L'économie japonaise va mal: exportations au ralenti, inflation croissante, salaires stagnants...

L'économie japonaise va mal: exportations au ralenti, inflation croissante, salaires stagnants...

Dans ce climat de déprime, des petits investisseurs jouent le tout pour le tout en spéculant à la Bourse de Tokyo. Un sport extrême qui fait beaucoup de victimes.

Au Japon, des milliers de «shufu» - ou «femmes au foyer» - ont un nouveau passe-temps: la spéculation boursière sur la Toile.

Les participantes, de tous âges, sont surtout de jeunes célibataires, vivant aux crochets de leurs parents, qui sont en quête de sensations fortes et de gains faciles.

Le phénomène est en croissance. Si bien que les shufu seraient à l'origine de 9,1 milliards de yens (90 millions CAN) d'échanges de titres boursiers par jour, selon des médias européens.

Rien de mal en soi. Sauf que le Nikkei - l'indice repère de la Bourse de Tokyo - a perdu le tiers de sa valeur depuis l'été dernier. Un plongeon éprouvant, même pour les habitués des sports extrêmes.

À Kobe, une femme au foyer âgée, qui avait misé sur des titres nippons, vient de perdre 8 millions de yens (77 000$CAN) en une nuit de spéculation débridée, rapporte le quoditien français Libération.

Goût du jeu. Ignorance des règles et dangers de la Bourse. Sans doute. Mais on peut ajouter une autre explication pour ce phénomène: un certain désespoir face à une économie qui est bien malade.

Inflation en hausse, salaires gelés

Si les risques d'une récession américaine vous empêchent de dormir, on pourra se consoler en pensant aux travailleurs japonais.

Car pour les salariés nippons, ces employés modèles et surmenés, les perspectives ne sont pas gaies: voilà des mois que leur paye ne bouge pas.

Pire, le salaire «réel» est en recul face à la plus forte hausse du coût de la vie en une décennie.

Prix à la consommation

On apprenait la semaine dernière que les prix à la consommation au Japon ont grimpé de 0,8% en décembre en raison surtout de la flambée des prix des carburants.

C'est une troisième augmentation en trois mois, après + 0,4% en novembre 2007.

Le pétrole y est pour quelque chose. Mais les prix grimpent un peu partout: bière, pain même les taxis viennent de hausser leurs tarifs pour la première fois en 10 ans.

Une surcharge de près de 5% n'est pas si insignifiante lorsque le trajet en taxi, entre l'aéroport de Tokyo et le centre-ville, coûte plus de 200$!

De surcroît, la deuxième économie mondiale montre des signes inquiétants de faiblesse chronique, victime surtout de la contagion américaine.

La production industrielle n'a augmenté que de 1,4% en décembre - nettement moins que ce que prévoyaient les économistes. Et on apprenait jeudi que les mises en chantier ont fortement chuté en décembre (-19,2% sur un an).

Et selon une enquête, les industriels japonais s'attendent maintenant à ce que leur production se replie de 0,4% en janvier et de 2,2% en février.

«C'est la première fois depuis avril 2001 que l'enquête prédit deux baisses consécutives de la production», note Hiroshi Shiraishi, économiste chez Lehman Brothers, dans une note financière.

Aussi, le gouvernement vient de réduire ses prévisions de croissance pour 2008, qui passent de 2,1% à 1,3%.

Dans ce contexte, les ménages japonais ne s'enrichissent pas car ils doivent dépenser davantage pour vivre. Résultat: le taux d'épargne - jadis un atout des Japonais - a chuté de 70% en 10 ans.

L'an passé, les ménages ont économisé à peine 3% de leurs revenus, selon des statistiques officielles.

Les autorités du pays, quant à elle, semblent à cours de moyens pour relancer l'économie.

Taux directeurs

La Banque du Japon a laissé ses taux directeurs inchangés à un creux historique de 0,5%, le 22 janvier. Un choix dicté par la faiblesse persistante de la croissance japonaise.

La Banque voudrait bien ramener le loyer de l'argent à un niveau plus normal et, du coup, stimuler l'épargne. Mais, la conjoncture ne le permet pas.

De 13,9% en octobre, la progression annuelle des exportations japonaises est tombée à 6,9%, en décembre, à cause du ralentissement du marché américain.

Dans le même temps, l'investissement des entreprises a ralenti, après trois ans de forte croissance. Donc, tout indique que l'économie ira encore plus mal avant d'aller mieux.

Économie amorphe. Salaires figés. Retour de l'inflation. Population vieillissante... L'horizon est donc bien sombre au pays du Soleil levant. On comprend mieux pourquoi les shufu ont pris goût au jeu.