Les Américains continuent de dépenser: la consommation aux États-Unis a grimpé de 1% en mai, soit deux fois plus que prévu, apprenait-on jeudi. Bonne nouvelle pour l'économie. Mais cette embellie risque d'être de courte durée, car les ménages s'endettent à un rythme effarant.

Les Américains continuent de dépenser: la consommation aux États-Unis a grimpé de 1% en mai, soit deux fois plus que prévu, apprenait-on jeudi. Bonne nouvelle pour l'économie. Mais cette embellie risque d'être de courte durée, car les ménages s'endettent à un rythme effarant.

Meetup.com, un site web qui organise des rencontres pour les Américains qui éprouvent des difficultés de tout ordre, compte actuellement 138 groupes de personnes qui se réunissent régulièrement pour parler de leurs dettes. C'est plus de cinq fois le nombre (24) d'il y a un an, rapporte le Wall Street Journal dans un numéro récent.

Debtors Anonymous, un organisme cousin des "AA" (Alcooliques anonymes), affirme pour sa part que les demandes d'aide en Californie et en Arizona, deux régions durement touchées par la crise immobilière, sont en forte hausse.

Une église baptiste du Deep South a senti le besoin d'agir: elle a envoyé des fidèles un peu partout au pays pour inciter ses prédicateurs à organiser des groupes de soutien aux endettés.

Certes, les thérapies collectives pour les personnes incapables de gérer leur budget ne sont pas nouvelles. Mais leur popularité croissante témoigne d'un phénomène inquiétant.

«Charge it»

Malgré la crise du crédit, les Américains s'endettent de plus en plus. Au premier trimestre, ils ont utilisé 14,3% de leur revenu disponible (revenu après impôt) pour rembourser ne serait-ce qu'une petite tranche de leurs dettes. On frôle un record historique (14,5% en 2006), et cela constitue une hausse marquée par rapport au taux de 12,3% enregistré en 2000, révèle un rapport de la Réserve fédérale (Fed).

Pourtant, la crise du crédit a obligé les banques à resserrer les conditions des prêts hypothécaires alors qu'elles ont saisi plus de deux millions de maisons en un an aux États-Unis. Le marché de la revente est en panne. Mais les Américains vont s'abreuver à d'autres sources: les cartes de crédit, principalement.

On utilise de plus en plus l'«argent en plastique» pour financer son train de vie ou, tout simplement, pour payer les biens essentiels comme la nourriture, déplorent ces temps-ci des organismes pour la défense des consommateurs. D'ailleurs, les chiffres officiels sont éloquents à cet égard.

Le mois dernier, la Fed révélait que le solde cumulatif des cartes de crédit aux États-Unis a grimpé de près de 7% (à 957 milliards de dollars) au premier trimestre. Et cela même si, de l'aveu de la Fed, les banques sont plus frileuses lorsque vient le temps de délivrer de nouvelles cartes. Autrement dit, ceux qui ont des cartes en extraient tout le jus.

Or, avec l'économie qui ralentit, le chômage qui grimpe et l'avoir net des ménages qui fond à mesure que le prix des maison diminue, beaucoup ont du mal à rembourser leurs dettes.

Selon l'Association américaine des banquiers, le taux de délinquance sur les cartes de crédit a atteint 4,5% au dernier trimestre de 2007, comparativement à 3,54% un an plus tôt. Et, dans un récent entretien avec le réseau CNN, l'organisme a dit s'attendre à ce que le problème s'aggrave.

Poussée éphémère

Entre-temps, beaucoup se réjouissaient jeudi en apprenant que les ventes au détail ont grimpé de 1% aux États-Unis en mai. Le consommateur n'est pas mort, a-t-on répété à Wall Street.

Cependant, Sal Guatieri, économiste principal à Marchés des capitaux BMO, souligne que ce bond découle en partie du soutien financier que Washington a accordé aux consommateurs. Le gouvernement américain, faut-il le rappeler, a entrepris de distribuer 150 milliards de dollars en remboursement d'impôt aux foyers à bas et moyen revenu afin d'encourager la consommation, principal moteur de l'économie.

Mais on peut s'interroger sur la portée de ce geste. Selon un sondage de la National Retail Association, le lobby des commerçants américains, moins de la moitié (41%) de ces sommes serviront à des achats; 28% iront au remboursement des dettes, le reste étant épargné. En somme, Washington a peut-être donné beaucoup d'argent pour en retirer un impact limité.

Avant que la tornade des subprimes ne s'abatte sur les États-Unis, les Américains ont pu assouvir leur énorme envie de consommer en pratiquant «l'extraction hypothécaire», technique qui, entre 2004 et 2006, a permis aux propriétaires d'obtenir 800 milliards de liquidités en refinançant leur maison.

Cette période est bel et bien terminée. Pourtant, les dettes continuent de s'empiler.

Bref, le dernier élan de consommation aux États-Unis risque d'être de courte durée, à moins que l'économie et, surtout, la création d'emplois se redressent.

Et le plus tôt sera le mieux.