La cohorte des baby-boomers occupe toutes les " bonnes grosses jobs syndiquées ", et il ne reste plus rien pour les jeunes, qui doivent survivre d'emplois précaires et d'expédients en attendant que les gras durs libèrent les bonnes places.

La cohorte des baby-boomers occupe toutes les " bonnes grosses jobs syndiquées ", et il ne reste plus rien pour les jeunes, qui doivent survivre d'emplois précaires et d'expédients en attendant que les gras durs libèrent les bonnes places.

Voilà une opinion largement répandue au Québec depuis quelques années.

Eh bien! non, pas du tout! Cette opinion n'est en fait qu'une impression qui ne repose sur aucun fondement solide.

Voici plutôt la réalité: entre 1997 et 2005, donc sur une période de huit ans, l'économie québécoise a créé 522 000 emplois.

De ce nombre, 181 000 sont des emplois syndiqués.

Les jeunes de 15 à 29 ans forment 28 % de la main-d'oeuvre québécoise, syndiquée ou non.

Pourtant, sur les 181 000 nouveaux emplois syndiqués, ils en ont décroché 85 100, presque la moitié. Les 30 ans et plus, qui comptent pour 72 % de la main-d'oeuvre, doivent se contenter des 95 900 emplois qui restent.

Il en résulte un rajeunissement marqué des effectifs syndiqués. En 1997, le groupe des 15 à 29 ans occupait 16,5 % des emplois syndiqués au Québec. L'an dernier, cette proportion atteignait 20,8 %.

Autre conséquence: le taux de couverture syndicale augmente chez les jeunes tandis qu'il diminue chez les travailleurs plus âgés, de sorte que l'écart entre les deux se rétrécit. En 1997, 48 % des travailleurs de 30 ans et plus appartenaient à un syndicat. Huit ans plus tard, cette proportion était tombée à 44 %. Pendant la même période, le taux de syndicalisation chez les 15 à 29 ans passait de 25 à 27 %. La progression la plus rapide a été observée chez les 25 à 29 ans, où les chiffres correspondants sont de 33 et 38 %.

En huit ans, ce groupe a réussi à réduire l'écart avec ses aînés de neuf points de pourcentage, ce qui est énorme.

Ces chiffres, et on pourrait en citer d'autres, sont extraits d'une étude réalisée par le chercheur Luc Cloutier, publiée dans la dernière livraison de Flash-info travail et rémunération, une revue spécialisée de l'Institut de la statistique du Québec (1). Ils montrent clairement que, contrairement à un préjugé abondamment véhiculé, la situation des jeunes sur le marché du travail s'améliore.

Parce que le lien entre la couverture syndicale et la qualité des conditions de travail est évident. Certes, on trouvera toujours des emplois bas de gamme syndiqués, et des entreprises non syndiquées offrant d'excellentes conditions de travail. Mais si on fait la moyenne, il est clair qu'en augmentant leur taux de syndicalisation, les jeunes améliorent en même temps leurs conditions de travail.

Les travaux de M. Cloutier contiennent d'ailleurs des données convaincantes à ce sujet. Ainsi, la rémunération horaire médiane chez les 15 à 29 ans se situe à 10 $ chez les non syndiqués, contre 15,74 $ chez les syndiqués. Pour ce qui est de la rémunération hebdomadaire, les chiffres correspondants sont de 350 $ et 560 $. Autrement dit, le jeune travailleur syndiqué peut espérer aller chercher jusqu'à 60 % de plus que son collègue non syndiqué. Au bout d'un an, cela fait près de 11 000 $ de plus (avant impôts) pour épargner ou dépenser!

Et nous ne parlons ici que de salaire. Les entreprises syndiquées offrent généralement une panoplie d'avantages sociaux (caisse de retraite, assurances collectives, congés de toutes sortes) qui contribuent à améliorer davantage les conditions de travail de leurs employés.

Si les jeunes augmentent rapidement leur taux de syndicalisation, c'est en bonne partie parce que le secteur de la santé et des services sociaux compte à lui seul pour 25 % des emplois créés pendant la période étudiée. Il s'agit d'un secteur où la présence de l'État est massivement dominante, et où la couverture syndicale est évidemment très étendue.

La construction, où la couverture syndicale est également très élevée, compte de son côté pour 20 % des nouveaux emplois. En fait, en 2005, la construction est devenue le secteur le plus syndiqué chez les jeunes, avec un taux de syndicalisation de 63 %.

Enfin, l'étude confirme, comme beaucoup d'autres avant, à quel point les décrocheurs scolaires se tirent dans le pied. Malgré toutes les fables véhiculées répandues autour du " chômeur instruit ", celui-ci demeure un mythe.

Voyons plutôt: entre 1997 et 2005, le taux de syndicalisation chez les jeunes ayant terminé leur secondaire (ou moins) est resté inchangé, à 24 %. Chez ceux qui ont complété des études postsecondaires, le taux est passé de 25 à 31 %. Enfin, chez les diplômés universitaires, le taux de couverture syndicale grimpe de 31 à 38 %.

En 2005, le taux de syndicalisation pour l'ensemble de la main-d'oeuvre québécoise était de 40 %. Les jeunes diplômés frisent déjà ce niveau avant même d'atteindre la trentaine. Le message est clair: les meilleurs emplois vont à ceux qui persévèrent dans leurs études, et cela sera de plus en plus vrai avec les années.