Petit conseil de journaliste aux groupes d'études et autres comités qui pondent des rapports à la demande de gouvernements: limitez le nombre de vos recommandations à, je ne sais pas moi, 10 ou 20 propositions. Puis, laissez tomber les voeux pieux du style le Canada devrait éliminer la taxe sur le capital - le Québec le ferait en un clin d'oeil s'il en avait les moyens!

Petit conseil de journaliste aux groupes d'études et autres comités qui pondent des rapports à la demande de gouvernements: limitez le nombre de vos recommandations à, je ne sais pas moi, 10 ou 20 propositions. Puis, laissez tomber les voeux pieux du style le Canada devrait éliminer la taxe sur le capital - le Québec le ferait en un clin d'oeil s'il en avait les moyens!

Autrement, vous risquez de noyer votre poisson. C'est le grand danger qui guette le Groupe d'étude sur les politiques en matière de concurrence, qui a dévoilé jeudi son rapport final, Foncer pour gagner. Si le gouvernement devait suivre toutes ses recommandations, il courrait en ce moment après 65 lapins!

Ce serait fort dommage, parce qu'il y a du bon dans ce rapport de 139 pages qui cherche à faire du Canada un pays plus vite sur ses patins.

Ce groupe présidé par l'homme d'affaires Lynton «Red» Wilson a vu le jour le 12 juillet dernier, le jour même où Rio Tinto s'est porté acquéreur d'Alcan. À l'époque, cette transaction, qui suivait de peu les ventes d'Inco et de Falconbridge, avait semé la consternation chez les Canadiens.

Mais Red Wilson et ses collègues, dont les Montréalais Isabelle Hudon et Brian Levitt, ont pris le contre-pied des nationalistes qui érigeraient une muraille de Chine autour du Canada.

«La propriété canadienne des entreprises du pays est précieuse. Mais nous ne croyons pas que la meilleure façon d'assurer le contrôle canadien consiste à légiférer sur le sujet (...), concluent ces experts. La meilleure façon de garantir la création et le maintien de champions canadiens est de veiller à ce que les politiques, lois et règlements canadiens favorisent la croissance.»

Le groupe de travail s'est attaqué à la tâche en dépoussiérant les lois canadiennes sur les investissements et la concurrence. Il est grand temps.

N'êtes vous pas tannés de claquer autant d'argent sur votre sans-fil? Que le statu quo est confortable pour certaines industries protégées des rudesses de la concurrence internationale, dont celle des télécommunications!

Et puis, certaines des mesures sont d'un autre âge, comme celles qui protègent l'industrie de l'uranium, qui datent de la Guerre froide. À bien des égards, c'est un minerai comme d'autres. Aussi, il y a d'autres façons de veiller à la sécurité nationale du pays.

En même temps, ces experts ne proposent pas de faire sauter de façon dogmatique toutes les limites sur la propriété étrangère, comme l'ancien ministre de l'Industrie Maxime Bernier semblait enclin à le faire. Juste de les assouplir, ce qui est sage.

Un principe guide ces assouplissements, soit celui de la réciprocité. Cela signifie que le Canada ne donnera pas accès à son marché si ses entreprises ne peuvent pas en faire autant à l'étranger. Par exemple, les Américains ne pourraient pas acquérir 49% d'Air Canada tant que la Caisse de dépôt n'ait le droit d'acheter 49% de Southwest Airlines - à supposer que le Caisse soit intéressée par le transport aérien, ce qui est plus que douteux à l'heure actuelle. Bref, le Canada ne sera pas plus catholique que la Cité du Vatican.

Et puis, il y a ce parti pris pour l'ouverture. S'il n'en tenait qu'à ce groupe d'experts, les acquisitions d'entreprises canadiennes par des sociétés d'ailleurs seront présumées bonnes, à moins que le gouvernement ne fasse la démonstration qu'elles ne soient pas dans l'intérêt national. Ce groupe propose ainsi de renverser le fardeau de la preuve.

En revanche, et c'est crucial pour le Québec, les entreprises culturelles restent au nombre des exceptions. Les transactions les touchant seront encore scrutées à la loupe, même les petites. Ce qui ne signifie pas que le Canada s'opposerait à la vente du Cirque du Soleil à une société de Dubaï, même si cela briserait le c_ur des Montréalais.

Bref, ce document présente un excellent point de départ. Mais le gouvernement devra pousser plus loin la réflexion. Il y a un flou qui entoure la notion d'intérêt national. Or, sur ce sujet, il n'y a pas de consensus qui transcende l'opinion.

Alors qu'il est question d'épuisement de ressources énergétiques et de crise alimentaire, la protection de ressources et de denrées comme l'eau, le blé ou le pétrole est-elle dans l'intérêt national? Ainsi, le fait d'examiner les transactions d'une valeur surpassant 1 milliard de dollars, contre 295 millions actuellement, une limite fixée arbitrairement, élude complètement ce problème.

Et puis, même si le comité semble allergique à toute nouvelle législation, il faudrait s'assurer que les entreprises canadiennes qui sont la cible d'offres d'achat non sollicitées puissent contre-attaquer en gobant leurs prédateurs. Rappelez-vous l'offensive d'Alcoa sur Alcan. L'entreprise montréalaise n'aurait pas pu riposter avec une offre, puisque le producteur américain, établi à Pittsburgh, est protégé par le bouclier anti-OPÀ de la Pennsylvanie.

Reste surtout à voir dans quelle mesure un gouvernement minoritaire voudra prendre le relais de Red Wilson et sa bande.

Par exemple, l'une des recommandations qui a fait le plus jaser, c'est la fin du moratoire sur les fusions entre banques, imposé par Paul Martin en 1998. Il tombe sous le sens d'examiner ces transactions au mérite, en leur faisant passer le test du Bureau de la concurrence. Mais comme le sujet est hautement sensible, surtout à Toronto, où des fusions entraîneraient des coupes d'effectif, il serait étonnant qu'un gouvernement minoritaire veuille en faire son cheval de bataille.

Échaudés, les banquiers n'ont pas encore ressorti leur costume pour se rendre au bal. D'autant que le ministre des Finances, Jim Flaherty, a clairement laissé savoir que ce n'était pas une priorité.

Il faut seulement espérer que les 64 autres recommandations ne se ramasseront pas elles aussi dans le fond d'un tiroir.