Il y a eu les 100 000 emplois de Robert Bourassa, qui ont dominé la campagne électorale de 1970. Plus près de nous, au fédéral, il y a eu la campagne de 1988, qui s'est rapidement transformée en véritable référendum sur le projet de libre-échange de Brian Mulroney.

Il y a eu les 100 000 emplois de Robert Bourassa, qui ont dominé la campagne électorale de 1970. Plus près de nous, au fédéral, il y a eu la campagne de 1988, qui s'est rapidement transformée en véritable référendum sur le projet de libre-échange de Brian Mulroney.

Ce sont là des exceptions.

De façon générale, les questions économiques et financières sont largement absentes des débats électoraux. Ce n'est certainement pas le cas cette fois-ci. Après six jours de campagne, on a l'impression qu'il n'y en a que pour l'économie.

C'est normal. L'irresponsa-bilité des prêteurs hypothécaires américains a plongé la planète entière dans la pire crise économique et financière depuis la Grande Dépression. Certes, la crise frappe d'abord les États-Unis, mais comme les institutions financières américaines ont refilé leurs titres hypothécaires contaminés partout à travers le monde, personne n'y échappe. D'autre part, le Québec exporte une importante partie de sa production aux États-Unis, et toute mauvaise nouvelle économique au sud de la frontière a forcément des répercussions ici.

On comprend le premier ministre Jean Charest de profiter de ces conditions pour demander un mandat majoritaire afin, dit-il, de mieux affronter la tempête.

Depuis le début de la campagne, les trois grands partis multiplient les projets d'intervention pour sauver le Québec de la crise appréhendée. Tous partis confondus, le catalogue des bonnes intentions est impressionnant: allocations aux familles, aide aux propriétaires de maisons (ADQ), fonds d'investissement stratégique, aide aux emprunteurs hypothécaires (PQ), baisses d'impôts, vaste programme d'infrastructures, prêts et garanties de prêts aux entreprises (PLQ), et on pourrait continuer la liste longtemps.

À des degrés divers, toutes ces mesures peuvent contribuer à faire tourner la roue de l'économie en cas de ralentissement, mais elles ne suffiront pas à maîtriser la tempête... si tempête il y a.

L'emprise des administrations publiques sur l'économie est limitée. Le gouvernement du Québec, majoritaire ou minoritaire, n'a aucun pouvoir sur la conjoncture économique internationale, les prix des ressources, les fluctuations des taux de change, l'état de santé de l'économie américaine, l'émergence de nouveaux concurrents, les taux d'intérêt, les marchés boursiers.

Cela ne veut pas dire qu'il a les mains liées. Le gouvernement peut apporter une aide financière ponctuelle aux consommateurs et aux entreprises (c'est dans ce sens que vont les promesses que nous venons de voir); il peut aussi encourager l'innovation industrielle, la prospection de nouveaux marchés, la recherche scientifique, le développement technologique.

Il peut aussi, par ses politiques fiscales, sociales ou budgétaires, créer un climat plus favorable à l'investissement. Or, il se trouve que tous les partis émettent des propositions en ce sens, à un point tel que sur ces questions, leurs programmes sont interchangeables à quelques nuances près.

D'autre part, il est loin d'être certain que le Québec sera frappé de plein fouet par la tempête.

La semaine dernière, la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, a fait valoir que le Québec est actuellement en bonne santé économique. Elle a raison.

Le chômage, à 7,2%, est à son plus bas niveau en 30 ans. Depuis six ans, malgré les lourdes pertes du secteur manufacturier, l'économie québécoise a créé au net 322 000 emplois. Pendant la même période, le revenu personnel disponible par habitant a augmenté en moyenne de 4,2% par année, un rythme presque deux fois supérieur à celui de l'inflation.

Contrairement à ce qui s'est passé aux États-Unis, les créanciers hypothécaires canadiens sont protégés par la Loi nationale de l'habitation, et il n'y a pas de bulle immobilière au Canada. Les propriétaires québécois ne risquent donc pas de se retrouver massivement à la rue, comme au sud de la frontière.

Sur le front stratégique de l'investissement, le Québec tire bien son épingle du jeu, surtout si on le compare à son traditionnel rival ontarien. Toujours depuis 2002, les investissements ont augmenté de 48% au Québec, contre 35% en Ontario.

Ce n'est pas tout. Les finances publiques du Québec sont en excellente santé. Les résultats financiers déposés par la ministre Jérôme-Forget font état d'un surplus de 1,7 milliard pour 2007-2008 et 1,2 milliard pour 2006-2007. Pourtant, les deux partis d'opposition ont fait grand état des déclarations du vérificateur général, Renaud Lachance, voulant que le Québec ait un déficit accumulé de 5,8 milliards entre 2001 et 2007.

En réalité, il n'y a pas de contradiction entre les chiffres de M. Lachance et ceux de Mme Jérôme-Forget. Le gouvernement a changé ses méthodes comptables en 2006. Ce que nous dit le vérificateur, c'est qu'en appliquant la nouvelle méthode aux années 2001 à 2007 on en arrive, sur papier, à un déficit théorique de 5,8 milliards. D'ailleurs, M. Lachance a lui-même approuvé les états financiers de Mme Jérôme-Forget.