L'enquête annuelle de l'Institut de la statistique du Québec (ISQ) sur la rémunération, dont les résultats ont été publiés hier, nous apprend que les fonctionnaires de l'État québécois gagnent 9,4 % de moins que l'ensemble des autres salariés québécois.

L'enquête annuelle de l'Institut de la statistique du Québec (ISQ) sur la rémunération, dont les résultats ont été publiés hier, nous apprend que les fonctionnaires de l'État québécois gagnent 9,4 % de moins que l'ensemble des autres salariés québécois.

Cela peut sembler surprenant au premier coup d'oeil. Une opinion largement répandue veut en effet que les fonctionnaires figurent parmi les enfants gâtés du système. Ce n'est pas ce que semble dire l'enquête de l'Institut. Voyons cela de plus près.

L'étude utilise sensiblement la même méthodologie que le défunt Institut de recherche et d'information sur la rémunération (IRIR), organisme absorbé il y a quelques années par l'ISQ. La démarche consiste à comparer les conditions de 76 emplois-repères, c'est-à-dire d'emplois que l'on retrouve dans la fonction publique (fédérale, provinciale, municipale, ainsi que dans les sociétés d'État) et dans le secteur privé (syndiqué et non syndiqué): professionnels, techniciens, employés de bureau, employés de service et ouvriers. Les emplois massivement concentrés dans la fonction parapublique, comme les infirmières et les enseignants, sont exclus de l'étude parce qu'on trouve peu de comparables ailleurs.

Pourtant, malgré une méthodologie blindée et la solide crédibilité des auteurs, l'écart de 9,4 % ne correspond pas à la réalité. Comment cela se peut-il?

Si on tient compte uniquement du salaire, il est exact que les fonctionnaires québécois accusent un retard par rapport aux autres secteurs du marché du travail. Pour des emplois identiques, ils gagnent 7,8 % de moins que leurs collègues du secteur privé, 14 % de moins que ceux des autres administrations publiques. Par rapport à l'ensemble des salariés visés par l'étude, le retard de 9,4 % est donc bien réel.

Mais le salaire n'est qu'une des composantes de la rémunération. Pour avoir une meilleure idée, il faut aussi comptabiliser les assurances collectives, caisses de retraite, vacances, congés de maladie et autres avantages sociaux financés par l'employeur. Si on tient compte de tout cela, le portrait change radicalement. Le retard des fonctionnaires québécois fond à 5,7 %. Par rapport au secteur privé, c'est l'égalité. Autrement dit, l'avantage salarial de 7,8 % détenu par un employé du secteur privé est entièrement pulvérisé par les avantages sociaux plus généreux consentis aux fonctionnaires provinciaux.

L'écart se creuse davantage par rapport aux emplois non syndiqués. À ce niveau, les fonctionnaires détiennent un avantage de 8,4%.

Ce n'est pas tout. "L'ensemble des salariés québécois", dont il est question dans l'enquête, comprend pour l'essentiel les meilleurs emplois.

Avant son absorption par l'Institut de la statistique, l'IRIR offrait une comparaison détaillée des emplois des administrations publiques. Cela permettait de voir dans quelle mesure les employés des municipalités, toujours pour des emplois identiques, étaient les vrais enfants gâtés du système. Prétextant les fusions municipales. l'ISQ a cessé de publier ces chiffres, qui avaient d'ailleurs le don de susciter de vives irritations chez les syndicats municipaux.

Aujourd'hui, les employés municipaux sont mis dans le même sac que les fonctionnaires fédéraux, les employés des sociétés d'État, les employés des universités, tous regroupés sous la rubrique "autre public". Même si nous ne disposons plus de donnés sur la rémunération dans les administrations municipales, on peut certainement penser qu'on y trouve encore les emplois les plus grassement rémunérés.

En tout cas, si on tient compte du salaire et des avantages sociaux, les employés de la rubrique "autre public" sont en avance d'un solide 20,7% sur leurs collègues fonctionnaires provinciaux. Un tel chiffre fait évidemment grimper la moyenne de l'ensemble des salariés.

Enfin et surtout, dans le secteur privé, l'étude ne considère que les entreprises comptant 200 employés et plus. Il y a bien sûr des exceptions, mais règle générale, les grandes entreprises offrent des meilleurs salaires, de meilleurs avantages sociaux et de meilleures conditions de travail que les petites et moyennes entreprises. Or, les entreprises de 200 employés et moins comptent pour environ un emploi sur deux au Québec.

C'est donc la moitié des emplois, et la moitié la moins bien rémunérée, qui n'apparaît pas dans les statistiques. On a vu plus haut que la rémunération globale des fonctionnaires provinciaux était égale à celle du secteur privé (syndiqué et non syndiqué). Sont exclus de ce calcul des centaines de milliers de travailleurs, dans les restaurants, les petits commerces, les PME manufacturières, les petites entreprises de services, avec des avantages sociaux rachitiques quand ils en ont, et qui ont bien de la misère à comprendre comment il se fait que les fonctionnaires gagnent moins que l'ensemble des autres salariés!