Tous les automobilistes qui voyagent le moindrement en Ontario et au Québec vous le confirmeront: la qualité des infrastructures routières ontariennes dépasse largement celle du Québec.

Tous les automobilistes qui voyagent le moindrement en Ontario et au Québec vous le confirmeront: la qualité des infrastructures routières ontariennes dépasse largement celle du Québec.

Certes, il y a des exceptions: on peut trouver des nids-de-poule en Ontario, on peut aussi trouver d'excellents tronçons de route au Québec. Mais si on considère la moyenne au bâton des deux provinces, il n'y a aucun doute que l'Ontario l'emporte largement.

Pourquoi? La question est particulièrement pertinente ces jours-ci, alors que le Québec se relève à peine de l'effondrement du viaduc de la mort, à Laval.

Pour trouver la réponse, je suis allé d'abord sur le site du gouvernement ontarien, où j'ai appris que le ministère des Transports dispose de 1,9 milliard cette année.

À peu de chose près, c'est le même budget que le Québec. Dans les deux cas, plus des deux tiers de cette somme sert à financer la construction et l'entretien du réseau routier. Le reste sert principalement à subventionner le transport en commun. J'ai aussi appris que le réseau routier ontarien compte 16 500 kilomètres...

Je me suis ensuite rendu sur le site de Transports Québec pour connaître l'étendue du réseau routier québécois. Surprise: le chiffre varie selon que vous comptiez en kilomètres " itinéraires " ou en kilomètres " pondérés ".

Ainsi, la longueur itinéraire du réseau est de 24 900 kilomètres; mais le réseau pondéré mesure 29 800 kilomètres. C'est tout de même un écart de 20 %.

Le site ne fournit aucune note explicative. Pour connaître la différence entre longueurs " itinéraires " et " pondérées ", il faut donc appeler le Ministère.

De boîte vocale en boîte vocale, je finis par tomber sur une vraie personne qui me réfère à une certaine Mme Delisle, puis se ravise pour transférer mon appel à Mme Pelletier.

Mme Pelletier ne connaît pas la réponse, et transfère mon appel à M. Brière.

M. Brière ne connaît pas la réponse, et transfère mon appel à M. Pouliot.

M. Pouliot ne connaît pas la réponse, mais dit qu'il va consulter M. Girard. Au bout d'un moment, il m'annonce que M. Girard ne connaît pas la réponse, et transfère mon appel à Mme Falardeau.

Mme Falardeau ne connaît pas la réponse, mais me suggère de parler ou bien à Mme Laroche, ou bien à M. Lavoie. Malheureusement, ajoute-t-elle, les deux sont absents du bureau pour la journée.

! "%?&@!!!!**

Je ne mets aucunement en doute la bonne foi de ces fonctionnaires. Tous les gens à qui j'ai parlé étaient polis, empressés, et visiblement désireux de me rendre service.

Le problème, c'est qu'aucun n'était capable d'expliquer une chose vraisemblablement aussi simple. Premier réflexe: si le Ministère gère son réseau de la même façon, pas surprenant que les ponts tombent!

Qu'arrive-t-il, au Ministère, lorsque vient le temps de calculer les coûts de déneigement, ou de marquage, dans une région donnée? Va-t-on approuver un budget en kilomètres " itinéraires " ou " pondérés ", en autant qu'on puisse trouver quelqu'un pour expliquer la différence? Si personne, à Transports Québec, n'est capable de distinguer les deux instruments de mesure, ou à tout le moins d'acheminer les appels aux bons endroits, comment peut-on être certain que les inspections sont faites à temps, et bien faites? Que l'argent destiné à l'entretien du réseau est bien géré? Que le Ministère sera toujours prêt à réagir efficacement et rapidement en cas de catastrophe?

Cela dit, peut-on accuser le gouvernement Charest, comme certains l'ont fait, d'avoir négligé le financement du réseau routier?

Oui et non.

Les crédits déposés pour 2003-04, premier exercice suivant les élections d'avril 2003, allouent un budget de près de 1,4 milliard au ministère des Transports, dont 908 millions pour la construction et l'entretien du réseau routier. Pour l'exercice en cours, c'est-à-dire 2006-2007, le Ministère dispose de 1,9 milliard, dont plus de 1,2 milliard pour les routes. Autrement dit, en trois ans, le budget de Transports Québec a augmenté de 33 %, ce qui n'est quand même pas rien.

Dans le cas de la construction et de l'entretien des routes, la hausse a été de 31 %. Ce chiffre masque une réalité importante. Depuis trois ans, tout l'argent frais est allé sur la construction de nouvelles routes, pendant que les dépenses d'entretien reculaient en termes réels.

Ainsi, les crédits pour la construction des infrastructures passaient de 538 à 817 millions. Pendant ce temps, les budgets alloués à l'entretien passaient de 400 à 407 millions. Ces chiffres ne sont pas indexés. En ajustant les montants pour tenir compte de l'inflation, les dépenses de construction augmentent de 36 %, les dépenses d'entretien reculent de 4 %.

Comme l'Ontario et le Québec ont des budgets comparables, mais que le Québec doit entretenir un réseau presque 50 % plus étendu (pour les fins de l'exemple, je retiens le kilométrage dit " itinéraire "), on comprend rapidement pourquoi les routes ontariennes sont meilleures.

Le Québec a besoin de plus de routes parce que sa population autour des grands centres est plus clairsemée. Cela n'a rien à voir avec les grands espaces, les régions éloignées, la Côte-Nord, l'Abitibi. L'Ontario aussi a ses régions éloignées.

Là où le réseau routier est le plus dense, c'est évidemment là où la population l'est aussi. Par exemple, un petit territoire comme la Montérégie (à peine 0,7 % du territoire québécois) compte à lui seul pour 12 % de l'ensemble du réseau routier québécois. À l'inverse, une immense région comme celle du Saguenay Lac-Saint-Jean ne compte que pour 5 % du réseau.

La Montérégie, comme d'ailleurs l'ensemble des régions centrales, est moins densément peuplée que le sud de l'Ontario. Cela prend donc un réseau plus développé pour desservir tout le monde.

Toutes proportions gardées, pour avoir un réseau de qualité comparable à celui de l'Ontario, le Québec, province plus pauvre et moins peuplée, devrait augmenter son budget de construction et d'entretien des routes d'environ 600 millions.. à condition que l'argent soit dépensé avec efficacité. Tant que le Québec ne sera pas capable de créer plus de richesse, la commande restera trop grande.

© 2006 La Presse. Tous droits réservés.