Le dépôt du rapport Bouchard-Taylor a tellement attiré l'attention que personne, ou à peu près, ne s'est aperçu qu'un autre rapport a été déposé cette semaine à Québec dans l'indifférence générale.

Le dépôt du rapport Bouchard-Taylor a tellement attiré l'attention que personne, ou à peu près, ne s'est aperçu qu'un autre rapport a été déposé cette semaine à Québec dans l'indifférence générale.

Pourtant, ce deuxième rapport aborde un sujet autrement plus important, il me semble, que les hidjabs et les kirpans.

En décembre 2006, le ministre du Développement économique, Raymond Bachand, a demandé au Conseil de la science et de la technologie de lui dresser un portrait détaillé des résultats obtenus par le Québec en matière de recherche, de science et d'innovation.

Dans un monde dominé par les nouvelles technologies, et où la concurrence internationale est plus féroce que jamais, il importe en effet de savoir dans quelle mesure les Québécois sont bien (ou mal) équipés dans le secteur crucial de la recherche scientifique.

Le Conseil a remis son rapport mardi. Le document de 184 pages pose un diagnostic sur le système d'innovation québécois, identifie plusieurs défis majeurs, et fournit de nombreux tableaux et graphiques qui permettent de mieux comprendre les enjeux.

Ce n'est pas la première fois que l'on s'intéresse à la question, mais le rapport du Conseil, par la rigueur de son approche et l'ampleur de sa recherche, constitue sans aucun doute une contribution majeure au dossier.

D'abord, quelques bonnes nouvelles. Le Québec a plusieurs atouts en main. Il possède une base scientifique de calibre international. Il a réussi avec succès la transition de l'économie industrielle à l'économie du savoir.

Il dispose de réseaux efficaces de valorisation et de transfert des résultats de la recherche. Il détient la plupart des éléments essentiels d'un système d'innovation capable de faire face à la concurrence internationale.

Le Conseil a retenu 18 indicateurs reconnus (dépenses de recherche et développement, nombre de chercheurs, aide fiscale à la recherche, exportations de haute technologie, nombre de brevets, etc.) pour s'apercevoir que, dans presque tous les cas, le Québec soutient très bien la comparaison avec le reste du Canada et la plupart des autres pays industrialisés.

Voilà pour le beau côté de la médaille.

Mais tout n'est pas que rose, au contraire. Les auteurs identifient aussi un certain nombre d'aspects qu'ils qualifient de «préoccupants». Le mot est faible. Trois signaux, entre autres, font figure de véritables feux rouges.

Première mauvaise nouvelle: l'effort du Québec en matière de recherche industrielle, même s'il demeure substantiel, n'avance plus. Pire: il recule.

Mesurée en pourcentage du produit intérieur brut (PIB), la recherche industrielle a atteint un sommet en 2001, avec 1,8%. En 2005, dernière année complète pour laquelle on dispose de statistiques, cette proportion avait décliné à 1,53%, après quatre années consécutives de recul.

Il s'agit d'un déclin de 15%. Pendant la même période, l'Ontario a augmenté ses dépenses de 4,3%, et le reste du Canada, de 7,3%. Résultat: le poids du Québec dans la recherche industrielle au Canada est à son plus bas niveau depuis 1994.

Si le Québec avait simplement maintenu son effort de recherche à son niveau de 2001, c'est 940 millions de plus qui y auraient été injectés.

Au début de la décennie, le gouvernement du Québec s'était donné comme objectif d'atteindre les 2% du PIB en 2010. À titre de comparaison, le Japon est à 2,54%, les États-Unis à 1,83%, les pays du G7 à 1,73%.

Or, compte tenu des résultats obtenus, il apparaît clairement que l'objectif de 2% ne sera jamais atteint à temps. Mais ce qui inquiète davantage le Conseil, c'est que plus cette trajectoire plongera vers le bas, plus il sera difficile de l'inverser.

Belle façon, en vérité, de se préparer aux défis de la mondialisation.

Deuxième mauvaise nouvelle: le Québec manque cruellement de chercheurs hautement qualifiés. En 2004, le secteur québécois de la recherche comptait 62 040 travailleurs.

De ce nombre, seulement 54,6% étaient de niveau professionnel, contre une moyenne canadienne de 60,2%. En Ontario, la chiffre correspondant est de 63,1%. À ce chapitre, le Québec arrive au huitième rang parmi les 10 provinces.

«Le Québec n'est pas à la hauteur», résument les auteurs. Certes, ce retard peut éventuellement être comblé par diverses mesures (formation continue, transferts d'expertises, optimisation des ressources), mais tout cela prend du temps et en attendant, l'écart continue de se creuser.

Enfin, le Conseil identifie deux autres problèmes, qu'il qualifie de «maillons faibles»: la commercialisation et l'exportation. Dans ces dossiers, il existe des «écarts négatifs significatifs» entre le Québec et l'Ontario.

Ainsi, 37% des entreprises québécoises effectuent régulièrement des études de marché, contre 49,4% en Ontario. Les entreprises ontariennes sont également mieux branchées sur leurs clients: 57% d'entre elles considèrent leur clientèle comme une source d'innovation. Au Québec, cette proportion n'atteint que 42,5%.

Ce que ces chiffres nous disent, c'est que le Québec, même s'il possède des atouts certains, est en train de se laisser dangereusement distancer dans un dossier hautement stratégique. Si rien n'est fait, nous risquons collectivement de payer fort cher dans quelques années.