Le 26 février, quand il a déposé son budget, le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, en a surpris plusieurs en annonçant que l'ère des plantureux déficits à Ottawa était finie.

Le 26 février, quand il a déposé son budget, le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, en a surpris plusieurs en annonçant que l'ère des plantureux déficits à Ottawa était finie.

On connaît la chanson: dans le passé, cela a commencé avec Paul Martin quand il était ministre des Finances, Ottawa a systématiquement surestimé ses dépenses et sous-évalué ses revenus. Résultat: en fin d'exercice, les résultats financiers du gouvernement ont toujours débouché sur des excédents budgétaires beaucoup plus élevés que prévu.

Ces énormes surplus (14,2 milliards de dollars uniquement pour 2006-2007) ont engendré un déséquilibre fiscal que Bernard Landry a bien résumé dans sa célèbre formule: les besoins sont dans les provinces, l'argent est à Ottawa.

Dans son budget, M. Flaherty a prévu un excédent de 10,2 milliards pour l'exercice 2007-2008, montant qui s'inscrit en plein dans la lignée des gros surplus. L'année financière du gouvernement a pris fin le 31 mars, il y a quelques jours seulement, et nous ne connaîtrons pas les résultats définitifs de l'exercice avant l'automne.

Pour les deux années suivantes, par contre, le ministre s'attend à des surplus beaucoup plus modestes: 2,3 milliards l'an prochain, 1,3 milliard dans deux ans.

En attendant, deux questions importantes se posent:

> Jusqu'à quel point les prévisions pour 2007-2008 sont-elles exactes?

> Compte tenu des prévisions fantaisistes des dernières années, peut-on faire confiance au ministre lorsqu'il annonce que le surplus sera littéralement pulvérisé dès l'an prochain?

Il existe un outil qui permet de répondre à ces deux questions. C'est la Revue financière du ministère des Finances, une publication technique qui permet de suivre, de mois en mois, l'évolution des résultats financiers du gouvernement.

L'édition la plus récente, publiée il y a quelques jours, couvre le mois de janvier et, par conséquent, les 10 premiers mois de l'exercice.

À quelques poussières près, les prévisions de M. Flaherty pour 2007-2008 arriveront en plein dans le mille. D'avril 2007 à janvier 2008, Ottawa a dégagé un excédent budgétaire de 10 milliards. Il reste deux mois, février et mars, avant la fin de l'année financière.

Traditionnellement, ces deux mois ne rapportent pas beaucoup d'argent au gouvernement, notamment à cause des remboursements d'impôts aux particuliers.

D'autre part, les ajustements de fin d'exercice (il s'agit surtout de comptabiliser des dépenses avant la fin de l'exercice, même si ces dépenses seront réellement effectuées après le 31 mars) viennent toujours diminuer le surplus d'une couple de milliards.

C'est donc sans surprise que l'on apprendra, dans six mois, que le surplus de 2007-2008 se situe, comme prévu, aux alentours de 10,2 milliards.

Par ailleurs, la Revue financière envoie un signal clair: les revenus du gouvernement fédéral sont en chute libre. En janvier, la croissance des recettes fiscales a littéralement frappé un mur.

L'an dernier, le mois de janvier s'était soldé par un surplus de 2,4 milliards. Cette année, le montant correspondant est tombé à 600 millions.

Plusieurs facteurs expliquent cette chute.

Dans son énoncé économique d'octobre 2007, le ministre Flaherty a annoncé deux importantes baisses d'impôts: le taux inférieur d'imposition est passé de 15,5 à 15%, et l'exemption personnelle de base a été majorée à 9600$.

Ces deux mesures sont rétroactives au 1er janvier 2007. Autrement dit, les contribuables qui remplissent actuellement leurs déclarations de revenus pour l'année dimposition 2007 peuvent en profiter dès maintenant.

Résultat: les recettes provenant de l'impôt des particuliers reculent de 6,2%,

En outre, à partir du 1er janvier 2008, le taux de la TPS est passé de 6 à 5%. Ce petit point de pourcentage prive le gouvernement de 500 millions, uniquement pour le mois de janvier. Par rapport au mois correspondant en 2007, il s'agit d'une baisse de 16,5%.

Ces baisses de l'impôt sur le revenu et de la TPS se feront sentir mois après mois, année après année.

Certes, le gouvernement profite largement de la hausse des bénéfices des entreprises. Les revenus provenant de l'impôt des sociétés sont en hausse de 20,5%. Mais ce n'est pas suffisant.

À tout prendre, l'ensemble des revenus budgétaires d'Ottawa est en baisse de 3,9% en janvier.

Ce n'est pas tout. Pendant que les revenus diminuent, les dépenses augmentent de 4,6%.

Et les principaux coupables, ce sont les transferts aux provinces. Pendant les 10 premiers mois de l'exercice, la contribution fédérale au financement de la santé et des programmes sociaux, ainsi que les paiements de péréquation, ont atteint 36,6 milliards, 3 milliards de plus que l'an dernier, une hausse de 8,6%.

Pendant la même période, le budget de la Défense passe de 13 à 14,4 milliards, une hausse de près de 11%.

Ce que ces chiffres nous disent, pour ceux qui ne l'ont pas encore réalisé, c'est que l'ère des gros surplus tire à sa fin. Contrairement à ses prédécesseurs, M. Flaherty ne bluffe pas en prévoyant des surplus modestes pour les deux prochaines années; au contraire, il apparaît comme le ministre des Finances le plus réaliste des 20 dernières années.