Après une poussée continue de 15 ans, l'économie britannique vient de caler: croissance zéro au dernier trimestre. Les prix des maisons chutent, la déprime s'installe... et les financiers de Londres ont déjà fait leurs valises.

Après une poussée continue de 15 ans, l'économie britannique vient de caler: croissance zéro au dernier trimestre. Les prix des maisons chutent, la déprime s'installe... et les financiers de Londres ont déjà fait leurs valises.

L'économie britannique va mal. Très mal.

Le chancelier de l'Échiquier, Alister Darling, a déclaré à la presse, la semaine dernière: "Le pays fait face à une situation économique qui est sans doute la pire depuis 60 ans." Pis, ce déclin sera "plus profond et plus long" que prévu, a insisté le grand argentier anglais.

Les gens de la City, le quartier de la finance à Londres, avaient flairé la crise bien avant le sombre pronostic, au ton plutôt churchillien, de M. Darling. Les institutions financières sont en mode "compressions" depuis quelques mois déjà.

Leurs bureaux londoniens se vident et les licenciements s'enchaînent. Selon la firme JPMorgan, la City perdrait quelque 40 000 emplois par rapport au sommet de l'an dernier.

Le Center for Economic and Business Research, plus optimiste, table plutôt sur 20 000 licenciements d'ici à la fin de 2009. Il reste que 6 à 11% des financiers de Londres vont perdre leur emploi, selon ces scénarios.

Vers Dubaï

Beaucoup de banquiers et de courtiers ont déjà fui les lieux avant que la crise du crédit ne fasse trop de dégâts. Plusieurs financiers britanniques élisent domicile ces jours-ci à Dubaï, la capitale financière du Moyen-Orient, qui profite de la manne des pétrodollars, rapporte l'agence Bloomberg, qui a constaté le phénomène sur place.

Zéro impôt sur le salaire. Des transactions toujours plus importantes et plus nombreuses. Et des bonis à la hausse. Voilà ce que Dubaï leur offre...

Or, l'effritement du secteur financier à Londres est un coup très dur car il est l'un des moteurs de l'économie britannique. La Grande-Bretagne est très exposée à la crise du crédit. Si bien qu'au deuxième trimestre 2008, les "services d'intermédiation financière" ont violemment chuté de 2,8% au Royaume-Uni.

Les somptueux salaires des courtiers londoniens, qui ont contribué à la création de nombreux multimillionnaires, avaient grandement contribué au boom immobilier. Or, le robinet doré de la haute finance est fermé.

Les prix des immeubles à bureaux à Londres ont chuté de 25% en moyenne depuis un an, selon un nouveau rapport de l'Investment Property Bank. Et la firme Lehman Brothers n'entrevoit pas de redressement du marché... avant 2013.

En panne

Après 63 trimestres consécutifs de croissance, la machine britannique a donc calé au deuxième trimestre 2008, avec un PIB resté stable, vient-on d'apprendre. La récession semble inévitable, ce qui fait fuir les investisseurs.

La livre sterling - un monument de stabilité pendant des années - a repris sa glissade et vient de toucher un creux de 12 ans par rapport à un panier de devises internationales.

Il faut remonter à la récession de 1991-1992 pour trouver aussi mauvais bilan pour l'archipel britannique.

Si l'explication de cette panne est en bonne partie la même que dans le reste du monde (crise du crédit et prix élevés des matières premières), ses effets sont inquiétants.

Les prix des maisons ont chuté de 10,9% en août, affirmait jeudi la firme Halifax Real Estate. Cette culbute - la pire depuis 1983 - brosse un portrait plus sombre de l'immobilier qu'en France ou en Allemagne. Le chômage britannique, pratiquement inexistant il y trois ans, est aussi à la hausse. Et, évidemment, la consommation des ménages fléchit.

Aussi, les experts estiment que le " miracle " britannique, l'expression employée en 2006 par la BBC, appartient désormais au passé. Les médias français parlent d'une "panne royale" outre-Manche. "La belle décennie est finie", avait pourtant averti en mai Mervyn King, le gouverneur de la Banque centrale.

Pas surprenant alors que le légendaire flegme anglais soit ébranlé. Un sondage paru la semaine dernière place la confiance des entreprises à un creux historique.

Jeudi dernier, la Banque d'Angleterre a choisi de garder les taux d'intérêt inchangés, à 5%, optant pour le statu quo comme l'a fait la Banque centrale européenne le même jour. Beaucoup de gens, chez les manufacturiers notamment, voulaient une baisse des taux pour requinquer la machine.

Mais les autorités monétaires du Vieux Continent ont les mains liées par une inflation élevée et ne peuvent insuffler de l'oxygène à l'économie.

L'aide viendra cependant. Londres vient d'annoncer un plan de soutien pour l'immobilier. Et éventuellement, d'ici deux ou trois mois, les taux vont baisser en Europe, promettent des experts. On se croise les doigts.