Le souvenir est moins vif aujourd'hui, mais ceux qui l'ont vécu se rappellent à quel point les débats étaient houleux à la fin des années 80, alors que le Canada négociait la libéralisation de ses échanges commerciaux avec les États-Unis.

Le souvenir est moins vif aujourd'hui, mais ceux qui l'ont vécu se rappellent à quel point les débats étaient houleux à la fin des années 80, alors que le Canada négociait la libéralisation de ses échanges commerciaux avec les États-Unis.

Dans une étude publiée en début de semaine, la Banque Royale nous rafraîchit la mémoire. L'institution financière revient sur les principales craintes soulevées par les signatures successives de l'accord de libre-échange avec les États-Unis en 1989 et de l'ALENA cinq ans plus tard.

Les peurs étaient nombreuses et tout à fait compréhensibles. Elles allaient de la délocalisation des activités de production, en passant par la disparition massive des emplois, la contraction de nos exportations, jusqu'au tarissement des investissements étrangers.

Graphiques à l'appui, les économistes de la banque torontoise démontrent que ces craintes ne se sont pas matérialisées. Cela ne s'est évidemment pas passé sans heurt mais, dans l'ensemble soutiennent-ils, l'ajustement de notre économie à l'ouverture des marchés a été exemplaire.

Les mêmes craintes refont surface aujourd'hui avec la montée fulgurante des pays asiatiques.

L'entrée de la Chine au sein de l'Organisation mondiale du commerce en 2001 a eu l'effet d'un véritable rouleau compresseur sur les secteurs intensifs en main-d'oeuvre.

Le textile, le meuble en sont des exemples. Selon une récente étude de Secor, ce ne serait que la première vague. Aucun secteur ne sera à l'abri. Malgré les peurs légitimes que ces prévisions suscitent, la Banque Royale soutient que le recours au protectionnisme n'est pas la solution. Elle a raison. Un pays ouvert comme le Canada, n'a pas intérêt à ériger des barrières pour protéger ses marchés.

La Chine est devenue un incontournable et il faut dorénavant inclure ce géant dans toutes stratégies d'entreprises qui se respectent. L'innovation et le développement de niches sont parmi les solutions à adopter. Mais il faut aussi passer à l'offensive et cibler le marché chinois. La classe moyenne chinoise représente déjà 200 millions de consommateurs potentiels. C'est six fois le marché canadien!

De toute évidence, les Canadiens n'ont pas encore saisi le potentiel incroyable que représente la Chine. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. En 2005, les Chinois ont exporté pour 29,5 milliards de dollars de bien au Canada, une hausse de 22,4% par rapport à l'année précédente. Pour les huit premiers mois de l'année en cours, les exportations chinoises atteignent déjà 21,7 milliards de dollars, soit 18,5% de plus que pour les huit premiers mois de 2005.

À l'inverse, les exportations canadiennes en Chine n'ont été que de 7,1 milliards de dollars en 2005, un gain de 6,3% par rapport à 2004. Pour les huit premiers mois de 2006, c'est de baisse dont on parle. Nos exportations vers l'empire du Milieu n'atteignent que 4,6 milliards de dollars, 3,6% de moins que pour la période correspondante en 2005.

Déjà que la présence canadienne en Chine est beaucoup trop timide, on ne peut pas se permettre en plus de perdre du terrain. Là-dessus, le gouvernement Harper est en partie responsable. Alors que Paul Martin avait fait du commerce avec la Chine une des priorités de son gouvernement, on ne sait toujours rien de la politique qu'entend suivre les Conservateurs à l'égard de la République populaire.

C'est peut-être en train de changer. Dans un discours prononcé le 27 octobre dernier à Vancouver, dans le cadre du sommet Asie-Pacifique, le ministre du Commerce international a reconnu la piètre performance canadienne sur les marchés asiatiques. "L'essor de l'Asie constitue un virage majeur, et nous ne sommes pas passés de la parole aux actes, ni n'avons bénéficié des avantages de l'Asie. Il nous faut rattraper le temps perdu" a déclaré David Emerson.

Ottawa a ainsi l'intention d'augmenter le nombre de délégués commerciaux en Asie afin d'aider les entreprises canadiennes. Il est temps qu'on y voie. L'ouverture de nouvelles délégations est un passage obligé dans l'établissement d'une stratégie commerciale crédible.

Le gouvernement conservateur semble enfin se réveiller à l'importance de relever le défi chinois. On aura une bonne occasion de constater si cette apparente bonne volonté se traduira dans les faits, lors du sommet de l'APEC, le forum de coopération Asie-Pacifique, qui se tiendra à la fin du mois au Vietnam. Le premier ministre Harper et les ministres MacKay et Emerson seront de la délégation canadienne. Il est à espérer qu'ils feront plus que de la figuration.

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