La nouvelle est arrivée comme un choc, cette semaine: dès 2010, peut-être même plus tôt, l'Ontario, le riche Ontario, longtemps considéré comme la locomotive de l'économie canadienne, pourrait faire partie des provinces pauvres bénéficiaires du programme fédéral de péréquation!

La nouvelle est arrivée comme un choc, cette semaine: dès 2010, peut-être même plus tôt, l'Ontario, le riche Ontario, longtemps considéré comme la locomotive de l'économie canadienne, pourrait faire partie des provinces pauvres bénéficiaires du programme fédéral de péréquation!

C'est le service de recherche économique du groupe TD qui a lancé la nouvelle. La crédibilité de ce service, dirigé par Don Drummond, économiste brillant et homme d'une grande rigueur, est solidement établie.

L'émoi a été grand dans les médias torontois, où se mêlent amertume et angoisse. Amertume de constater, comme le Globe&Mail, que l'Ontario perd son «statut» de province nantie.

Et c'est avec une angoisse non dissimulée que le journal réclame que la province, cette fois, touche ce qui lui est dû. Il s'agit là d'une référence historique qui rappelle de mauvais souvenirs à bien des Ontariens: la dernière fois que la province a eu droit à des paiements de péréquation (c'était il y a 25 ans, juste avant la terrible récession de 1981-1982), le gouvernement fédéral a changé les règles du jeu, privant l'Ontario de centaines de millions de dollars.

Mais comment a-t-on pu en arriver là?

Il y a plusieurs années que l'économie ontarienne montre des signes de faiblesse. La province a durement été touchée par la hausse des prix de l'énergie, la force du dollar canadien et la concurrence étrangère, facteurs qui ont précipité la crise que l'on sait dans le secteur manufacturier, en particulier dans le secteur de l'automobile.

Avec le temps, presque imperceptiblement, la richesse relative des Ontariens s'est érodée. En 2002, le Produit intérieur brut (PIB) par habitant, en Ontario, dépassait de 7% la moyenne canadienne. L'an dernier, il se situait à 2% sous la moyenne. En cinq ans, la glissade est douloureuse.

Certes, l'économie ontarienne continue de progresser, en bonne partie parce que les emplois perdus dans le manufacturier sont compensés par des gains dans les services. Ainsi, toujours entre 2002 et 2007, le PIB per capita a progressé en moyenne de 3% par année, ce qui n'est pas mal.

Le problème, c'est que les provinces de l'Ouest avancent en moyenne de 5 à 8% par année, et Terre-Neuve encore plus vite. Autrement dit, l'Ontario (comme aussi le Québec) se laisse de plus en plus distancer par le reste du pays.

En fait, une des raisons pour lesquelles l'Ontario touchera de la péréquation, c'est que l'Alberta s'enrichit tellement vite que les calculs de la péréquation sont refaits en conséquence. La péréquation est calculée en fonction de la capacité fiscale des provinces.

Plus une province est riche, plus les contribuables paient des impôts, et cela permet à la province d'offrir de meilleurs services publics. La péréquation est une compensation versée par le fédéral aux provinces dont la capacité fiscale est moindre, ce qui permet à tous les Canadiens d'accéder, en principe, à des services publics de qualité comparable.

Lorsqu'une province devient beaucoup plus riche que la moyenne, cela affaiblit la capacité fiscale relative de toutes les autres, et c'est précisément ce qui arrive à l'Ontario.

On peut comprendre l'indignation des médias torontois. Le simple fait de toucher de la péréquation, surtout pour une province habituée à la prospérité, a quelque chose d'humiliant.

Peut-on pour autant en conclure que l'Ontario est devenu pauvre?

Pas vraiment.

L'Ontario, toutes proportions gardées, ne touchera pas beaucoup de péréquation. Selon les projections de M. Drummond, l'Ontario devrait toucher 400 millions au cours de l'exercice 2010-11, et 1,3 milliard l'année suivante.

Quatre cents millions, cela fait 31$ par habitant. À titre de comparaison, en 2008-2009, la péréquation atteint 642$ par habitant à Terre-Neuve, 1040$ au Québec, 1567$ en Nouvelle-Écosse, 1733$ au Manitoba, 2110$ au Nouveau-Brunswick et un sommet de 2315$ à l'Île-du-Prince-Édouard, la plus pauvre des provinces canadiennes. L'année suivante, lorsque l'Ontario recevra 1,3 milliard, cela fera à peine 100$ par habitant.

D'autre part, contrairement à une opinion largement répandue, la péréquation n'est pas une sorte de cagnotte où les provinces riches mettent de l'argent et où les provinces pauvres puisent selon leurs besoins. C'est un programme fédéral financé à même l'ensemble des recettes budgétaires fédérales.

Une province, surtout si elle reçoit peu de péréquation, peut très bien envoyer beaucoup plus d'argent à Ottawa qu'elle n'en reçoit. En 2005, dernière année pour laquelle on dispose de chiffres complets à ce chapitre, l'Ontario a envoyé à Ottawa 21 milliards de plus que ce qu'il a reçu en services et transferts du fédéral. Ce n'est certes pas là un pattern de province pauvre.