L'éclairante série d'articles de mon collègue Stéphane Paquet sur les exportations québécoises a de quoi donner des frissons dans le dos. Dans un premier volet, publié vendredi, on apprend que la balance commerciale du Québec se détériore à toute vitesse.

L'éclairante série d'articles de mon collègue Stéphane Paquet sur les exportations québécoises a de quoi donner des frissons dans le dos. Dans un premier volet, publié vendredi, on apprend que la balance commerciale du Québec se détériore à toute vitesse.

Historiquement, le Québec a toujours connu un solde commercial excédentaire. C'était encore vrai en 2000, alors que les exportations atteignaient 141,7 milliards contre 137,1 milliards pour les importations, ce qui laisse un surplus de 4,7 milliards.

En 2003, le Québec a connu un premier déficit de 2,2 milliards, et la situation continue de se dégrader depuis. L'an dernier, les exportations valaient 151,5 milliards, contre 159,9 milliards pour les importations, d'où un trou de 8,4 milliards.

Ces chiffres tiennent compte du commerce international et du commerce interprovincial.

La dégradation est inquiétante. En six ans, les exportations québécoises ont augmenté de 7% en dollars courants. Or, pendant la même période, l'indice des prix à la consommation a grimpé de 14%. C'est donc dire que les exportateurs québécois sont de moins en moins performants.

Pendant, la même période, les importations ont augmenté de 17%. Autrement dit, si le Québec est passé d'un surplus à un déficit, c'est parce qu'il importe beaucoup plus, et qu'il est incapable de compenser ses achats à l'étranger par une hausse équivalente des exportations.

En principe, un déficit commercial n'est pas automatiquement une mauvaise chose. C'est particulièrement vrai lorsque les entreprises achètent de l'outillage et de l'équipement qui leur permettent d'augmenter leur productivité.

Mais ce n'est pas ce qui se passe. À eux seuls, deux produits comptent, loin devant tous les autres, pour le quart de toutes les importations québécoises: le pétrole et les automobiles.

De ce portrait d'ensemble, il se dégage forcément une impression de morosité généralisée.

En grattant un peu, il est quand même possible de trouver deux prix de consolation.

Le premier, c'est que le Québec n'est pas le seul dans son malheur. L'Ontario, longtemps considéré comme le vaisseau amiral des exportations canadiennes, connaît aussi des ratés graves.

Frappé de plein fouet par la crise de l'automobile, l'Ontario est également victime, comme le Québec, de la hausse rapide du dollar canadien.

Ainsi, en six ans, les exportations ontariennes sont passées de 321 à 331 milliards; compte tenu de la hausse des prix à la consommation, il s'agit en réalité d'un recul encore plus dramatique qu'au Québec.

Pendant la même période, les importations ontariennes ont bondi de 275 à 305 milliards. Résultat: le surplus commercial de la province voisine fond à vue d'oeil: de 46 milliards en 2000, il n'est plus que de 26 milliards.

C'est une importante dégringolade; mais à tout prendre, l'Ontario demeure dans une posture largement plus confortable que le Québec, où la balance commerciale a carrément basculé dans le rouge. Selon les spécialistes, le Québec n'est pas près de s'extirper de cette gênante position.

Deuxième prix de consolation: à l'intérieur du Canada, le poids du Québec comme puissance exportatrice demeure constant, à quelques poussières près.

Ainsi, en 2000, le Québec comptait pour 20% de toutes les exportations canadiennes. L'an dernier, cette proportion était passée à 19%. Même si sa balance commerciale se détériore rapidement, le Québec demeure un acteur important.

En Ontario, la détérioration est encore plus importante. Pendant la même période, la part des exportations ontariennes, par rapport au total canadien, est passée de 45 à 41%.

Si on observe des reculs dans les deux principales provinces exportatrices, c'est principalement à cause de la hausse rapide des prix pétroliers. Comme on s'en doute, c'est l'Alberta qui en sort grande gagnante.

Toujours entre 2000 et 2006, la part de l'Alberta dans les exportations canadiennes est passée de 13,6 à 17%. L'an dernier, les exportations albertaines ont atteint 137 milliards, ce qui talonne d'assez près les 151 milliards observés au Québec.

Malgré ces aspects positifs, il est clair que la position commerciale du Québec se dégrade rapidement, et que le prix à payer pour cela est élevé sur plusieurs plans.

Imaginons un seul instant que le Québec ait pu maintenir le ratio de ses exportations au même niveau qu'en 2000. Cette année-là, les exportations couvraient 107% des importations.

Avec un tel ratio, ce n'est pas avec un déficit de 8,4 milliards que le Québec se retrouverait aujourd'hui, mais avec un surplus de 11,2 milliards. On ne peut que rêver à l'impact que cela peut avoir sur l'emploi, le niveau de vie, les finances publiques.

Certes, certes, les débats sur les gains de productivité ne soulèvent pas les passions. Dommage: il s'agit là d'un passage obligé si les Québécois veulent retrouver un jour leurs surplus commerciaux. Sinon, ils se préparent de bien tristes lendemains.