Le retour d'Air Canada en Bourse a de quoi irriter les anciens actionnaires du plus gros transporteur aérien du Canada et ainsi leur rappeler de très mauvais souvenirs.

Le retour d'Air Canada en Bourse a de quoi irriter les anciens actionnaires du plus gros transporteur aérien du Canada et ainsi leur rappeler de très mauvais souvenirs.

À la suite de sa réorganisation sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers, Air Canada a disparu de la Bourse à la fin de septembre 2004 pour, subito presto, repartir à neuf et revenir en Bourse sous le nouveau nom de Gestion ACE Aviation, avec un capital social de 2 milliards.

Mais dans le cadre de cette réorganisation financière d'Air Canada et de toutes ses filiales (Aéroplan, Jazz, etc.), les anciens actionnaires d'Air Canada se sont fait littéralement laver.

Soyons rigoureux! Dans les faits, ils n'ont pas perdu la totalité de leur placement... puisqu'ils ont eu le privilège de recevoir, en retour de leurs 120 millions d'anciennes actions, un dédommagement de... 202 080 $.

Dédommagement qui leur a été versé en actions, soit un gros total de 10 104 actions de la nouvelle société ACE. Ce qui représentait 0,01% du capital social de la nouvelle ACE. Vous avez bien lu: un centième de 1% de 2 milliards.

Ainsi, au lendemain de la réorganisation, les anciennes actions que les actionnaires avaient payées à des prix pouvant aller jusqu'à 20$ l'action ne valaient plus qu'une petite fraction de cent.

C'est dur sur le portefeuille! Toutefois, pendant que les anciens actionnaires d'Air Canada se faisaient laver par la réorganisation financière, les membres de la haute direction, eux, se faisaient largement récompenser en obtenant des gros blocs d'options sur les nouvelles actions d'ACE Aviation.

Ainsi, à lui seul, Robert Milton, le grand patron de ACE et architecte du plan de réorganisation financière, s'est fait octroyer le 3 octobre 2004 un bloc de 1 010 509 options, soit le tiers des options accordées à tous les membres de la haute direction.

Toutes les options ont été octroyées à un prix d'exercice de 20$, soit le prix initialement fixé pour l'inscription en Bourse de la nouvelle action d'ACE.

La réorganisation financière d'Air Canada et de ses filiales sous le nouveau chapeau de Gestion ACE Aviation a tellement été réalisée à bon compte que rapidement, l'action d'ACE a pris son envol dans les semaines qui ont suivi son inscription en Bourse. Le titre se négocie aujourd'hui autour de la barre des 38$.

Et les membres de la direction n'ont pas attendu trop longtemps pour encaisser une partie des gros profits accumulés sur papier avec leurs blocs d'options. Ainsi dans la circulaire de la direction d'ACE Aviation du 12 avril dernier, on rapporte que Robert Milton a exercé 315 784 options, pour une "valeur globale réalisée" de quelque 5,5 millions de dollars.

Il lui reste encore dans son portefeuille personnel un peu plus de 740 000 options, pour une valeur au marché de quelque 12,4 millions. Pour sa part, Mountie R. Brewer, le chef de la direction de la filiale Air Canada, a exercé un bloc de 20500 options qui lui a rapporté une valeur brute de 366981$. Son solde d'options (279500) vaut près de cinq millions de dollars sur papier.

Autre millionnaire de la réorganisation financière: Rupert Dufresne, le chef de la direction d'Aéroplan. L'exercice de 9375 options lui a rapporté une valeur de 143285$. La valeur sur papier de son solde d'options (65625) dépasse présentement le 1,1 million de dollars.

Avec un tel enrichissement boursier, on comprendra que la haute direction d'ACE est fière aujourd'hui de se retrouver avec une société en grande santé. "L'excellente position financière d'Air Canada représente un important avantage concurrentiel dans la conjoncture actuelle", explique-t-on dans le prospectus de l'appel public à l'épargne qui porte sur le retour en Bourse d'Air Canada, mais à titre cette fois de filiale d'ACE Aviation.

"Après la réussite du processus de redressement, Air Canada a fait passer sa dette et ses obligations locatives de 12 milliards de dollars au 31 décembre 2002, soit avant qu'elle demande la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers..., à environ 4 milliards."

Dans le dessein de maximiser la valeur des actions d'ACE Aviation, Robert Milton et son équipe ont mis en place une stratégie axée sur l'inscription en Bourse de certaines filiales du groupe. Jusqu'à présent, deux filiales ont fait leur entrée en Bourse, soit Aéroplan en juin 2005 et Jazz en février dernier. Aéroplan a aujourd'hui une capitalisation boursière 738 millions et Jazz en a une 206 millions.

Cette fois, la direction veut monnayer sa principale filiale, le transporteur Air Canada. Elle s'attend à émettre dans le public environ 25 millions d'actions, à environ 21$ pièce, pour une recette globale de 525 millions de dollars. Cela procurera à la filiale Air Canada une valeur boursière de l'ordre de 2,1 milliards.

Toutes les maisons de courtage, à l'exception de la Financière Banque Nationale et Valeurs mobilières Desjardins, participent à cette émission visant le retour en Bourse du titre Air Canada. Les principaux courtiers sont RBC Dominion, Marchés mondiaux Citigroup, Valeurs mobilières TD, BMO Nesbitt Burns et Marchés mondiaux CIBC.

Des informations étonnantes

Lorsqu'une société se lance dans un appel public à l'épargne, elle est tenue de révéler le plus de renseignements possibles sur sa situation. Conséquemment, certaines révélations étonnent.

Prenons l'application de la Loi sur les langues officielles (LLO). Tout le monde sait qu'Air Canada y est assujettie, permettant ainsi aux voyageurs de communiquer avec l'entreprise et d'obtenir ses services dans l'une ou l'autre des langues officielles, soit le français et l'anglais.

Cela vaut également pour les clients des filiales d'Air Canada.

Mais à la suite de la réorganisation de la compagnie en septembre 2004, on a mis en place une nouvelle structure. Ainsi, plusieurs divisions internes et anciennes filiales d'Air Canada ont été transformées en sociétés en commandite contrôlées par la nouvelle société Gestion ACE Aviation. À l'exception de la filiale Air Canada, ACE et ses autres sociétés en commandite ne sont plus assujetties aux obligations sur les langues officielles.

Le gouvernement Martin a voulu rectifier le tir en déposant le 2 mai 2005 le projet de loi C-47, lequel projet devait assujettir toutes les entités qui remplacent Air Canada aux obligations de la loi sur les langues officielles. Après avoir été lu en deuxième lecture, il y a eu le déclenchement des élections fédérales et le projet de loi est... mort. Le nouveau gouvernement Harper... ne l'a pas ressuscité.