Vendredi, 17h. C'est l'ultimatum qui a été fixé par la firme new-yorkaise Alvarez&Marsal, chargée de vendre Maax.

Vendredi, 17h. C'est l'ultimatum qui a été fixé par la firme new-yorkaise Alvarez&Marsal, chargée de vendre Maax.

Les entreprises et investisseurs intéressés à racheter ce fabricant québécois de baignoires n'ont donc plus que deux jours pour déposer une offre d'achat en bonne et due forme.

La famille de Placide Poulin, fondateur de Maax, sera vraisemblablement sur les rangs, même si elle refuse de confirmer son intérêt de façon officielle, de crainte de dévoiler son jeu.

Le Groupe Camada, holding d'investissement de la famille Poulin, a signé une entente de confidentialité pour jeter un coup d'oeil aux livres de Maax, une entreprise à capital fermé depuis sa vente à des fonds d'investissement privé en 2004.

«Il nous reste quelques fils à attacher avec nos partenaires financiers, mais les choses progressent bien», dit David Poulin, ancien vice-président exploitation de Maax, aujourd'hui vice-président de Camada.

Si les trois enfants de Placide Poulin, Catherine, Marie-France et David (d'où le nom Camada), n'étaient pas prêts à prendre la relève de leur père il y a cinq ans, une occasion inespérée se présente aujourd'hui avec les déboires de Maax, grièvement endettée.

Avec 55% de son capital, l'actionnaire de contrôle de Maax, J.W. Childs Associates, de Boston, s'est résigné à mettre l'entreprise en vente à la suite des pressions exercées par ses créanciers.

L'intérêt de la famille Poulin pour l'ancienne entreprise beauceronne coule de source. Avec ses soeurs, David Poulin s'apprête à lancer Kalia, un concepteur et distributeur de produits de robinetterie haut de gamme pour la salle de bains et la cuisine.

Mais ce n'est qu'un des créneaux visés par Kalia, qui lancera ses activités en août de son siège social de Sainte-Marie, en Beauce, ville de naissance de Maax.

«Nous voulons être un guichet unique pour les produits de salles de bains», dit David Poulin, âgé de 42 ans.

Clairement, donc, les enfants Poulin avaient déjà l'intention de revenir dans l'industrie des baignoires et des douches. Mais une entente de non-concurrence conclue lors de la vente de Maax empêche la famille Poulin d'oeuvrer dans ce créneau avant juin 2009.

«(L'achat de Maax), cela nous permettrait de gagner du temps», observe David Poulin, président de Kalia.

La famille Poulin, qui a cédé le contrôle de Maax au terme d'une transaction de 640 millions, peut espérer racheter l'entreprise fondée en 1969 à vil prix.

Le ralentissement dans la construction, qui est particulièrement marqué aux États-Unis, le principal marché d'exportation de Maax, s'accompagne d'une appréciation du dollar et d'une hausse du prix des matières premières. Aussi, les perspectives n'ont jamais paru aussi sombres pour un fabricant de baignoires et de spas.

Tellement, d'ailleurs, que la firme Alvarez&Marshal a écarté la division spas du processus de vente. Cette unité d'affaires a connu un recul de 26% de ses ventes au cours des neuf premiers mois de l'année financière 2008 (terminée fin février) par rapport à la période équivalente de l'exercice 2007.

Avec une économie au bord de la récession et le prix des maisons qui se dégonfle comme un ballon, les Américains n'ont plus la tête à trinquer au champagne dans un bain extérieur à remous.

En dépit des mesures prises par les nouveaux propriétaires, dont la fermeture et la réorganisation d'usines qui ont réduit l'effectif de 3800 à 2300 employés, Maax n'a pas réussi à contenir ses difficultés.

Sa perte nette pour les trois premiers trimestres de 2008 s'est élevée à 103 millions US sur des revenus de 326 millions US. Quant à sa dette, elle s'élevait à 619 millions US au 30 novembre dernier, dont 568 millions US avec une échéance à court terme. Ouf!

Brookfield Bridge Lending Fund, division de Brookfield Asset Management, de Toronto, est le principal créancier de Maax. Le fabricant de baignoires lui doit près de 250 millions de dollars. À ce titre, c'est Brookfield qui aura le fin mot de l'histoire.

«Si elle juge l'offre insuffisante, Brookfield pourrait convertir sa créance en capital-actions», explique David Poulin.

Le responsable du dossier Maax chez Alvarez&Marsal s'est refusé à tout commentaire. Il est toutefois acquis qu'une transaction de vente doit être conclue avant le 12 juin.

Au final, il ne restera pas grand-chose pour les actionnaires de Maax. Outre J.W. Childs, on y trouve la caisse de retraite des employés municipaux de l'Ontario ou OMERS (avec 20%), le fonds d'investissement américain Perseis (20%) et la direction de Maax (5%). Ces actionnaires ont toutefois couru après.

Ils s'en sont mis plein les poches en endettant l'entreprise au moment où le crédit était facilement accessible. C'est ainsi que les proprios de Maax se sont versé un généreux dividende de 110 millions US peu après avoir acheté le fabricant de baignoires.

Comme des vampires, ils ont vidé l'entreprise de son sang au moment où Maax aurait eu besoin de toutes ses forces pour faire face au ralentissement dans la construction.

Les fonds d'investissement privé affectionnent ce tour de passe-passe, appelé dividend recap en anglais. Mais l'agence de notation de crédit Moody's regarde maintenant d'un oeil beaucoup plus sévère cette manoeuvre, qu'elle qualifie d'«agressive».

D'après une étude de Moody's, les trois firmes qui y ont eu le plus recours entre 2002 et 2007 sont Welsh Carson Anderson&Stowe, Cerberus et Providence Equity Partners. En comparaison, KKR, Blackstone et Bain Capital étaient beaucoup moins rapaces.

Dans le cas de Maax, la cupidité des fonds d'investissement privé pourrait ironiquement servir les intérêts de la famille Poulin. En quelque sorte, c'est comme si le Québec leur rendait la monnaie de la pièce.