberg.

Dans l'immobilier ou le textile, on commence à licencier et l'informatique a arrêté d'embaucher à tout va.

Les ventes de voitures ont baissé de 6,6% en octobre, la pire performance en trois ans. La consommation de produits électroniques, dont les 100 millions d'Indiens de classe moyenne sont friands, ralentit également.

Enfin, les exportations en octobre ont chuté de 15% - une première depuis 2003 - tandis que l'industrie textile perdrait un demi-million d'emplois d'ici avril 2009 en raison de la crise mondiale, prévient le gouvernement.

30 milliards pour les infrastructures

Devant ce sombre tableau, le gouvernement a changé radicalement sa stratégie. Après des mesures pour lutter contre l'inflation depuis le début de l'année, les autorités se concentrent désormais sur l'accès au crédit.

La banque centrale, profitant d'un repli de l'inflation, a réduit pour la première fois depuis 2004, de 9% à 8%, le «repo» - le taux directeur indien.

En moins de deux semaines, l'Inde a aussi fait passer de 9% à 6,5% le taux de réserve que les banques doivent obligatoirement confier à la banque centrale.

Mais l'économie va surtout profiter d'un vaste programme d'investissement en infrastructures, même si les budgets futurs pourraient être amputés par la crise.

Quelque 30 milliards CAN sont actuellement dépensés pour retaper et étendre le réseau routier. Dans deux ans, la plupart des villages de 1000 habitants ou plus seront «connectés» aux grands centres urbains, alors que seulement 40% de ces communautés l'étaient auparavant.

Ce programme va favoriser la consommation en région et agira comme un coussin pour l'économie en cette période difficile, affirmait la semaine dernière un regroupement d'économistes indiens.

Les géants internationaux, comme Volkswagen et PepsiCo, ont d'ailleurs réitéré leurs intentions d'investir davantage en Inde au cours des prochaines années car on croit toujours au potentiel du pays. La consommation intérieure représente 60% de l'économie indienne.

Donc, l'Inde plie mais ne casse pas, contrairement à ce qui se passe dans certains pays émergents. «Le commerce de détail et l'agriculture, qui sont les piliers de l'économie indienne, ont peu de raison de pâtir fortement de la crise actuelle», affirme la banque française BNP Paribas dans une étude. Voilà une bonne nouvelle pour le reste du monde.