Avec sa courte victoire, Jean Charest a obtenu ce qu'il désirait après avoir purgé 21 mois en minorité. Il tient seul le volant. Mais le chef libéral devra garder les deux mains dessus. Parce que la route qui se dresse devant le Québec, en ce début d'hiver, est hasardeuse.

Avec sa courte victoire, Jean Charest a obtenu ce qu'il désirait après avoir purgé 21 mois en minorité. Il tient seul le volant. Mais le chef libéral devra garder les deux mains dessus. Parce que la route qui se dresse devant le Québec, en ce début d'hiver, est hasardeuse.

Le premier ministre a trimé dur pour remporter cette bataille et faire oublier ses premières années où il «s'enfargeait» dans les fleurs du tapis. Mais il eu de la chance, à l'image de cette campagne où aucun enjeu n'a collé au fond de la poêle, à part peut-être les ennuis de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Les derniers chiffres sur le chômage auraient pu lui jouer un mauvais tour, à trois jours du scrutin. Mais, alors que l'Ontario voyait disparaître 66 000 emplois en novembre, le Québec a tiré son épingle du jeu en créant 2500 postes. Cette petite récolte était inespérée dans les circonstances.

Anomalie ou résistance d'une économie diversifiée qui a déjà accusé les pires coups? Jean Charest s'est appuyé sur le taux de chômage de 7,1% du Québec, un creux historique, pour se refuser même à échafauder un plan de sauvetage de l'économie, en entrevue au Soleil samedi. Si l'optimisme de Jean Charest est louable, cette remarque rappelle toutefois la nonchalance avec laquelle le premier ministre avait attaqué son premier mandat.

Le Québec est souvent comparé au village gaulois qui résiste à l'envahisseur romain. Mais il ne possède pas la potion magique du druide pour le protéger des malheurs de ses voisins, ses meilleurs clients. Le premier ministre devra être prêt à réagir rapidement, si l'économie du Québec se détériore.

Cela dit, malgré l'importance qu'on leur prête, les gouvernements n'ont pas beaucoup d'emprise sur la situation économique d'une juridiction ouverte sur le monde. La valeur du dollar, la santé des États-Unis ou encore le prix du pétrole, le Québec les subit.

Jean Charest s'est engagé dans cette campagne à accélérer les travaux d'infrastructures, qui étaient déjà substantiels. De 37 milliards, ils passeront à 41 milliards de dollars d'ici 2013. C'est l'une des meilleures façons d'amoindrir le choc d'une économie qui freine brusquement.

Mais ce n'est pas tout de rehausser les investissements publics. Encore faut-il s'assurer qu'ils soient menés rondement. Or, comme on le voit dans le dossier du Centre hospitalier universitaire de Montréal (CHUM), où les retards, modifications aux plans et dépassements de coûts se multiplient, le plus grand soin doit être apporté à l'exécution des travaux. Le gouvernement n'a pas le luxe d'être brouillon.

Il n'y a pas que l'emploi qui préoccupe, la Caisse de dépôt aussi. Jean Charest s'est dérobé aux questions en campagne électorale. Mais les ennuis de la Caisse vont bientôt revenir au visage de son gouvernement comme un boomerang. Si tous les investisseurs institutionnels souffrent de la déconfiture des marchés boursiers, les résultats de la Caisse s'annoncent catastrophiques. La Caisse a lourdement investi dans du papier commercial d'une qualité plus douteuse qu'il n'y paraissait au premier coup d'oeil. Elle s'est lancée dans des opérations de couverture qui ont tourné au vinaigre.

Ces pertes auront des conséquences concrètes pour ses déposants, comme la Société de l'assurance automobile du Québec, qui pourraient être forcés de hausser leurs primes et cotisations de façon significative.

Le premier ministre a cherché à se dégager de toute responsabilité. Il n'a pas géré lui-même les portefeuilles de la Caisse. Et puis, ce sont les déposants qui ont fixé leurs objectifs de rendement, leur tolérance au risque, etc.

La Caisse, on s'en rend maintenant compte, a pris quelques risques inconsidérés ces dernières années, sous la direction de Henri-Paul Rousseau et de Richard Guay. Or, le gouvernement a cautionné cette direction en approuvant la nomination de Richard Guay que lui a soumise le conseil de la Caisse.

Richard Guay, qui a prolongé hier son congé de maladie jusqu'en janvier, ne reprendra peut-être pas la direction de la Caisse. Mais Jean Charest, lui, devra vivre avec ce gâchis.