Depuis un an et demi, les États-Unis sont frappés de plein fouet par la pire crise immobilière des 16 dernières années.

Depuis un an et demi, les États-Unis sont frappés de plein fouet par la pire crise immobilière des 16 dernières années.

Les experts avancent déjà les plus sombres prévisions: pas moins d'un million et demi d'Américains risquent de perdre leur maison.

Quelque 100 000 emplois sont menacés dans le secteur de la construction résidentielle et ses industries connexes, qui représentent 23 % du produit intérieur brut américain. Les institutions spécialisées dans le prêt hypothécaire à haut risque (subprime mortgage lending) sont dans un cul-de-sac financier.

D'après les spécialistes, ce n'est qu'une question de temps avant que la New Century Financial, un géant dans ce domaine, ne se place sous la protection de la loi sur les faillites. Et la déroute de la New Century n'est que la pointe de l'iceberg; des centaines d'autres institutions prêteuses luttent pour leur survie. La crise est de première amplitude.

De ce côté-ci de la frontière, une question se pose : la même chose peut-elle se produire au Canada?

La réponse est non.

Voyons d'abord comment les États-Unis en sont arrivés là.

Le prêt hypothécaire à haut risque est au coeur de la crise. Il s'agit en fait de prêts consentis à des acheteurs de maisons qui ont un mauvais dossier de crédit. Cela peut sembler assez inconséquent au départ : par définition, un prêteur responsable se tient loin du client à risque, surtout si celui-ci n'est même pas capable de fournir une mise de fonds raisonnable. C'est d'ailleurs ce que font les banques et autres prêteurs conventionnels.

Or, au milieu des années 90, on s'est aperçu que de nombreux consommateurs étaient en fait plus fiables que ne le laissait entrevoir leur mauvais dossier de crédit. Beaucoup d'entre eux, notamment, parvenaient à payer un loyer mensuel dont le montant était équivalent ou même supérieur à celui d'un versement hypothécaire mensuel. Dans ces conditions, pourquoi ne pas devenir propriétaire?

Des institutions comme la New Century ont sauté à pieds joints sur ce nouveau marché. L'idée est simple comme bonjour. Vous avez un mauvais dossier? Aucune banque ne veut prendre le risque de financer votre hypothèque? Venez nous voir! Nous allons vous prêter l'argent.

Cela vous permettra d'accéder à la propriété. Le plus beau, c'est qu'à mesure que la valeur de votre propriété augmentera, vous améliorerez votre valeur nette et rétablirez votre bonne réputation de crédit. Évidemment, ce service a un prix. Les hypothèques à risque élevé se négocient à des taux progressifs.

Au début, l'emprunteur paie un taux comparable à ceux du marché, mais le taux augmente rapidement avec le temps et finit par dépasser largement le marché.

N'empêche: en neuf ans, entre 1994 et 2003, pas moins de neuf millions de ménages américains sont passés du statut de locataire à celui de propriétaire. La majorité d'entre eux sont des ménages à revenus moyens ou faibles, et qui n'auraient jamais pu obtenir du financement auprès des prêteurs conventionnels.

Comme on s'en doute, les institutions comme la New Century ont connu une croissance spectaculaire pendant cette période. En 1994, les prêts hypothécaires à haut risque totalisaient 35 milliards dans l'ensemble des États-Unis. Neuf ans plus tard, ce montant atteignait 332 milliards. Cela donne un extraordinaire taux de croissance annuel moyen de 25 %. L'encours de ces prêts, pendant ce temps, est passé de 773 milliards à 3,8 billions.

Tant que les prix immobiliers sont à la hausse, le système fonctionne bien. Les emprunteurs d'hypothèques à haut risque peuvent même, à l'échéance, renouveler leur prêt à des conditions plus avantageuses auprès des banques, puisque la valeur de leur propriété offre maintenant une garantie largement suffisante.

Les choses ont commencé à se gâter lorsque le marché immobilier a donné ses premiers signes de ralentissement, en 2005. La bulle est clairement en train de se dégonfler. Depuis septembre 2005, les ventes de maisons neuves ont reculé de 28 %.

Plus les acheteurs se font rares, plus les prix baissent. Les institutions comme la New Century se retrouvent dans une situation intenable: la valeur marchande des maisons est inférieure au montant des prêts, et ne peut donc plus servir de garantie.

Les détenteurs d'hypothèques à haut risque se retrouvent dans un cul-de-sac, et beaucoup d'entre eux devront se résigner à vendre leur maison. C'est la faillite du système.

Pourquoi cela ne peut-il pas se produire au Canada? Le système des prêts hypothécaires à haut risque ne s'est jamais étendu de ce côté-ci de la frontière. Au Canada, la vaste majorité des hypothèques sont financées par des institutions conventionnelles (banques et caisses populaires, surtout).

D'autre part, les hypothèques sont obligatoirement garanties par l'assurance hypothécaire de la Société canadienne d'hypothèques et de logement lorsque la mise de fonds est inférieure à 75 % de la valeur de la transaction.

L'assurance hypothèque garantit au prêteur qu'il sera payé en cas d'insolvabilité de l'emprunteur. Il n'existe aucun pendant de la SCHL aux États-Unis (les Américains peuvent toutefois acheter une assurance hypothèque auprès d'un assureur privé).

Cela ne met pas le Canada à l'abri d'une crise. Les prix de l'immobilier peuvent toujours s'effondrer, ici comme ailleurs. Cela s'est déjà produit, et se produira encore. La différence, c'est que le Canada s'est donné des outils pour mieux affronter les crises.

C'est en ce sens qu'un tremblement de terre comme celui qui secoue les Américains est impensable ici.