Les dirigeants des réseaux privés de télévision généraliste (TVA, TQS, CTV et Global) estiment qu'il est financièrement vital pour eux d'accéder aux redevances de la télédistribution et ce, au même titre que les propriétaires des réseaux de télévision spécialisée et payante.

Les dirigeants des réseaux privés de télévision généraliste (TVA, TQS, CTV et Global) estiment qu'il est financièrement vital pour eux d'accéder aux redevances de la télédistribution et ce, au même titre que les propriétaires des réseaux de télévision spécialisée et payante.

Les généralistes ne sont pas dans la dèche, loin de là. Mais ils envient la rentabilité de la télé spécialisée Il faut dire que les chiffres récoltés par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications (CRTC) parlent d'eux-mêmes.

Sur des revenus de 2,2 milliards, la télévision conventionnelle privée a rapporté en 2005 à ses conglomérats canadiens des bénéfices d'exploitation (avant intérêts et impôts) de 242 millions.

Pendant ce temps-là, la télévision spécialisée, payante et à la carte, encaissait elle aussi des revenus de 2,2 milliards mais deux fois plus de profits, soit 550 millions à l'échelle du pays.

Après deux semaines d'audiences publiques sur la demande d'argent des réseaux généralistes (y compris Radio-Canada), 57 témoignages et une centaine de mémoires, les membres du CRTC sont maintenant inondés de propositions au sujet de l'imposition (ou pas) aux abonnés du câble et du satellite d'un tarif d'abonnement aux télévisions généralistes.

Si le CRTC se cherche une solution intelligente et équitable pour venir au secours des télévisions généralistes, je l'invite à opter pour la proposition que l'équipe de la ministre de la Culture et des Communications, Line Beauchamp, lui a faite.

Mais avant d'en dire davantage sur cette proposition, rappelons quelques solutions avancées par une brochette de "gros joueurs" dans le merveilleux monde de la télévision canadienne.

Quebecor Média, propriétaire de TVA et Vidéotron, suggère de puiser des frais d'abonnement pour les chaînes généralistes privées à même les redevances que les télédistributeurs versent actuellement aux lucratives chaînes de télévision spécialisée et payante.

Cogeco et sa filiale TQS proposent au CRTC l'imposition de frais d'abonnement de 1$ par mois par abonné pour chaque réseau francophone privé, soit TVA et TQS. Cela représente une ponction de plus de 60 millions par année dans les poches des téléspectateurs.

Radio-Canada réclame aussi l'accès aux frais d'abonnement pour les télévisions généralistes. On trouve anormal que les abonnés du câble et du satellite n'aient pas à verser un cent pour les chaînes conventionnelles.

Notons que les dirigeants de chaînes privées s'opposent farouchement au versement d'une quelconque redevance à la télévision généraliste de Radio-Canada.

Ils estiment que la société d'État jouit déjà d'une position privilégiée en recevant plus de 900 millions d'aide fédérale par année. Cogeco a calculé que la subvention fédérale à Radio-Canada/CBC représentait l'équivalent d'une redevance mensuelle de 7,86$ par abonné du câble ou du satellite. Télé-Québec se retrouve également sur la liste noire des généralistes.

Pendant que les deux câblodistributeurs québécois (Quebecor Média et Cogeco) réclament l'accès aux redevances pour leurs réseaux de télévision généraliste, les autres télédistributeurs canadiens s'y opposent farouchement.

Ainsi Rogers Communications, Shaw Communications (Star Choice) et Bell Canada (Bell Express Vu) ont soutenu qu'une augmentation de la facture du câble ou du satellite liée à la perception éventuelle de redevances par les chaînes généralistes leur ferait perdre un nombre important d'abonnés.

Et quelle est la position des propriétaires de chaînes spécialisées, telle la société Astral, la compagnie la plus rentable de l'industrie télévisuelle ?

Dans son mémoire, Astral met en garde le CRTC contre toute mesure qui viserait à dépouiller les services de télévision spécialisée et payante pour mieux enrichir les télédiffuseurs généralistes.

Autrement dit, Astral ne veut absolument pas que le CRTC puise, comme le suggère Pierre Karl Péladeau, dans les redevances de la télé spécialisée pour augmenter la rentabilité des télévisions généralistes privées.

Astral rappelle au CRTC que quatre des cinq principaux diffuseurs généralistes privés (TVA, TQS, CTV et bientôt CHUM) ont des liens de propriété avec des entreprises de télédistribution (câblodistribution et satellite).

En permettant de puiser dans les redevances des télés spécialisées pour les transférer aux télés généralistes privées, le CRTC se ferait le complice d'un transfert de fonds entre sociétés affiliées (TVA et Quebecor Média, TQS et Cogeco, etc.).

Cela étant dit, afin d'éviter toute situation de conflit d'intérêts ou d'iniquité entre les télévisions généralistes et les télévisions spécialisées, le CRTC devrait retenir la proposition du ministère de la Culture et des Communications du Québec.

Les spécialistes de la ministre Line Beauchamp recommandent dans le rapport remis au CRTC (mais non défendu lors des audiences publiques) de ne pas autoriser un tarif d'abonnement pour les chaînes traditionnelles de télévision.

"Introduire une telle mesure au moment où le CRTC vient à peine de commencer à rééquilibrer les forces en présence, en enlevant certaines protections réglementaires aux canaux spécialisés et payants risque, à notre avis, de conduire à plus ou moins long terme à un autre déséquilibre, cette fois-ci en faveur des télévisions généralistes."

La ministre Beauchamp recommande plutôt de rehausser le pourcentage de contribution des télédistributeurs au Fonds canadien de télévision (FCT), qui est destiné au financement des émissions canadiennes de télévision. Tous les télédiffuseurs, privés comme publics, ont accès à ces ressources financières.

Sur des revenus de 6,1 milliards de dollars, les télédistributeurs, selon le CRTC, ont versé en 2005 la somme de 152 millions à des fonds de production d'émissions canadiennes, dont 122 millions au Fonds canadien de la télévision et 30 millions à des fonds privés. Les télédistributeurs ont également injectés la somme de 89 millions dans leurs canaux communautaires.

En 2005, les télédistributeurs canadiens ont collectivement déclaré près d'un milliard de dollars à titre de bénéfices d'exploitation.