Le Canada est chroniquement incapable de rattraper le retard de productivité qui le sépare des autres pays industrialisés.

Le Canada est chroniquement incapable de rattraper le retard de productivité qui le sépare des autres pays industrialisés.

Pire: entre 2001 et 2006, dernière année pour laquelle on dispose de données complètes, l'écart s'est encore creusé en défaveur du Canada, qui fait maintenant partie du peloton de queue dans ce dossier stratégique.

C'est ce que montre la plus récente compilation de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), publiée la semaine dernière à Paris.

L'OCDE regroupe plus de 30 pays, surtout des pays riches.

Sur les 29 pays visés par l'enquête, le Canada se classe au 22e rang pour ce qui est des gains de productivité entre 2001 et 2006. Parmi les pays du G7, le Canada est battu par les États-Unis, le Japon, le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France. Seule l'Italie réussit à faire pire.

L'OCDE ne publie pas de données sur les administrations subalternes, mais on sait que le Québec accuse un retard de productivité, évalué à entre 5 et 10% selon les sources, sur le reste du Canada.

Voilà de très mauvaises nouvelles.

Certes, le dossier de la productivité n'est pas particulièrement excitant. Pourtant, il est crucial. Il existe un lien direct entre le niveau de prospérité d'une société et son niveau de productivité.

Une société incapable de maintenir sa productivité au niveau de celle de ses concurrents est inévitablement condamnée à l'appauvrissement.

La notion de productivité prête fréquemment à confusion. Selon une opinion assez largement répandue, les Québécois ne travaillent pas assez; il suffirait donc d'augmenter la semaine de travail pour augmenter la productivité, et s'enrichir collectivement en conséquence.

La réalité est plus compliquée. En fait, les gains de productivité n'ont aucun rapport avec le nombre d'heures travaillées.

Selon la définition généralement admise, on mesure la productivité en divisant la valeur de la production par le nombre d'heures travaillées.

Prenons un exemple. Deux travailleurs sont employés dans deux usines différentes. Lucien met trois heures à produire des biens d'une valeur de 450$. La production de Mario, en deux heures, est de 400$.

Même si Lucien a travaillé une heure de plus, et que sa production vaut 50$ de plus, il est nettement moins productif que Mario. Sur une base horaire, Lucien produit 150$, contre 200$ pour Mario.

Il ne faut pas nécessairement blâmer Lucien. L'employeur de Mario a probablement une meilleure organisation d'entreprise, un meilleur climat de travail, et il a doté son entreprise d'outillage et d'équipement plus performants.

À terme, l'employeur de Mario, parce qu'il a réalisé des gains de productivité, pourra offrir de meilleurs produits à meilleurs prix, mieux soutenir la concurrence, augmenter ses parts de marché, embaucher, créer de l'emploi et de la prospérité. Le même raisonnement s'applique à l'échelle du pays.

On voit ainsi à quel point l'économie canadienne a souffert de la faiblesse du huard pendant la période étudiée.

C'était une ère d'abondance et de facilité pour les exportateurs, qui n'avaient qu'à surfer sur le taux de change pour voir leurs ventes grimper en flèche aux États-Unis.

Or, le Canada n'est pas un gros producteur d'outillage, de machinerie et d'équipement. Il doit importer, principalement des États-Unis. Avec un dollar faible, ces importations étaient évidemment hors de prix.

C'est ainsi que les entreprises canadiennes, dans un monde où la technologie évolue à une vitesse folle, ont raté l'occasion de se moderniser et de réaliser des gains de productivité.

Entre 2001 et 2006, ces gains se chiffrent à 6%, ce qui est très en retard sur la moyenne de l'OCDE.

Autrement dit, si la valeur de la production horaire était de 100$ en 2000, elle atteignait 106$ en 2006 (ces montants tiennent compte de l'inflation).

Aux États-Unis, le chiffre correspondant est de 113$. Cette donnée est très inquiétante.

Les entreprises américaines sont, de loin, les principales concurrentes des entreprises canadiennes.

Or, en cinq ans seulement, ces dangereux rivaux ont augmenté leur productivité deux fois plus rapidement que le Canada ne l'a fait.

L'enquête fait enfin ressortir à quel point certains pays issus de l'ex-empire soviétique sont en passe de devenir des acteurs redoutables d'ici quelques années.

Le champion toutes catégories est la Slovaquie, avec des gains prodigieux de 31% en cinq ans. La Corée-du-Sud suit avec 27%, et elle est talonnée de près par trois autres pays d'Europe de l'Est, la Hongrie, la République tchèque et la Pologne.