«Seuls ceux qui prennent le risque d'échouer de façon spectaculaire courent la chance de réussir brillamment.» - Robert F. Kennedy

«Seuls ceux qui prennent le risque d'échouer de façon spectaculaire courent la chance de réussir brillamment.» - Robert F. Kennedy

En abaissant drastiquement les taux américains la semaine dernière, le président de la Réserve fédérale, Ben Bernanke, a fait un pari à haut risque qui marquera sa carrière à tout jamais.

En voulant requinquer la plus grande économie mondiale, le grand argentier pourrait recréer les conditions de la prochaine bulle spéculative, craignent des experts.

Après tout, le boom immobilier et la crise des subprimes s'explique en grande partie par l'abondance du crédit.

L'argent a littéralement inondé les marchés après que la Fed d'Alan Greenspan eut baissé le taux directeur à 1% en 2003, dans le sillage de la récession provoquée en 2001 par l'éclatement de la précédente bulle, celle de l'internet.

Or, une nouvelle étude vient chiffrer l'étendue de la vague de crédit, un véritable tsunami de fric qui a soulevé toute l'économie mondiale.

George Magnus, conseiller économique pour le courtier européen UBS, a ainsi calculé le crédit généré dans les pays industrialisés pour chaque tranche de 1$US de croissance économique (ou 1$US de hausse du produit intérieur brut, ou PIB).

Durant les années 50, 60 et 70, la proportion est demeurée quasi inchangée, soit 1,50$US de crédit pour 1$US de croissance.

Pendant la frénésie des «leverage buy-out» des années 80, on a atteint du 3 pour 1, avant de redescendre quelque peu après le krach de 1987, selon d'autres indicateurs.

Or, la machine à crédit s'est emballée en 2007, soutient UBS. Le ratio crédit/croissance a alors atteint 4,50/1!

Autrement dit, pour chaque augmentation d'un dollar de l'économie, les banques, les prêteurs hypothécaires et les autres institutions financières ont prêté quatre fois et demi plus d'argent à tous ceux qui tendaient la main. On appelle ça un dérapage.

D'où le danger, après l'intervention de la Fed, de voir grandir «l'aléa moral» («moral hazard»), qui définit la situation où les investisseurs se savent protégés de leurs imprudences en sachant que les dégâts seront payés par d'autres.

M. Bernanke en est bien conscient. Mais en temps de crise, il n'y a pas de solution miracle. Il n'y a que des remèdes qui soulagent le mieux possible.

Surtout, l'inaction est inacceptable et il fallait «rétablir la confiance», plaidait la semaine dernière le prix Nobel d'économie (1997) Myron Scholes, lors d'une conférence à Paris.

Ben Bernanke est l'un des grands spécialistes qui ont étudié les causes et les effets de la Grande Dépression de 1929.

La Fed veut à tout prix éviter la chute d'une banque, la panique des investisseurs et peut-être un autre cauchemar économique.

Pour la Fed, la lutte contre le crédit à outrance et l'inflation, dont la vilaine tête est réapparue à la fin 2007, viendra plus tard.

Le pari italien

Parlant de pari risqué, l'Italie pourrait en faire tout un, en ramenant l'extravagant Silvio Berlusconi et ses forces de la droite aux commandes du pays.

Le premier ministre actuel, Romano Prodi, a remis sa démission jeudi après le désaveu sans surprise du Sénat, ouvrant la porte à des élections hâtives.

M. Berlusconi est en avance dans les sondages et il trépigne d'impatience de déloger la coalition de centre-gauche de Prodi.

Le milliardaire Berlusconi (sa fortune est évaluée à 10 milliards US), qui a été au pouvoir de 2001 à 2006, a pourtant essuyé deux récessions durant son règne et ce, en pleine période de croissance dans le reste de l'Europe.

Mais il faut reconnaître que les choses vont de mal en pis.

On apprenait jeudi que la confiance des Italiens a chuté en janvier à son plus bas niveau depuis août 2005.

De plus, la Banque d'Italie a récemment révisé à la baisse ses prévisions, qui passent d'une croissance de 1,7% à un très faible taux de 1%.

Les ventes de détail - responsables des deux tiers de l'économie italienne - ont aussi baissé en décembre pour un dixième mois d'affilée.

Mais la donnée la plus alarmante est celle-ci: selon la CNUCED, une instance économique de l'Organisation des Nations unies, les investissements étrangers en Italie - la sixième économie au monde - ont chuté de 28% en 2007.

Cela se compare à une hausse de 15% pour l'Union européenne et un bond de plus de 50% en France.

Le message est clair: le monde économique a perdu confiance en l'Italie.

La récente crise des ordures à Naples, médiatisée aux quatre coins de la planète, a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. La population veut un coup de barre, à tout prix. Comme la Fed, l'Italie s'apprête donc à jouer son va-tout.