Ils sont entrés au compte-gouttes, après avoir été fouillés un à un par des agents du palais de justice.

Ils sont entrés au compte-gouttes, après avoir été fouillés un à un par des agents du palais de justice.

Mais pour ces investisseurs floués et autres badauds qui étaient venus assister au moment de vérité de Vincent Lacroix, les longues minutes d'attente ont valu la peine sans jeu de mots.

C'est par une ovation spontanée qu'ils ont accueilli la peine de 12 années de prison servie au grand tricheur de Norbourg.

«Bravo monsieur le juge!» a crié au-dessus des applaudissements une femme tout au fond de la salle, tandis qu'un agent tentait tant bien que mal de faire régner un semblant de décorum.

«Cela en prendrait d'autres comme vous», a-t-elle renchéri.

Profitant de la commotion, un agent des services correctionnels a aussitôt escorté un Vincent Lacroix impassible par la porte de service. Direction prison.

«C'est pas trop pire», a commenté Yvon Lessard, qui semblait las après la lecture de la peine truffée de jurisprudence technique sur le Code de procédure pénale.

Ce gardien de prison de 64 ans qui a perdu 35 000 $ en investissant dans Norbourg aurait préféré que le juge Claude Leblond se rende complètement aux arguments des avocats de l'Autorité des marchés financiers (AMF) en imposant une peine de 15 ans de prison.

Rien, à l'évidence, ne pourra réparer les vies brisées et les rêves envolés des 9200 épargnants détroussés. Ni la prison, ni le goudron et les plumes, ni l'échafaud, même si certaines victimes fantasment une telle vengeance.

Le juge Claude Leblond a en fait condamné Vincent Lacroix à 215 années et demie de prison pour avoir enfreint à 51 reprises la Loi sur les valeurs mobilières du Québec.

Mais comme la majorité de ces peines sont purgées de façon concurrente, le fondateur de Norbourg écope de 12 années moins un jour.

Cela paraît peu eu égard aux 115 M$ dérobés, mais c'est énorme pour des infractions pénales qui ne relèvent pas de la justice criminelle.

De fait, nombreux étaient ceux qui s'attendaient à ce que toutes les peines soient purgées en même temps, à en juger les paris qui avaient cours dans les couloirs du palais de justice.

Vincent Lacroix aurait ainsi été passible de passer cinq années moins un jour en prison! Mais le juge Leblond en a décidé autrement dans une décision qui fera vraisemblablement jurisprudence.

Un défendeur ne doit pas échapper à sa responsabilité par la «confusion des peines», ainsi en a voulu le législateur, tranche Claude Leblond.

«Le fait que le défendeur ait été trouvé coupable d'infractions réglementaires plutôt que criminelles ne change rien lorsque la culpabilité morale se situe à un niveau élevé, comme dans le cas présent, a-t-il écrit. Ainsi, aucune règle existante n'empêche d'imposer une peine sévère d'emprisonnement dans les limites de la loi et de la jurisprudence.»

Bref, appelons les choses par leur nom. Un escroc est un escroc. Surtout Vincent Lacroix, pour lequel le juge Leblond a été incapable de trouver un seul facteur atténuant!

C'est un juste retour des choses pour les victimes de Norbourg qui ont été très mal servies par le «système».

L'Autorité des marchés financiers à tardé à intervenir avec force chez Norbourg alors que les signaux d'alarme se multipliaient depuis des années. Or, les malversations ont explosé au cours des mois qui ont précédé les perquisitions.

La Gendarmerie royale du Canada n'a toujours pas arrêté Vincent Lacroix plus de deux années et demie après les descentes dans les bureaux de Norbourg qui ont pourtant donné aux policiers une preuve accablante. À quand le procès au criminel?

Et plutôt que d'enquêter sur les circonstances qui ont conduit à un tel dérapage, le gouvernement du Québec se permet de faire la leçon aux victimes de Norbourg!

En annonçant la création d'un fonds d'éducation aux petits investisseurs à la mi-décembre, la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, a ajouté l'insulte à l'injure, selon plusieurs investisseurs outrés.

Si Norbourg a réussi à berner les soi-disant cracks de l'AMF avec des faux documents, en quoi des cours sur les valeurs mobilières protégeront-ils les petits investisseurs à l'avenir?

Le système judiciaire dont le juge Claude Leblond est issu n'est pas non plus exempt de reproches. Depuis toujours, les crimes économiques ne sont pas considérés avec sérieux.

C'est encore plus frappant au Canada, réputé pour son indulgence. Il est toujours plus important d'écrouer un motard qui importe de la drogue qu'un fraudeur à cravate qui ruine des investisseurs.

Le message que le juge Claude Leblond envoie de façon limpide, c'est plus maintenant. «Il y a une urgence à démontrer la réprobation sociale des comportements adoptés par le défendeur», écrit-il.

Ce jugement ne permet pas de retrouver les millions qui se sont évanouis quelque part entre Candiac et Fribourg, en Suisse, en passant par les Bahamas.

Mais pour les victimes de Norbourg, c'est déjà un début de justice.