Il est des budgets qui ont fait l'histoire. Celui de John Crosbie, qui a fait tomber le gouvernement Clark en 1979. Ceux de Michael Wilson avec l'introduction de ses surtaxes et de la TPS. Celui de Paul Martin en 1997, annonçant un retour à l'équilibre financier après des années de monstrueux déficits. On pourrait continuer la liste longtemps.

Il est des budgets qui ont fait l'histoire. Celui de John Crosbie, qui a fait tomber le gouvernement Clark en 1979. Ceux de Michael Wilson avec l'introduction de ses surtaxes et de la TPS. Celui de Paul Martin en 1997, annonçant un retour à l'équilibre financier après des années de monstrueux déficits. On pourrait continuer la liste longtemps.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que le budget déposé mardi par le ministre Jim Flaherty ne fera pas partie de ceux-là.

C'est un des plus ternes des 30 dernières années. Aucune mesure importante. Pas de mauvaises nouvelles. À part quelques bonbons, pas de bonnes non plus.

Le budget tranquille, réaliste et ordinaire d'un gouvernement qui vaque paisiblement à ses occupations.

Est-ce dire pour autant que c'est un mauvais budget?

Certainement pas.

Le ministre fera plaisir avec la création des comptes d'épargne libres d'impôt. À compter de 2009, tous ceux qui le désirent pourront déposer jusqu'à concurrence de 5000 $ par année dans un compte où le rendement (incluant les gains en capital) ne sera pas imposable.

Cette mesure met fin à un irritant pour des millions de petits épargnants qui doivent payer des impôts sur les maigres intérêts de leurs dépôts bancaires. Avec la magie des intérêts composés, la non-imposition des intérêts finit par faire une différence énorme.

Ainsi, un montant de 1000 $, rapportant 5% d'intérêt annuellement, vaudra 1854 $ dans 25 ans, selon le régime fiscal actuel. Si vous libérez les intérêts de l'impôt, votre 1000 $ vaudra 3382 $ au bout de la même période.

Le plus beau, c'est que ce clin d'oeil aux petits épargnants ne coûtera pratiquement rien au gouvernement 50 millions sur une année complète, montant qui sera en bonne partie récupéré par le biais de la TPS, lorsque les consommateurs retireront leurs épargnes pour dépenser.

Ce budget contient une autre excellente idée. Depuis plus de 10 ans, les cotisations d'assurance emploi sont largement supérieures aux prestations.

Les surplus sont directement comptabilisés dans les résultats financiers du gouvernement.

C'est ainsi que les plantureux surplus budgétaires des récentes années se sont faits en grande partie sur le dos des travailleurs et des employeurs, qui payaient leur assurance beaucoup trop cher.

Encore cette année, les cotisants paieront 2,1 milliards en trop. M. Flaherty met fin à l'arnaque. Il crée une société d'État indépendante pour gérer la caisse d'assurance emploi. Un nouveau mécanisme fixera les taux, de façon à ce que les revenus et les dépenses s'équilibrent.

Comme il fallait s'y attendre, 10,2 milliards, montant représentant la majeure partie de l'imposant surplus de 2007-08, sera canalisé vers le remboursement de la dette. On peut être pour ou contre ce choix financier.

Certains préféreraient peut-être que le gouvernement augmente davantage ses dépenses. N'empêche il faut se rappeler la situation financière pourrie du gouvernement, il y a à peine une douzaine d'années.

Avons-nous oublié que le Fonds monétaire international, à l'époque, a sommé Ottawa, deux fois plutôt qu'une, de mettre de l'ordre dans ses finances?

Avons-nous oublié cet éditorial dévastateur du Wall Street Journal, bible des milieux financiers américains, qui qualifiait le Canada de membre honoraire du tiers-monde?

Au pire de la crise, en 1996, la dette fédérale, résultat d'une longue série de déficits, s'élevait à 68% du Produit intérieur brut.

C'était le pire score des pays du G-7, après l'Italie, et le seul financement de cette dette obligeait le gouvernement à emprunter pour payer les intérêts.

Avec le remboursement de cette année, cette proportion passe sous le seuil des 30%, et le Canada est devenu le meilleur élève du G-7. Selon les projections très prudentes du ministère des Finances, la dette fédérale ne représentera plus que 27,5% du PIB dans deux ans. C'est un niveau très confortable.

Il faut enfin souligner l'avalanche de petits cadeaux saupoudrés un peu partout. Trouvez votre bonne cause, le buffet est ouvert autochtones, aînés, immigration, environnement, recherche scientifique, étudiants, régions éloignées, transports en commun, anciens combattants, et jusqu'à la promotion des produits bio!

En tout, plus de 70 nouvelles initiatives. Buffet varié, sans aucun doute, mais budget minceur en tout, ces 70 nouvelles mesures coûteront 5,9 milliards... sur trois ans (le budget annuel du gouvernement frise les 250 milliards).

S'il est une chose qu'on peut retenir de tout cela, c'est que le budget n'a rien de transcendant, mais obtient facilement la note de passage. Il n'y a certainement rien là, en tout cas, qui justifie de renverser un gouvernement.