En 2006, toutes les provinces canadiennes à l'exception de la Colombie-Britannique ont continué de se vider au profit de l'Alberta.

En 2006, toutes les provinces canadiennes à l'exception de la Colombie-Britannique ont continué de se vider au profit de l'Alberta.

C'est ce qu'indiquent les plus récentes données sur les migrations interprovinciales, publiées la semaine dernière par l'Institut de la statistique du Québec (ISQ).

L'évolution démographique d'une province dépend de trois facteurs:

- L'accroissement naturel, c'est-à-dire la différence entre les naissances et les décès; sur ce point, le Québec est sorti gagnant l'an dernier, avec 82 000 naissances contre 54 000 décès, ce qui donne un accroissement de 28 000 nouveaux petits Québécois.

- Le solde migratoire international; c'est le point fort du profil démographique québécois: l'an dernier, 45 000 immigrants se sont installés au Québec, pendant que seulement 7000 Québécois émigraient à l'extérieur. Le Québec a ainsi gagné 38 000 citoyens.

- Le solde migratoire interprovincial, enfin, demeure la grande faiblesse du Québec. En 2006, 39 000 Québécois ont quitté la province pour s'établir ailleurs au Canada, pendant que 27 000 Canadiens des autres provinces s'installaient ici, pour une perte de 12 000 citoyens.

Traditionnellement, le solde des migrations interprovinciales défavorise presque toujours le Québec. Le chiffre de 2006 est cependant anormalement élevé.

Quand on se regarde, on se désole; quand on se compare, on se console, dit l'adage. Dans le cas du Québec, c'est particulièrement vrai.

Ainsi, aussi élevées puissent-elles être, les pertes du Québec apparaissent comme tolérables à côté de la véritable hémorragie observée en Ontario. En 2006, pas moins de 104 000 Ontariens ont déménagé ailleurs au Canada, principalement en Alberta.

Certes, l'Ontario demeure la locomotive de l'économie canadienne, et il continue d'attirer beaucoup de citoyens des autres provinces: 70 000, toujours en 2006.

Le problème, c'est que les entrées ne compensent plus pour les sorties, et que la «locomotive» se retrouve avec un solde interprovincial déficitaire de 34 000, le chiffre le plus élevé jamais observé.

Jusqu'en 2001, l'Ontario profitait d'un solde migratoire interprovincial positif; au net, il a ainsi accueilli 71 000 nouveaux citoyens, uniquement entre 1997 et 2001. En revanche, depuis cinq ans, il en a perdu 59 000, dont plus de la moitié au cours de la seule année 2006.

Mais la pire saignée provient des autres provinces et territoires. Il n'est pas exagéré de parler ici d'exode.

Ainsi, l'activité économique générée par le vaste projet pétrolier d'Hibernia n'empêche pas les Terre-Neuviens de déserter leur île en masse. Au net, le solde migratoire interprovincial de la province accuse un déficit de 4100 citoyens l'an dernier.

Pour une province de 506 000 habitants, c'est une véritable catastrophe. Toutes proportions gardées, si le Québec perdait des citoyens au même rythme que Terre-Neuve, ce n'est pas une perte de 12 000 citoyens qu'il aurait subie en un an, mais de 62 000!

Pire: contrairement au Québec, Terre-Neuve n'est pas capable de compenser le trou du solde interprovincial par l'accroissement naturel ou l'immigration internationale.

Les Terre-Neuviens qui déménagent ailleurs au Canada sont surtout des jeunes, de sorte que la population vieillit à un rythme accéléré; les décès sont plus nombreux que les naissances. De plus, la province n'attire presque pas d'immigrants.

Ainsi, en 10 ans, au net, la population de Terre-Neuve a diminué de 42 000 personnes.

La situation n'est guère plus brillante dans les trois autres provinces de l'Atlantique; cette région perd 12 000 citoyens au profit du reste du Canada, autant que le Québec, même si ces provinces sont trois fois moins peuplées.

La saignée touche également de plein fouet le Manitoba et la Saskatchewan, qui perdent également 12 000 personnes ensemble.

Encore ici, compte tenu de leur poids démographique (deux millions d'habitants pour les deux provinces réunies), la tragédie est épouvantable.

Tous ces départs profitent essentiellement à l'Alberta, où le boom économique va de pair avec le boom démographique.

Ainsi, 131 000 Canadiens des autres provinces ont choisi, l'an dernier, de s'installer en Alberta, établissant de loin un nouveau record.

Pendant ce temps, seulement 68 000 Albertains quittaient la province, pour un sole positif de 63 000. Ce n'est pas tout: comme la vaste majorité de ces nouveaux arrivants sont jeunes, l'accroissement naturel est plus rapide.

Nous avons vu qu'au Québec, le nombre de naissances dépasse de 28 000 le nombre de décès.

En Alberta, le chiffre correspondant est de 23 000. Sauf que la population albertaine fait à peine 45% de la population québécoise. L'Alberta est également gagnante sur le plan de l'immigration internationale.

À tout prendre, la province a gagné 109 000 citoyens, presque l'équivalent d'une province comme l'Île-du-Prince-Édouard, en une seule année.

Bien sûr, on dira que c'est à cause du pétrole; c'est vrai, en grande partie. Mais les Québécois auraient pu faire pareil.

Depuis 40 ans, ils subventionnent la consommation de leur principale richesse, l'hydroélectricité.

Si les tarifs d'Hydro avaient reflété les prix du marché depuis 1962, les Québécois seraient collectivement plus riches, aujourd'hui, que les Albertains...