Au Canada, la télévision spécialisée et payante est presque quatre fois plus rentable que la télévision généraliste des réseaux privés. C'était du moins le cas en 2006.

Au Canada, la télévision spécialisée et payante est presque quatre fois plus rentable que la télévision généraliste des réseaux privés. C'était du moins le cas en 2006.

Sur un volume d'affaires de 2,5 milliards de dollars, les propriétaires des chaînes spécialisées de la télévision canadienne (Astral, Corus, CanWest, CTVglobemedia, etc.) ont déclaré en 2006 un bénéfice d'exploitation (avant impôts et amortissement) de 627 millions.

Pendant la même période, les réseaux privés de la télévision généraliste (TVA, TQS, CTV, Global, etc.) rapportaient collectivement un bénéfice d'exploitation de 171 millions, sur un chiffre d'affaires de 2,2 milliards.

Par rapport à l'année 2005, la télévision privée conventionnelle voit ainsi son bénéfice d'exploitation fondre de 46,6 % alors que la télévision payante voit le sien grimper de 4,3 %.

Cette croissance de 4,3 % du bénéfice d'exploitation de la télé spécialisée et payante peut paraître fort modeste Détrompez-vous: elle fait suite à trois années de très forte croissance des bénéfices, voire 37 % en moyenne.

En analysant les données financières rapportées par le CRTC (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications) sur la télévision canadienne, on constate qu'au cours des trois dernières années, le volume d'affaires de la télévision spécialisée au Canada a progressé à un rythme annuel de 9,8 % alors que celui de la télévision privée conventionnelle tirait de la patte avec une faible croissance annuelle de 1,6 %.

Conséquence: non seulement la télévision spécialisée est-elle nettement plus rentable que la télévision conventionnelle, mais en ce qui concerne le chiffres d'affaires, la télévision spécialisée a réussi en 2006, pour la première fois de l'histoire du petit écran, à nettement devancer la télévision conventionnelle privée.

À la lumière de ces résultats financiers, on comprend mieux aujourd'hui pourquoi les propriétaires des réseaux privés de télévision (TVA, TQS, CTV, etc.) réclament du CRTC la possibilité d'accéder, à l'instar de la télévision spécialisée, aux redevances de la télédistribution (abonnements aux chaînes spécialisées).

Le CRTC a tenu des audiences à cette fin, l'automne dernier et rendra sa décision la semaine prochaine.

Les réseaux canadiens de télévision spécialisée et payante se sont partagé en 2006 la somme de 1,6 milliard de dollars au seul chapitre des revenus d'abonnement que les clients des télédistributeurs (Vidéotron, Shaw, Rogers, Cogeco, Bell ExpressVu, etc.) versent pour syntoniser les chaînes spécialisées.

Les revenus d'abonnement de la télédistribution (câble et satellite) représentent ainsi 64 % de l'ensemble des recettes des réseaux de canaux spécialisés. Le reste des revenus de la télévision spécialisée provient en gros de la vente de publicité, laquelle totalisait 882 millions en 2006.

Les propriétaires des réseaux privés de télévision conventionnelle sont tributaires pour leur part des revenus publicitaires. La vente de publicité locale et nationale leur a rapporté en 2006 presque 1,9 milliard de dollars. Cela représente 85,6 % de l'ensemble de leurs revenus.

Autre sujet d'inquiétude pour les réseaux privés de télévision conventionnelle : d'une année à l'autre, la télévision payante gruge une part de plus en plus importante de l'assiette des revenus publicitaires.

Pendant que la télévision conventionnelle voyait ses recettes publicitaires faire du surplace en 2006, la télévision spécialisée voit les siennes grimper de 14,8 %. Au cours des quatre dernières années, les réseaux de la télé spécialisée ont vu les recettes de la publicité locale augmenter de 40 % en moyenne par année et les recettes de la publicité nationale au rythme de 13,9 % l'an.

Pendant la même période, la télé privée conventionnelle voyait ses revenus de la publicité locale augmenter de façon anémique au rythme annuel de 1,8 % et les revenus de publicité nationale au rythme de 3,7 % l'an.

Par ailleurs, les grands adversaires de la télévision de Radio-Canada, dont les dirigeants de Quebecor Média et de Shaw Communications, souhaitent que le CRTC refuse d'acquiescer à la demande de la Société Radio-Canada d'accéder elle aussi aux redevances de la télédistribution, advenant que le CRTC acquiesce à la demande des réseaux privés.

En outre, les adversaires de Radio-Canada trouvent injuste que la société d'État puisse elle aussi accéder à l'assiette de la vente de publicité et au Fonds canadien de la télévision alors qu'elle recevait en 2006 une subvention d'un milliard de la part du gouvernement fédéral.

Côté recettes publicitaires, Radio-Canada (CBC et SRC) a encaissé en 2006 la somme de 97 millions de dollars. Convenons qu'il s'agit ici d'une somme modeste par rapport aux 2,8 milliards de recettes publicitaires que se partagent les réseaux canadiens de télévision privée.

À Télé-Québec, les recettes publicitaires sont sous la barre des 10 millions. Ce qui est marginal dans le marché publicitaire de la télévision. On comprend dès lors pourquoi les réseaux privés de la télévision n'osent pas attaquer Télé-Québec

Revenons aux entreprises du secteur de la télévision spécialisée et payante.

Selon un rapport de recherche de Carl Bayard, analyste chez Valeurs mobilières Desjardins, ce sont Astral et Corus Entertainment qui affichaient en 2006 le meilleur ratio bénéfice d'exploitation versus revenu.

Le bénéfice d'exploitation avant impôts et amortissement atteignait 35,7 % des revenus dans le cas d'Astral Média, de 37,4 % du côté de Corus Entertainment, de 24,9 % chez CTVglobemedia, de 19,2 % chez CanWest Global (incluant les réseaux de Alliance Atlantis) et de seulement 9,2 % pour les chaînes spécialisées du Groupe TVA.

La rentabilité de ce secteur du Groupe TVA devrait rebondir une fois que les nouvelles chaînes spécialisées du groupe (Prise 2, Mystère, Argent) seront sur leur lancée. Prenons LCN, le bénéfice d'exploitation s'élève déjà à 34,3 % des revenus, voire 6,8 millions sur des revenus de 19,7 millions.