La semaine dernière, le journal britannique Sunday Times publiait sa liste annuelle des 1000 personnes les plus riches au Royaume-Uni.

La semaine dernière, le journal britannique Sunday Times publiait sa liste annuelle des 1000 personnes les plus riches au Royaume-Uni.

La généreuse fiscalité britannique, révèle ce palmarès doré, attire le gotha des affaires de la planète.

Au sommet, on retrouve ainsi Lakshmi Mittal, l'homme d'affaires d'origine indienne qui dirige le numéro un mondial de l'acier, Mittal Steel. Sa fortune : 46 milliards de dollars canadiens (30 milliards d'euros).

Arrive au second rang le russe Roman Abramovitch. Installé lui aussi à Londres, le propriétaire du club de soccer Chelsea, qui a fait fortune dans le pétrole, a accumulé des «économies» de 25,5 milliards (16,7 milliards d'euros).

Or, cette liste met surtout en évidence à quel point les nantis s'enrichissent à une vitesse qui laisse pantois: ainsi la fortune collective du «Top 1000», du Sunday Times, a triplé en dix ans. Par comparaison, le salaire moyen d'un ouvrier britannique a tout juste suivi l'inflation (environ 2,5 % par an), selon des données gouvernementales.

Le fossé se creuse

De l'autre côté de La Manche, on vient d'apprendre que la rémunération des dirigeants des sociétés du CAC 40 - l'indice repère de la Bourse de Paris - a atteint en moyenne 2,2 millions d'euros (3,4 millions CAN) en 2006.

Rien de très choquant en regard des salaires de certains dirigeants nord-américains. Sauf que les cinq patrons les plus choyés du CAC 40 ont eu droit à des hausses d'honoraires de 19 à 119 %.

Les syndicats français ont surtout mal digéré l'augmentation de 21 % accordée au PDG de BNP-Paribas, Baudoin Prot, alors que les employés de la banque n'ont obtenu aucune hausse de salaire l'an passé.

Sans surprise, l'écart entre riches et pauvres ne cesse aussi de croître aux États-Unis. Mais le fossé se creuse à une vitesse déconcertante.

Selon une nouvelle étude d'Emmanuel Saez, économiste à l'Université de Californie (elsa.berkeley.edu/~saez/), les privilégiés formant 1 % des Américains les plus riches ont vu leurs revenus augmenter de 14 % en 2005 (à 1,1 million US en moyenne). Alors que, cette même année, le revenu moyen de 90 % de la population diminuait de 0,6 % (après inflation).

Une révolte ?

Au pays de Bill Gates, Warren Buffett et autres milliardaires vénérés, la concentration de la richesse est une réalité généralement acceptée.

Sauf que le déséquilibre est devenu tel que la classe politique en a fait un enjeu en vue des élections présidentielles de 2008.

Le candidat à l'investiture démocrate John Edwards a déclenché une tempête, il y a dix jours, en déclarant qu'il envisageait de hausser les prélèvements fiscaux pour les personnes aisées. Il compte aussi revenir sur les réductions d'impôt accordées par le président George Bush.

Sa proposition lui a attiré les foudres des milieux d'affaires, et même de certains démocrates, qui craignent les conséquences économiques d'une fiscalité trop gourmande.

Malgré tout, certains fomentent une révolte. À l'initiative d'un autre aspirant démocrate, Barack Obama, le sénat américain étudie actuellement un projet de loi visant à accroître le pouvoir des actionnaires face à la rémunération des dirigeants d'entreprises. Le congrès a déjà donné le feu vert à cette mesure populaire.

Sans le vouloir, le département de la Justice a récemment attisé la colère de la population dans une étude montrant que les faillites chez les 55 ans et plus se multiplient aux États-Unis.

Ce segment de la population a enregistré 39 % des faillites personnelles en 2002, contre 27 % en 1994. Or, le problème s'aggraverait car l'endettement des ménages et les frais de santé ont augmenté depuis, notent les auteurs de l'enquête.

«Nos parents sont sans le sou, pendant que Wall Street s'enrichit () c'est honteux!», déplorait la semaine dernière une habituée du site web du réseau CNN.

Bref, la grogne s'installe un peu partout.

Le réputé économiste Jeffrey Sachs déclarait en janvier que la lutte contre la pauvreté vise à aider non seulement les démunis de la planète, mais elle «sécurisera» aussi les conditions des pays riches et de leurs citoyens. Ne rien faire, prévient-il, contribuera à accentuer «les crises» dans le monde.

Le débat sur la concentration de la richesse est donc relancé. Cependant, ses ramifications sont nombreuses, complexes et profondes, si bien qu'il risque durer longtemps. Au moins, les discussions s'annoncent enrichissantes pour tous.