Quand les États-Unis toussent, le Canada attrape le rhume, c'est bien connu. Ceux d'entre vous qui ont lu l'intéressant reportage de mon collègue Rudy Le Cours sur l'«énigme américaine», dans La Presse Affaires de vendredi, ont sans doute eu de bonnes raisons de ressentir quelques frissons dans le dos.

Quand les États-Unis toussent, le Canada attrape le rhume, c'est bien connu. Ceux d'entre vous qui ont lu l'intéressant reportage de mon collègue Rudy Le Cours sur l'«énigme américaine», dans La Presse Affaires de vendredi, ont sans doute eu de bonnes raisons de ressentir quelques frissons dans le dos.

La puissante machine économique américaine ralentit. Après des années d'effervescence, le marché immobilier est à la baisse; les mises en chantier reculent; le secteur manufacturier perd des emplois par milliers; les mauvaises créances des banques augmentent; les fleurons de l'industrie automobile sont en pleine et douloureuse restructuration.

Certes, tout n'est pas que noir: le taux de chômage demeure faible, les emplois perdus dans le manufacturier sont remplacés par d'autres dans le secteur des services. N'empêche: tout ne roule pas rondement au pays de l'Oncle Sam.

Il faut d'abord rappeler à quel point les États-Unis pèsent lourd dans l'économie mondiale. Aux taux de change courants, la taille de l'économie américaine correspond à celle du Japon, de la Chine, de l'Allemagne, de la France et du Canada réunis! Oui, c'est gros.

Ce n'est pas tout. Tous les pays que nous venons de nommer, et beaucoup d'autres, y compris dans le tiers-monde, dégagent d'importants surplus commerciaux avec les États-Unis.

Il n'est pas exagéré de dire que le consommateur américain «nourrit une bonne partie de la planète», pour reprendre l'expression de mon collègue Le Cours.

On peut dès lors comprendre à quel point les soubresauts de cette locomotive peuvent être inquiétants. Deux pays sont particulièrement concernés: le Mexique et le Canada.

Depuis son adhésion à l'ALENA, le Mexique a littéralement envahi le marché américain. Le Mexique exporte 39 % de sa production, et 86 % des exportations mexicaines prennent le chemin des États-Unis. En 2006, le Mexique a dégagé un surplus commercial de 78 milliards dans ses échanges avec les États-Unis (tous les montants dans cette chronique, sont exprimés en dollars américains).

Le cas du Canada est semblable. Les Américains achètent 84 % des exportations canadiennes. Le surplus commercial canadien à l'égard des États-Unis atteint la somme prodigieuse de 141 milliards. Au Canada, il est de bon ton dans certains salons de haïr les États-Unis. N'empêche: si, d'un coup de baguette magique, on supprimait l'accès au marché américain, le niveau de vie au Canada tomberait à peu près au même niveau qu'en Grèce ou en Slovénie, pas des pays pauvres, certes, mais quand même...

Mais le Mexique et le Canada ne sont pas les seuls.

La spectaculaire croissance de l'économie chinoise est due en bonne partie au consommateur américain. L'an dernier, la Chine a vendu pour 238 milliards de biens aux États-Unis. En contrepartie, la valeur des exportations américaines en Chine n'a atteint que 58 milliards. Les Chinois dégagent donc un surplus de 180 milliards; aux coûts actuels de la main-d'oeuvre en Chine, cela équivaut à 45 millions d'emplois!

Uniquement à l'égard du marché américain, le Japon dégage un surplus de 68 milliards, l'Allemagne, 27 milliards, un pays émergent comme la Thaïlande, 10 milliards. On pourrait multiplier les exemples. Un beau cas est celui du Venezuela, dont le président, Hugo Chavez, aime bien faire le coq à l'égard de Washington. En réalité, les États-Unis sont, de loin, le premier partenaire commercial du Venezuela, comme client et comme fournisseur. Ainsi, le pays d'Hugo Chavez (dont le poids économique équivaut à peu près à celui d'un État comme le Connecticut) a dégagé l'an dernier un surplus commercial de 26 milliards avec les Américains.

Dans ces conditions, on comprend que la confiance du consommateur américain joue un rôle clé dans l'état de santé de l'économie mondiale. Or, et c'est peut-être la meilleure nouvelle qui nous provient du sud de la frontière, il semble bien que cette confiance demeure au rendez-vous, malgré plusieurs nuages noirs.

Le taux d'épargne aux États-Unis est maintenant négatif (c'est-à-dire que l'Américain moyen a plus de dettes que d'argent de côté). Pire: le boom immobilier tire à sa fin, de sorte que les propriétaires ne peuvent plus compter sur l'appréciation de leurs maisons pour augmenter leur valeur nette.

Si les consommateurs restent optimistes, c'est parce que le marché du travail continue, malgré les pertes du secteur manufacturier, à rouler rondement: le mois dernier, le taux de chômage américain se situait à 4,5 %, chiffre à faire pâlir d'envie des pays comme l'Allemagne (9,3 %), la France (8,6 %), ou même le Canada (6,1 %). Non seulement les Américains ont-ils du travail, mais leur pouvoir d'achat augmente, puisque la moyenne des augmentations salariales consenties en 2006 est sensiblement plus élevée que l'indice des prix à la consommation, dont la hausse est bien contenue à 2,1 %. Mieux: pour l'ensemble de 2007, la plupart des prévisionnistes pensent que l'inflation reculera encore.

C'est pour toutes ces raisons, entre autres, que l'on peut parler d'«énigme» américaine. Normalement, de nombreux facteurs devraient attiédir la confiance des consommateurs, mais ce n'est pas ce qui se passe. D'un point de vue canadien, tant mieux, c'est le moins qu'on puisse dire.